Acquisition et circulation du savoir “ profane ” et médical pour la prise en charge des maladies chroniques.
Du développement associatif à la « démocratie sanitaire »
En France, la loi du 4 mars 2002 permet officiellement aux associations de patients d’être représentées dans les conseils d’administration des établissements hospitaliers et dans certaines décisions de santé publique. Un nouveau modèle apparait, celui d’une « démocratie sanitaire ». Les termes suggèrent un « partage entre pouvoir politique, pouvoir professionnel et pouvoir citoyen»45 permettant de rendre le patient « acteur de sa santé » 46. De nos jours, l’expertise « profane » des associations de patients (Bureau et Hermann-Mesfen, 2014) est considérée comme un outil de diffusion de la « démocratie sanitaire » au sein du système de santé (Akrich et Rabeharisoa, 2012). Qu’en est-il sur le terrain ? A travers quelles pratiques associatives ce concept de démocratie sanitaire s’est-il diffusé depuis le début du 21ème siècle ? Comment les associations, à partir d’un petit réseau de pairs, arrivent-elles à faire valoir le droit des patients, créer de l’information et accompagner les nouveaux diagnostiqués ? Pour pallier quelles contraintes, les choix et priorités s’opèrent-ils le long de leur itinéraire de décisions et à travers quels « jeux » d’acteurs ? Deux types de réclamations par les associations ont été repérés dans la presse avant de commencer l’enquête empirique. Un, dénonçant les inégalités de distribution de la trithérapie et un autre, portant sur les remboursements des traitements pour l’hypertension. Avant de restituer notre analyse empirique, nous commencerons donc par décrire les enjeux de ces deux mobilisations. o La lutte contre le SIDA, encore d’actualité La lutte des années 90’ pour la recherche de nouveaux traitements a permis de faire avancer considérablement l’espérance de vie des séropositifs. En effet, le SIDA, une épidémie mortelle, est devenu, grâce à la trithérapie, une maladie chronique. Pourtant les associations de patients ne semblent toujours pas satisfaites : « Justice », « Changement »… on était presque tentés d’y croire. On avait tort. Sur le front mondial contre le sida, les dernières années se suivent et se ressemblent. Les 45 http://blogs.mediapart.fr/blog/daniel-carre/220414/democratie-sanitaire 46 Le terme « acteur » est plutôt un concept politique. En termes sociologiques, le malade a toujours pu être un « acteur » stratégique comme le montre Goffman dans son livre Asile (1968). Thèse de doctorat, Socio-anthropologie, Université Paris Descartes, soutenue le 6.09.2017 96 gouvernements changent, pas la manière» 47 regrette Bruno Spire, président de « AIDS ». Les trois phrases consécutives qui suivent sont toutes introduites par la même syntaxe « Une nouvelle fois » indicatrice d’une forte revendication : « Une nouvelle fois, la crise financière servira d’alibi à la France pour ne pas respecter ses engagements. Une nouvelle fois, l’opportunité de mettre fin à l’épidémie sera reportée sine die, faute d’investissements à la hauteur. Une nouvelle fois, les déclarations incantatoires d’un président français ne seront pas suivies d’effets ». Les mots choisis restent courtois et respectueux, sans tutoiement ni insultes, mais le discours prononcé libère une atmosphère amère, marqué par un rythme court et plombant. Manifestement, l’association semble déçue de l’écart entre le discours et les pratiques réelles. Il rappelle que les moyens manquant pour éradiquer l’épidémie seraient minimes si chaque puissance mondiale s’impliquait davantage. Il suffirait effectivement, selon lui, qu’ils se divisent entre eux « 4 milliards d’euros par an » ce qu’il compare ironiquement à « 4 stades de foot pour mettre définitivement fin au sida » Eric Fleutelot, porte-parole de Sidaction appuie ce discours avec désolation dans un autre article du Monde : « Certains médias, légitimement, tant l’optimisme semblait être le mot d’ordre, ont titré sur la ‘fin du sida‘. Mais, et je suis le premier à m’en désoler, il n’en est rien » 48. Ainsi, malgré les traitements trouvés, les associations continuent à militer pour une répartition équitable des ressources sur les différents territoires, sans discriminations. L’enjeu revient donc à éviter d’accentuer les inégalités sociales de santé. o Le déremboursement de l’hypertension de la liste des ALD Autre sujet de polémiques, qui revient régulièrement dans la presse, celui de l’exclusion de l’hypertension dans la liste des Affections Longues Durées (ALD). Cette exclusion signifie la fin de prise en charge totale par la Sécurité Sociale. L’exclusion de l’hypertension dans la liste des ALD avait déjà été évoquée en 2008 par Frederick Van Roekeghem, directeur de l’Union : « Selon lui, la prise en charge à 100% des affections de longue durée (ALD) comme le cancer ou le diabète, dont bénéficient actuellement 8 millions de malades, devrait être réservée « aux pathologies qui sont véritablement longues et coûteuses », ce qui n’est notamment pas le cas des personnes 47 Sida et développement, la France doit tenir ses engagements, Le Monde, 30.11.1012 48 « Sida, sans un « si » », Le Monde, 14.11.2012 « Acquisition et circulation du savoir « profane » et médical pour la prise en charge des maladies chroniques. » 97 souffrant d’hypertension artérielle ou de certains diabètes » 49. Dans ce même article, les propos du « président de l’Assurance Maladie » sont complétés par une justification : « c’est que tous les médicaments qui ne sont pas directement liés au traitement d’une affection longue durée, tous ceux qui sont annexes, connexes, de confort ou d’accompagnement comme on dit, les vignettes bleues, ne seraient pris en charge qu’à 35% par l’assurance maladie ». Cependant, l’idée d’exclusion de la liste des ALD a été rejetée par Roselyne Bachelot, alors Ministre de la Santé estimant indispensable cependant, de mettre en place de «nouvelles mesures d’économies : « Quelle génération serions-nous si nous faisions payer nos soins par nos enfants et nos petits-enfants » a-t-elle demandé outrée. Dans le même sens, le ministre du Budget, Eric Woerth, rassurait les français affirmant que le gouvernement ne prévoyait « aucune remise en cause du remboursement à 100% des affections longue durée ». Pourtant, trois ans plus tard, suite au décret du 24 juin 2011, on peut lire dans la presse « Cette décision est « en parfaite incohérente avec les recommandations du Plan de lutte contre les AVC 2010-2014, priorité de santé publique et avec une nouvelle politique privilégiant la démocratie sanitaire.50» Le décret suivant donnait les conditions d’entrée et de sortie pour chacune des 30 ALD reconnues ainsi que « la durée d’exonération du ticket modérateur (représentant ce qui reste à la charge de l’assuré)»51, tandis que rien n’était mentionné sur l’hypertension. Un an plus tard, le recours des associations a donc été rejeté par le conseil d’Etat à leur plus grand désespoir. Dans un article du Monde de juin 2011, nous pouvions lire : « Un décret paru dimanche ferme l’accès au régime des ALD au titre de l’hypertension [uniquement pour les nouveaux malades], mais l’économie sera modeste [20 millions]. Quant à l’idée de ne plus rembourser tous les soins à 100 %, évoquée en 2008, elle a été enterrée, précise le quotidien économique ». Dans un article du Ciss53, il est rapporté qu’une « telle décision ne peut être prise sans consultation des instances démocratiques ». Selon les sociétés savantes, « l’HTA sévère présente aussi les caractéristiques d’une maladie » et que « la suppression d’une ALD est de nature à alourdir le reste à charge des malades » ce qui « constitue de ce fait une violation des exigences constitutionnelles (protection de la santé) ». En parallèle, dans un article des Echos, les propos des associations mécontentes, pointaient plus particulièrement la sévérité des symptômes et de leurs complications : « L’hypertension artérielle sévère compliquée d’affections cardiovasculaires et rénales très handicapantes n’est plus reconnue pour des raisons purement économiques comme elle doit l’être: une maladie chronique très grave ! »54. C’est la crise qui semble servir d’alibi au gouvernement pour justifier cette exclusion, un exutoire que les associations n’ont pas accepté : « Les associations ne peuvent accepter que la définition de la liste des ALD soit subordonnée à l’équilibre financier de la sécurité sociale et donc à des considérations économiques et conjoncturelles (…) La crise économique ne peut justifier que l’on sanctionne les personnes malades en minorant leur prise en charge par l’Assurance Maladie », argumente le communiqué des associations» 55. Le CFLHTA (Comité français de lutte contre l’hypertension artérielle) craint que certains patients ne soient «tentés ou contraints d’abandonner leur traitement » 56 par faute de moyens financiers ce qui ne ferait qu’aggraver leur pathologie par la suite. Dans le Monde, un témoignage 57 raconte le décès dramatique d’un patient mal soigné faute de coordination et d’accès aux soins. Ainsi, on trouve deux natures de messages : la colère et les reproches d’un côté, les émotions et appels à la solidarité de l’autre. Comment les associations arrivent-elles à se faire entendre en dehors de la presse ? Quels sont les objectifs de nos associations et comment parviennent-elles à les atteindre ? Quelles sont les étapes nécessaires à leur développement ? C’est ce que nous souhaitons comprendre par notre enquête auprès des dirigeants sur leurs pratiques et stratégies pour le développement de leurs structures respectives. Nous détaillons donc dans une première partie les pratiques nécessaires à la déclaration officielle d’une structure associative. Puis, dans une deuxième, nous montrons la diversité des sources de financement possible en fonction des différents objectifs et réseaux. Dans les troisième et quatrième parties, nous expliquons comment s’effectue la recherche de bénévoles, puis leur répartition en interne pour leurs différentes missions. Enfin, nous décrivons la diversité des activités mises en place pour la prise en charge des maladies chroniques.
La déclaration officielle de l’existence d’une association de patients : réseau et enjeux
Pour créer une association, « il suffit qu’au moins deux personnes se mettent d’accord sur son objet. Ils en rédigent les statuts, qui précisent l’objet, les organes dirigeants, la personne habilitée à représenter l’association, et, indiquent le siège social ou son adresse » 58. L’objet dans le cas des maladies chroniques concerne un enjeu de santé publique souvent défini par l’Etat. Ainsi, trois points sont à détailler auprès des institutions : les membres du conseil d’administration (CA), la localisation du siège social et enfin l’objectif de la création.
La mise en place d’un conseil d’administration (CA) : un turn-over rapide
D’un point de vue juridique, une première réunion officielle des membres est nécessaire afin de définir les statuts de l’association, élire les administrateurs et définir un responsable des démarches administratives auprès de la préfecture. C’est ce qui est appelé l’assemblée générale « constitutive ». La réunion se passe de façon plus ou moins formelle comme évoqué dans le chapitre 1. Un compte rendu de cette assemblée est néanmoins demandé lors de la déclaration officielle de l’existence de l’association à la préfecture. Ainsi dans ce compte rendu, les membres du « bureau » et du « conseil d’administration » (CA) sont clairement définis. Ainsi, deux groupes sont importants à définir pour la déclaration publique : le « bureau » et le « conseil d’administration ». Le bureau est composé de l’équipe dirigeante avec les membres fondateurs. Le conseil d’administration comporte le bureau et les administrateurs. Certaines associations font la distinction entre bureau et administrateurs, d’autres parlent uniquement de « conseil d’administration ». Le bureau peut comporter un président d’honneur qui est toujours un médecin hospitalier et spécialiste de la pathologie ciblée par l’association. Lorsque les fondateurs ont un lien professionnel avec la maladie, le bureau comporte généralement un médecin intégré au CA comme membre actif ou symbolique. En revanche, sans être exhaustif, les associations créées par des patients ne semblent pas souhaiter pas les intégrer au sein du CA Nous verrons qu’ils les placent préférentiellement dans des structures annexes. D’un point de vue réglementaire, il doit être écrit dans la déclaration officielle, la durée de vie décidé du bureau et du CA. Le bureau change en général tous les deux ans tandis que la durée du CA peut varier. Parfois, le bureau comme le CA change en même temps sans distinction : « Le CA change tous les 2 ans, donc on a un nouveau bureau avec 9 personnes qui changent tous les deux ans » (Entretien directeur, patient, maladie rhumatismale 2). Parfois, les renouvellements diffèrent entre les deux : « Un CA de 4 ans et un bureau de 10 membres élus par le Conseil d’Administration pour un mandat de deux ans » (Entretien, président, bénévole, patient, cancer rare 2). Ils peuvent aussi être renouvelés de moitié : « Le conseil d’administration est constitué de 16 à 30 membres élus pour 4 ans par l’Assemblée Générale. Il est renouvelable par moitié tous les deux ans » (Entretien, président, bénévole, patient, cancer rare 2). Quelles que soient les durées mentionnées dans la déclaration officielle, un turn-over rapide les définis. Les fondateurs gardent néanmoins souvent une place privilégiée, même s’ils ne sont pas réélus. Les médecins réputés, dits « président d’honneur » gardent également leur place et titre malgré les turn-over obligatoires : « Les membres du bureau, à l’exception du président d’honneur, sont élus par le Conseil d’Administration pour une durée de 2 ans » (Entretien, trésorière, bénévole, leucémie). Les plus actifs ou anciens peuvent plus facilement être élus lors de l’assemblé générale annuelle : « Chaque adhérent de l’association qui présente une ancienneté peut proposer sa candidature, à savoir, qu’il devient un membre dirigeant et décideur du fonctionnement de l’association puisqu’il a le droit de vote lors des décisions du CA qui sont prises en séance » (Entretien, présidente, bénévole, patiente, maladie rhumatismale 1). D’après un dirigeant, « Les administrateurs les plus investis sont ceux du conseil d’administration » (Entretien, directeur, patient, maladie rhumatismale 2). Les élections des membres du CA et du bureau se font par une assemblée générale (AG), un lieu de décision et de prise de pouvoir des administrateurs. Tous les membres de l’association ont le droit de voter même s’ils ne font pas partie du CA : « Tous les membres ont le droit de vote en AG quand il s’agit de travailler sur les statuts, de contrôler, d’avoir un regard sur les finances, sur la façon dont fonctionne l’association… » (Entretien, présidente, bénévole, patiente, maladie rhumatismale 1). En revanche, ce sont les membres du CA qui élisent entre eux les membres du bureau. Dans des associations purement bénévoles, parfois peu de membres viennent à l’AG, ce qui freine le turn-over en gardant toujours les mêmes responsables : Les membres, ils ne viennent pas, l’année dernière, à part un membre, il n’y avait que les personnes du bureau « Acquisition et circulation du savoir « profane » et médical pour la prise en charge des maladies chroniques. » 101 qui sont venus à l’assemblée générale, alors c’est léger quand même ! » (Entretien, présidente, Insuffisance cardiaque) Si des règles formelles permettent un turn-over cadré, il reste une incertitude forte spécifique aux associations de « patients ». En effet, les bénévoles sont pour la majorité des personnes atteints de maladies chroniques. Leur Etat de santé peut évoluer rapidement ce qui rend incertain la gouvernance de la structure associative : « Le président qui était avant moi, vient de décéder… Il avait 19 ans de greffe… Là on a remis X car on avait personne d’autres, mais il n’est pas en très bonne santé… il est dialysé, il a beaucoup de mal à marcher, il est tombé pendant la nuit, sa femme ne l’a pas entendu, et il s’est cassé les deux bras… donc il est encore plus handicapé en ce moment… » (Entretien, présidente, Insuffisance cardiaque). Ainsi, les contraintes biologiques et médicales peuvent être un déclencheur du turn-over dans les associations de patients. Tout comme le manque de disponibilité : « Nous étions 11 au conseil d’administration, une personne a démissionné, … par manque de disponibilité … Une autre va probablement démissionner parce que elle, ce sont des contraintes pro… Au jour d’aujourd’hui, nous somme 9, mais des gens vont présenter des candidatures en juin… …. Et à ce moment-là le CA reprendra sa quantité d’administrateurs normale » (Entretien, présidente, bénévole, patiente, maladie rhumatismale 1).
La localisation du siège social
Pour créer une association, il faut définir, en plus des membres du CA, l’adresse d’un siège social. Selon l’adresse du siège social, la déclaration à la préfecture ne s’adressera pas à la même institution. Si le siège est situé à Paris, la déclaration doit se faire à la préfecture de police, si le siège se situe en région, la déclaration doit se faire dans la préfecture du département. Dans notre échantillon, nous trouvons trois lieux différents de siège social. Tout d’abord, pour les petites associations en début de création, l’adresse est souvent le domicile d’un membre du bureau. Trois associations sont concernées. L’une, à Paris, a élu son siège social chez le trésorier. Les deux autres, chez leur présidente, l’une étant en région parisienne, l’autre, dans le Limousin. Le siège social peut également élire domicile dans un local indépendant loué par l’association (Fig. 2 et 3). Ce sont souvent des associations plus importantes, avec de l’ancienneté et un grand nombre de bénévoles, voire, des salariés car les coûts de location de salles et bureau Thèse de doctorat, Socio-anthropologie, Université Paris Descartes, soutenue le 6.09.2017 102 sont conséquents. Les dirigeants recherchent activement des acteurs pouvant leur prêter des salles pour leurs réunions de travail ou journée d’informations. Figure 2. Photos des locaux d’une fédération nationale : Paris 19 e. Figure 3. Photos des locaux d’une association nationale avec 2 salariés: Paris, 13ème. Enfin, ceux qui ont des contacts avec des médecins hospitaliers peuvent donner l’adresse d’un hôpital.
Des objectifs associatifs dépendants des mobilisations médicale et institutionnelle
Tous les dirigeants de notre échantillon mettent en avant la nécessité « d’informer » et de favoriser les échanges entre personnes malades. Cependant, les objectifs restent multiples et dépendent fortement de l’existence des traitements d’une part, et leurs conséquences vitales ou mutilantes d’autre part. Quand peu de traitements existent sur le marché, les objectifs des associations visent généralement à soutenir la recherche médicale par des collectes de fonds. Elles peuvent également se donner comme mission d’intégrer les personnes malades dans des essais cliniques en cours : « Une de nos actions aujourd’hui c’est que tous nos adhérents, tous les « Acquisition et circulation du savoir « profane » et médical pour la prise en charge des maladies chroniques. » 103 malades du myélome puisse accéder facilement à la liste des essais cliniques, en cours de recrutement » (Président, Cancers rares 2). De plus, des traitements peuvent exister mais être extrêmement mutilants ce qui peut également amener une association à se mobiliser pour la rechercher de solutions moins invasives. Par exemple, dans le cadre du cancer du sein, les associations se sont mobilisées pour que les femmes ne subissent plus de mastectomie, opération mutilante portant atteinte à l’intégrité de la femme, sa féminité et sa qualité de vie : « Il fallait réfléchir à des stratégies thérapeutiques pour qu’elles gardent leurs seins ! » (Entretien, secrétaire générale, cancer du sein). Les opérations mutilantes nuisent à la qualité de vie des patients et donc indirectement à leur observance, comme cela a été expliqué dans le premier chapitre. Pour certains dirigeants, le lien ne semble pas systématique : « Améliorer la vie des patients, c’est une chose, aider la recherche et essayer d’avoir de nouveaux médicaments avec des traitements moins invasifs que la chimiothérapie, c’est autre chose » (Président, Cancers rares 2). Les enjeux de cette association porte davantage sur les traitements et la diminution des chirurgies traumatisantes ou mutilantes que sur l‘accompagnement ou l’entraide entre pairs. Les premiers traitements mis sur le marché, permettent le plus souvent aux associations de traiter le sujet à un stade précoce de maladie : « L’objectif a été pendant de longues années l’information sur la maladie, sur le dépistage et sur les traitements et aujourd’hui on s’oriente davantage sur ‘comment la patiente peut devenir acteur de sa santé et prendre des décisions éclairées. Étant donné qu’aujourd’hui il y a beaucoup de choix thérapeutique ce qui n’était pas tellement le cas avant, on est passée de l’information à l’aide à la compréhension. On la sensibilise aussi sur les droits, les défenses… » (Entretien, Secrétaire générale, Cancer du sein). Dans certains cas, beaucoup de progrès peuvent être faits en recherche clinique et non uniquement pour traiter les stades précoces même s’ils restent les plus faciles à soigner. Par exemple, « On soigne près de 90% de leucémie chez l’enfant. Donc, maintenant on dédramatise car on peut vivre avec une leucémie chronique si on prend des médicaments » (Entretien, trésorière, bénévole, leucémie). Ainsi, on peut supposer que sans avancée thérapeutique, l’enjeu d’une association consiste principalement à soutenir la recherche et à rester informé des études cliniques en cours. Plus les traitements sont diversifiés sur le marché, plus les associations proposent un soutien aux contraintes hors-champ médical. Certaines associations peuvent également apporter un soutien financier aux personnes démunies : « Pour aider la recherche mais aussi pour soutenir les familles qui sont dans le besoin, en difficulté financière, pour améliorer leur vie à l’hôpital… » (Entretien, secrétaire général, bénévole, leucémie). En effet, même s’il l’on peut vivre avec une leucémie détecté à un stade précoce, les patients passent beaucoup de temps à l’hôpital car leur système immunitaire est affaibli. Contrairement aux personnes diabétiques, par exemple, pour qui il existe des traitements efficaces pouvant être pris à domicile. Indépendamment des traitements, les « stigmates » (Goffman, 1975) associés à certaines maladies peuvent être contraignants pour les patients au quotidien : « On pense que vous avez trop mangé, trop bu ou que vous êtes incapables parce que vous allez avoir des hypoglycémies… Il y a beaucoup de fantasmes sur cette maladie », explique une dirigeante à propos du diabète. Le psoriasis également peut être considéré comme contagieux par la population alors qu’il n’en est rien. Cela peut conduire à certaines exclusions, volontaires ou non, des personnes atteintes. Ainsi, les campagnes de sensibilisation ont pour but de faire connaître les maladies au grand public et atténuer les croyances quand elle sont sujettes à stigmates : « Faire parler du diabète pour que moi, on me comprenne mieux, pour que le diabète soit plus connu, afin que nous, on puisse mieux vivre. Parce que le diabète a quand même une mauvaise presse, quand vous dites que vous êtes diabétique, ce n’est pas très bien vu » (Entretien, directrice, diabète).
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