Maladies cardiovasculaires

Diabète et parodontite

Le diabète est défini un groupe de maladies hétérogènes affectant le métabolisme des carbohydrates, des lipides et des protéines. La principale caractéristique du diabète est l’augmentation anormale des niveaux de glucose sanguin. Le diabète de type 1 résulte d’une destruction auto-immune des cellules pancréatiques ß et conduit souvent à un arrêt complet de la sécrétion de l’insuline alors que le diabète de type 2 résulte d’une résistance à l’insuline qui altère l’utilisation de l’insuline endogène par les cellules cibles. Pour les patients ayant reçu un diagnostic de diabète, l’hémoglobine glyquée (fraction HbA1c) est le meilleur indice utilisé pour surveiller le contrôle de la glycémie.(21)
Une relation bidirectionnelle entre le diabète et les maladies parodontales a été suggérée dans la littérature.(22) Plus précisément, il a été trouvé que les individus diabétiques avaient un risque plus élevé d’être atteints de maladies parodontales. Dans une large étude épidémiologique américaine, les adultes ayant un diabète mal contrôlé avaient 2,9 fois plus de risque d’avoir une parodontite comparativement aux adultes non diabétiques. Au contraire, les adultes ayant un diabète bien contrôlé n’avaient pas de risque augmenté d’être atteints de parodontite.(23) À l’inverse, la présence d’une parodontite chronique sévère peut augmenter le risque d’un mauvais contrôle glycémique. Une étude longitudinale réalisée auprès d’une population d’indiens Pima ayant un diabète de type 2 a rapporté que les individus atteints d’une parodontite sévère au départ avaient 6 fois plus de risque d’avoir un mauvais contrôle glycémique au cours des deux années suivantes comparativement à ceux n’ayant pas de parodontite.(24) Une revue systématique traitant de la relation entre le diabète et la parodontite (25) a conclu que la présence de parodontite affecte négativement le contrôle de la glycémie et augmente le risque de développer le diabète. En résumé, la présence de parodontite chez un individu semble avoir un impact significatif sur le contrôle métabolique du diabète. Différents mécanismes ont été proposés pour expliquer la relation bidirectionnelle entre le diabète et les maladies parodontales.(22) Parmi ces derniers, les auteurs attribuent la réponse inflammatoire hyperactive chez les diabétiques à la présence de pathogènes parodontaux qui déclencheraient une inflammation exagérée menant à une destruction des tissus parodontaux (Figure 3). Deuxièmement, la présence de niveaux élevés de glucose peut activer la production de cytokines pro-inflammatoires. Troisièmement, les retards de guérison et les réponses immunitaires altérées telles qu’une phagocytose et une chimiotaxie des neutrophiles déficientes peuvent également prédisposer les patients diabétiques à développer des parodontites.(26)
Figure 3. Mécanismes pouvant expliquer l’association entre le diabète et la parodontite. L’hyperglycémie, qui caractérise le diabète, déclenche une cascade d’événements inter-reliés dont l’activation de produits de glycosylation avancés, l’augmentation de la production de stress oxydatif et le déclenchement de mécanismes de l’inflammation. Ceci résulte en une destruction parodontale accélérée qui peut être observée chez un patient diabétique. (Adaptée de Lindhe(7))
Aussi, les traitements parodontaux conventionnels permettraient de réduire le taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c). Une analyse effectuée par Cochrane Collaboration en 2010 rapporte que la thérapie parodontale conventionnelle permet de réduire en moyenne le taux sanguin de l’HbA1c de 0,4 % après une thérapie parodontale d’une durée de 3 à 4 mois.(27) Une méta-analyse plus récente rapporte une réduction de 0,36-0,65 % du taux d’HbA1c chez le groupe ayant reçu une thérapie parodontale d’une durée de 3 à 6 mois.
Dans cet article, les résultats obtenus par la thérapie parodontale sont comparés à un traitement pharmacologique anti-glycémique ajouté à la metformine, un agent pharmacologique utilisé pour le traitement du diabète.(28)
Certaines recommandations ont été émises afin de sensibiliser les professionnels de la santé aux associations entre le diabète et les maladies parodontales. Entre autres, l’American Diabetes Association considère notamment qu’un examen parodontal complet est une des composantes de l’évaluation globale initiale des patients diabétiques.(29)

Maladies cardiovasculaires

Au cours des dernières décennies, plusieurs recherches ont été réalisées pour étudier l’association entre les maladies cardiovasculaires liées à l’athérosclérose et la parodontite. Les maladies cardiovasculaires associées à l’athérosclérose sont définies comme étant un groupe de maladies qui incluent les pathologies cardiaques suivantes : l’angine, l’infarctus du myocarde, les maladies cérébro-vasculaires ischémiques et les maladies artérielles périphériques.(30)
Une revue de littérature récente sur l’évidence épidémiologique d’une association entre la parodontite et les incidents cardiovasculaires reliés à l’athérosclérose a permis de conclure qu’il y a un risque augmenté d’incidents cardiovasculaires chez les patients diagnostiqués avec une parodontite.(31) Aussi, une méta-analyse réalisée par Sfyroeras et Roussas a trouvé que le risque d’accident vasculaire cérébral chez les sujets atteints de parodontite était 1,47 fois plus élevé dans des études prospectives (95 % CI 1.13-1.92) et 2,63 fois plus élevé pour les études rétrospectives (95 % CI 1.59-4.33), comparativement aux sujets sans parodontite.(32) Une autre méta-analyse conclut que la parodontite est un facteur de risque indépendant des facteurs de risque traditionnels pour les maladies cardiovasculaires ; ce risque étant estimé à 1,24-1,35.(33)
Un lien causal direct entre la parodontite et les maladies cardiovasculaires liées à l’athérosclérose n’est toutefois pas encore établi.(34) Plusieurs études supportent certains mécanismes biologiques plausibles pour expliquer le lien causal entre ces deux conditions.(30) Selon la revue de Schenkein et Loos publiée en 2013, le mécanisme biologique le plus plausible pouvant expliquer le lien entre la parodontite et un risque augmenté d’athérothrombogenèse serait que la parodontite chronique constitue une voie d’entrée bactérienne.(35) Par la suite, la réponse inflammatoire de l’hôte serait activée par de multiples mécanismes qui favoriseraient la formation et le développement de plaques athéromateuses.(36) Différents mécanismes inflammatoires impliqués dans la pathogenèse de parodontites modérées ou sévères pourraient augmenter le niveau d’inflammation systémique.(35) La parodontite a été associée à un niveau d’inflammation augmenté et mesuré par les biomarqueurs d’inflammation comme la C-Reactive Protein (CRP).(32, 37, 38) Selon certaines études, le traitement de la parodontite modérée à sévère réduirait le niveau des médiateurs de l’inflammation systémique et permettrait d’améliorer la fonction endothéliale.(36, 39, 40) Il y a toutefois pour l’instant peu d’évidences qui permettent de montrer que ces changements puissent contribuer à diminuer le risque d’incidents cardiovasculaires.(41)
Bien que le lien causal ne soit pas prouvé, il est généralement admis que la présence d’une parodontite modérée à sévère non traitée augmente l’inflammation systémique et peut être un facteur de risque indépendant pour les maladies cardiovasculaires.(34) Une relation indirecte est également expliquée par les nombreux facteurs de risque partagés entre les deux maladies, soit le tabagisme, le diabète, les niveaux de lipides augmentés, l’hypertension et le syndrome métabolique.(34)
Un article publié conjointement par les éditeurs de l’American Journal of Cardiology et du Journal of Periodontology recommande aux cardiologues de référer pour une évaluation parodontale les patients ayant une maladie cardiovasculaire liée à l’athérosclérose qui ont des signes ou symptômes de maladies parodontales, des pertes dentaires significatives ou des niveaux inexpliqués de CRP ou d’autres marqueurs inflammatoires.(42) De plus, ils recommandent que les parodontistes et les cardiologues collaborent étroitement lorsque des patients atteints de maladies cardiovasculaires sont nouvellement diagnostiqués avec une parodontite afin d’optimiser les soins offerts et de réduire les risques d’incidents cardiovasculaires.(34) Pour le parodontiste, la raison principale pour effectuer des traitements parodontaux demeure la préservation de la dentition. Les patients devraient toutefois être avisés que la parodontite est un facteur de risque supplémentaire pouvant favoriser le développement d’une maladie cardiovasculaire. Les patients souffrant de parodontite et ayant d’autres facteurs de risque (ex. : hypertension, obésité, tabagisme) devraient être référés par le parodontiste à un médecin s’ils n’en ont pas consulté un dans la dernière année. Le parodontiste devrait également discuter des facteurs de risque modifiables avec le patient.(30)

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Complications de la grossesse

Plusieurs études ont également été réalisées pour étudier le lien entre la parodontite et différentes complications de la grossesse, telles que les naissances prématurées ou très prématurées, les poids fœtaux diminués et la pré-éclampsie.(43) Par définition, une naissance est considérée comme prématurée lorsqu’un bébé naît avant d’avoir complété 37 semaines de gestation. Selon certaines estimations, près de 11-12,5 % des naissances sont prématurées. Ce taux semble être en augmentation dans plusieurs pays industrialisés et ce, malgré des avancées significatives en obstétrique.(44)
Une première étude réalisée en 1996 par Offenbacher et coll. suggère qu’une relation existe entre la santé parodontale maternelle et les accouchements prématurés.(45) Selon cette étude, une femme enceinte atteinte de parodontite avait sept fois plus de risques d’avoir un accouchement prématuré. Depuis, de nombreuses recherches ont été réalisées sur le sujet. Une méta-analyse de dix-sept études impliquant plus de 7 000 femmes confirme une relation significative entre la parodontite et les naissances prématurées. Le risque estimé d’un accouchement prématuré pour une femme enceinte ayant une parodontite était de 2,83 comparativement aux femmes sans parodontite.(46) De plus, il semble y avoir de plus en plus d’évidences que la présence d’une infection chronique pourrait déclencher une dysfonction vasculaire systémique, telle que la pré-éclampsie.(47) Plusieurs études ont notamment rapporté une association entre la parodontite et la pré-éclampsie.(48) Une revue systématique a trouvé un risque significatif entre la parodontite et la pré-éclampsie pour huit des douze études révisées.(48)
Différentes études ont été réalisées afin d’expliquer le lien entre la parodontite et les complications de la grossesse. Entre autres, une parodontite induite chez un modèle animal avec Porphyromonas gingivalis a résulté en un poids foetal diminué et des niveaux augmentés de TNF-α (Tumor necrosis factor alpha) et de prostaglandine E2 (PGE2) dans le liquide amniotique.(49) Cette étude suggère qu’une infection parodontale pourrait affecter l’environnement foetal et l’issue de la grossesse.

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