Théories physiopathologiques
La pathogénie de la maladie hémorroïdaire n’est pas clairement définie, mais semble multifactorielle, faisant intervenir des troubles mécaniques (dégénérescence musculo-ligamentaire), sphinctériens (hypertonie réactionnelle) et vasculaires (mise en jeu des shunts). Deux théories complémentaires sont surtout évoquées pour expliquer la genèse des manifestations fonctionnelles des hémorroïdes :
•Théorie vasculaire : dans cette théorie le départ serait d’origine vasculaire, avec d’une part, une augmentation de la pression au niveau des coussinets de Thompson, et d’autre part des modifications anatomiques vasculaires (dilatation veineuse profonde, accentuation du réseau capillaire sous-épithélial, lésions pariétales vasculaires). Les premières conséquences seraient l’apparition de rectorragies par mise en jeu de shunts superficiels, et d’une poussée fluxionnaire.
•Théorie mécanique : dans cette conception, les anomalies dégénératives du tissu de soutien des plexus hémorroïdaires jouent un rôle prépondérant. Le relâchement puis la rupture des éléments de soutien, en particulier du ligament de Parks, sont à l’origine d’un glissement vers le bas du revêtement du canal anal et de la sous muqueuse (prolapsus). Les troubles du transit, surtout la constipation, favorisent cette évolution. En effets les efforts excessifs et prolongés pendant la défécation sont à l’origine des forces de cisaillement qui viennent étirer et fragmenter le tissu de soutien. Toutes ces modifications entrainent une mobilité anormale des plexus hémorroïdaires au cours des efforts défécatoires, avec érosion de leur surface, expliquant les saignements.
Epidémiologie et facteurs de risque
La maladie hémorroïdaire est une affection fréquente, mais sa prévalence est diversement appréciée dans la littérature, de 4,4 à 86 % selon les populations étudiées [23]. Aux USA, près de 50% des Américains après 50 ans souffrent de la maladie hémorroïdaire. Elle motive l’hospitalisation annuelle de 13 sujets par million d’habitants. Le taux annuel de visite chez le médecin pour cette pathologie y est de 1177 pour 100000 habitants [3-25-26]. En Angleterre le taux annuel de visite pour cette maladie est de 1123 pour 100000 habitants [3]. En France elle touche un adulte sur trois, soit un total d’environ 3 millions de personnes [3-6]. En Cote d’ivoire sur 147 patients présentant une rectorragie les hémorroïdes représentaient 30,55 %. Elle représente 38,5% de la pathologie digestive au Gabon et 58,8% de la pathologie ano-rectale en Centrafrique. [35-36] La maladie affecte l’homme et la femme avec une fréquence identique. Elle se développe généralement à l’âge moyen de la vie, avec une augmentation progressive de la prévalence jusqu’à la septième décade, sans distinction de race ni de religion ; mais avec une plus grande fréquence dans les milieux socio-économiques favorisés. Les facteurs de risque de la maladie hémorroïdaire sont nombreux et restent discutés. Pour la plupart cependant il s’agit plus de facteurs adjuvants au déclenchement des crises. On incrimine : les troubles du transit (constipation, diarrhée), le terrain (obésité, dyscrasie, diabète), les épisodes de la vie génitale féminine (période prémenstruelle, grossesse et accouchement), l’alimentation (épices, alcool…), la pratique de certains sports (vélo, équitation), la sédentarité, le tabac et l’hérédité. Les études statistiques critiques retiennent surtout trois facteurs :
•L’hérédité : il semble exister un caractère familial de la maladie hémorroïdaire avec un déterminisme génique se transmettant selon un modèle polygénique à seuil.
•Les troubles du transit : surtout la constipation
•Les épisodes de la vie génitale chez la femme : ils ont une nette influence sur les manifestations de la maladie hémorroïdaire.
Les résultats du traitement chirurgical
L’hémorroïdectomie doit être envisagée chez les malades symptomatiques dans un certain nombre de circonstances précises. Les résultats sont excellents si l’indication chirurgicale est bien posée, le geste effectué par un praticien expérimenté et si les soins postopératoires sont bien faits. Les récidives sont exceptionnelles (< 1%) si les hémorroïdes ont été réséquées en totalité. Après Milligan-Morgan 95% des patients sont satisfaits. Cette intervention est plus efficace que les traitements instrumentaux sur la procidence des hémorroïdes internes (stade I). Elle fait disparaître les symptômes (procidence, saignements et douleurs) dans plus de 80 % des cas à un an. Dans une étude comparant différents traitements, avec un recul moyen de 2 ans (5 ans maximum), l’intervention de Milligan et Morgan était le traitement le plus efficace de la maladie hémorroïdaire au stade III (85%) par rapport à la ligature élastique (23%). Les résultats de l’hémorroidectomie pédiculaire sont globalement mal évalués à long terme: A 17 ans de suivi moyen 52% des malades restent asymptomatiques, 26% ont une récidive de leurs symptômes et 11% nécessitent un nouveau traitement.
Des résultats comparables ont été obtenus avec la technique de Ferguson et Parks. L’hémorroidectomie circulaire type Whitehead est aussi efficace sur les symptômes que l’intervention de Milligan-Morgan à 6 mois, mais cette dernière doit être préférée en raison de sa simplicité et de sa moindre morbidité à court et moyen termes. Cette technique est d’ailleurs de plus en plus abandonnée car source de fréquentes complications (sténose anale, ectropion muqueux, incontinence). L’hémorroidopexie de Longo comparée à l’hémorroidectomie classique, présente l’avantage d’être moins douloureuse, de ne pas laisser de plaie opératoire et de réduire la durée d’hospitalisation et d’arrêt de travail, avec des résultats équivalents à court terme. Aussi, il n’existerait pas de différence entre les deux techniques pour ce qui est des complications postopératoires. C’est une technique récente et dont on ne dispose pas d’assez de recul pour évaluer son efficacité à long terme. Elle est donc prometteuse mais ses indications doivent être précisées et ses effets secondaires ainsi que ses résultats à long terme mieux évalués.
Les signe d’examen proctologique Apres un interrogatoire bien conduit et un bilan local méthodique comprenant une inspection, un toucher rectal et une anuscopie, on arrive facilement à retrouver les différents signes présentés par le malade afin de proposer une classification qui va induire le traitement. Mais dans la littérature il n y a pas de réel consensus sur les différents stades de la pathologie hémorroïdaire. Néanmoins la majorité des auteurs proposent la classification de Goligher (voir tableau 1). Dans notre étude nous avons enregistré 26 cas (37,1%) de prolapsus stade III, 17 cas (24,3%) de prolapsus stade IV, 3 cas (4,2%) de prolapsus stade II associés aux marisques et aucun cas de prolapsus stade I. ces résultats diffèrent peu de ceux de Ele et al. à Brazzavile, qui avait retrouvé 35,7% au stade III, 64,2% au stade IV et aucun cas aux stades I et II. La thrombose hémorroïdaire externe était présente dans 17 cas (24,3%) dans notre étude. Ce résultat se rapproche de celui de Diallo G et coll. au Mali [60] qui a rapporté une fréquence de 21% ; par contre il diffère des 100% retrouvés par Mahefa à Antananarivo [34] dans une étude portant exclusivement sur la thrombose hémorroïdaire. Les thromboses hémorroïdaires surviennent généralement chez des patients ayant déjà présentés des crises hémorroïdaires. Les 24,3% de thrombose dans notre série peuvent s’expliquer par le fait que plus de la moitié (67%) de nos patients ont révélé la présence de symptômes hémorroïdaires par le passé. Polype rectal, fistule et fissure anale sont des signes souvent associes à la maladie hémorroïdaire. Ces signes sont également présents dans notre série avec respectivement 1 cas (1,4%), 2 cas (2,9%) et 4 cas (5,7%). Nos résultats se rapprochent de ceux de Diallo G [60] qui a retrouvé 1,3% de polype, 3,3% de fistule et 13,8% de fissure.
La technique opératoire
La chirurgie reste le traitement radical de la maladie hémorroïdaire et serait indiquée chez 10% des malades. Il est recommandé en cas d’échec du traitement médical et instrumental ou d’emblé dans les thromboses hémorroïdaires externes et les prolapsus de stade III et IV. [32] Les données de la littérature font apparaître que l’hémorroïdectomie pédiculaire type Milligan-Morgan est l’intervention la plus utilisée par la plupart des auteurs. Dans une étude, le pourcentage de patients satisfaits après hémorroïdectomie de type Milligan- Morgan est de l’ordre de 95 % [5]. Dans une autre étude comparant différents traitements, avec un recul moyen de 2 ans, l’intervention de Milligan et Morgan était le traitement le plus efficace de la maladie hémorroïdaire au stade III (85%) par rapport à la ligature élastique (23%). [27-32] Dans notre étude, tout comme dans celle de Ele [54], de Diallo G [60] ou de Mêhinto [61], l’hémorroïdectomie à plaie ouverte de Milligan-Morgan était la technique de référence. Elle a été pratiquée seule dans 61 cas (87,1%) et associée à une polypectomie dans 1 cas (1,4%), à une fistulectomie dans 2 cas (2,9%) et à une fissurectomie dans 4 cas (5,7%). En outre, la thrombectomie simple était également pratiquée. Elle a concerné 2 malades (2,9%) qui étaient tous les deux venus en urgence dans un tableau de thrombose hémorroïdaire externe. Ce résultat est superposable à celui de Mêhinto [61] (5,7%) mais diffère bien de celui de Diallo G [60] (22%). La différence de taille de l’échantillon et le mode de recrutement des malades pourraient expliquer cette différence. Les nouvelles techniques comme l’intervention de Longo et la ligature écho guidée des artères hémorroïdaires ne sont pas pratiquées dans notre service.
INTRODUCTRION |