Maillages administratifs et gestion du territoire

Maillages administratifs et gestion du territoire

URGENCE DES ENJEUX, LENTEUR DES DECISIONS (-) Après la démission forcée de T. Jivkov en novembre , les trois première années de la décennie sont consacrées à une réflexion sur la réforme administrative, au vote de la nouvelle Constitution () et de la loi sur l’autogestion locale et l’administration locale (). Malgré l’effervescence des tables rondes politiques, des conférences scientifiques, des débats parlementaires pour construire une nouvelle formule de gestion administrative, la réforme administrative est frileuse et inachevée. Le processus de réforme du pays se heurte à des freins puissants. Sur le plan politique, le parti communiste, très vite rebaptisé parti socialiste (PSB), reste au pouvoir malgré l’émergence de partis d’opposition. L’Union des forces démocratiques (UFD) parvient au gouvernement pour une année seulement (novembre -décembre ), elle fait preuve d’incurie et l’instabilité gouvernementale se poursuit. Sur le plan social, les conséquences de la politique coercitive envers les Turcs de Bulgarie, dernier avatar d’un régime socialiste finissant, se traduisent par des heurts. Les manifestations de rue expriment diverses inquiétudes de la population, mais se déroulent généralement dans le calme. Enfin, sur le plan économique, les Bulgares découvrent l’ampleur de la dette contractée par l’État et la gravité de la crise économique. Nous analysons ici le travail des scientifiques mandatés pour réfléchir sur le nouvel ordre administratif et territorial, les lois fondamentales votées par une Assemblée constituante chargée de refonder l’État et les premières propositions de découpage administratif des experts, tentatives avortées pour une nouvelle assise territoriale de l’État bulgare. Il ne s’agit pas seulement d’une mise en contexte, nous tentons ici de comprendre les enjeux, les blocages mais aussi les non-dits d’une réforme administrative bulgare longue et chaotique. I – La parole aux experts débats et propositions de réforme Dès l’automne , sous l’impulsion de la Grande Assemblée nationale (Velikoto narodno săbranie), des conférences portant sur la réforme administrative et territoriale sont organisées. Les débats se tiennent aussi bien à Sofia qu’en province. L’Académie des sciences accueille deux de ces conférences, l’une à l’Institut d’économie le octobre (Ikonomičeska misăl, ), l’autre à l’Institut de géographie le 5 novembre (Gešev et Kolev, ). L’Université de commerce de Varna organise un troisième rendez-vous en décembre de la même année1 . Elles regroupent des spécialistes de la question issus de divers horizons des chercheurs (Académie des sciences, principales universités bulgares, Centre national du développement territorial), des experts aux compétences techniques (architectes, ingénieurs), des représentants des administrations régionales et des députés. Ces conférences préliminaires à la réforme n’ont qu’un rôle consultatif, les intervenants n’étant pas mandatés pour soumettre des projets aboutis. Il s’agit là d’une réflexion collective, première étape d’un long processus, dont l’examen permet de mettre en lumière les principaux enjeux de la réforme administrative bulgare – Un enjeu essentiel mais mal défini l’autogestion locale Deux des trois conférences placent au cœur de leur réflexion l’autogestion locale à Varna les participants s’interrogent sur « les problèmes de l’autogestion et du découpage communal », à l’Institut d’économie de l’Académie des sciences, le débat porte sur « l’organisation administrative et territoriale de la Bulgarie, fonctions et structures des organes locaux du pouvoir ». Il est vrai que lors de la table ronde organisée au début de l’année , les nouvelles élites communistes au pouvoir et l’opposition avaient convenu d’une réforme du pouvoir local et d’élections à ce niveau (Stefanova, ) Nous n’avons pas pu nous procurer les actes (non publiés) de la conférence de Varna, nous nous appuyons donc sur les débats des deux conférences sofiotes. Les termes d’« autogestion locale » (mestno samoupravlenie) 2 et d’« organes locaux du pouvoir » (mestni organi na vlastta) appartiennent à la terminologie du pouvoir socialiste. Sa rhétorique s’était employée à les valoriser, notamment lors des réformes des années , mais dans une acception limitée de délégations de compétences et de représentation politique (Maurel, a et b). Le nouvel enjeu réside dans la nécessité d’associer à ces mots des compétences effectives, adaptées à l’avènement de l’économie de marché et de la démocratie fondée sur le multipartisme. La réelle participation de la population et la décentralisation s’affirment comme des priorités dans les discours des intervenants. Mais dans un contexte de rupture récente avec le système politique précédent, la familiarité avec la nouvelle acception de ces notions et leur traduction en terme de compétences locales sont loin d’être acquises. Or c’est par la définition précise de capacités d’action, indépendantes de la tutelle du niveau central, que l’on peut mesurer le degré d’autonomie locale. L’autogestion locale constitue l’enjeu majeur des réflexions mais, paradoxalement, les communications qui s’appuient sur des exemples locaux sont quasi-inexistantes. De ce fait, la particularité géographique des configurations locales est dissoute dans un discours général qui se traduit par l’occultation des questions ethniques et par la généralisation sans nuance « des problèmes du village bulgare ». L’absence du local comme niveau de référence est frappante. Il est pourtant « le cadre des modes de vie, l’unité de la diversité surgie du quotidien et de la réhabilitation de l’individu » (Alliès, , p) et, à ce titre, on serait en droit d’attendre qu’il s’impose comme repère, à un moment où se brouillent les points d’appui. Mais dans de nombreuses contributions, le niveau local se comprend uniquement dans un rapport hiérarchique il n’est que l’ultime niveau d’un fonctionnement administratif descendant du niveau central vers le niveau local. L’occurrence du terme « organes locaux du pouvoir central » (mestni organi na centralnata vlast), tout droit sortie de la terminologie socialiste, montre que l’État est encore l’unique détenteur du pouvoir. À bien des égards l’autogestion locale apparaît comme un terme générique vidé de l’enjeu du pouvoir au profit d’un inventaire de « fonctions » diverses. Cette vision fonctionnelle subordonne le niveau local à des obligations imposées par l’État, dans le cadre d’une répartition hiérarchique des tâches. On sent ici le poids d’une pensée socialiste normative et tournée vers la réalisation d’objectifs planifiés. Cela se manifeste aussi dans l’allusion rapide à des questions qui n’avaient pas lieu d’être posées sous le régime socialiste, 2 On peut aussi traduire ce terme par autonomie locale. M. Lesage () propose autoadministration mais ce mot nous semble trop restrictif. alors qu’elles demeurent pourtant essentielles à toute réflexion sur l’autonomie locale, et les pouvoirs dont elle dispose. Ainsi, le principe d’autofinancement du budget local est adopté par les orateurs comme condition inhérente à l’autogestion locale. Mais une fois l’équation posée pragmatiquement « autogestion = autofinancement », il n’y a plus d’inconnue à résoudre et la question tombe. Or ses modalités concrètes demeurent peu explorées quelles sont les capacités de ressources financières qu’il faut donner au niveau local ? Autrement dit, le budget local a-t-il les moyens de garantir son indépendance financière vis-à-vis de l’État ? Cette lourde question financière conditionne pourtant l’existence et la viabilité de l’autonomie locale. Il en va de même pour l’important patrimoine foncier et immobilier, en attente de privatisation. La restitution de la propriété privée individuelle et communale est au cœur de l’enjeu local. Sans entrer dans le détail des différentes phases de la politique de collectivisation bulgare (Billaut, 6 et ), la mise en place des APK (complexes agroindustriels), à partir de 71, inaugure la création des TKZC (exploitations coopératives de travail agricole), vastes unités de production par le regroupement des terroirs villageois, et des fermes d’État. C’est en partie sur la base de ces APK que sont créées de grandes communes, appelées dans un premier temps systèmes d’habitat (selištni sistemi) en 78. La restitution des terres et des bâtiments peut concerner des ayants droit privés mais aussi tomber dans le domaine public à qui restituer le bien ? À l’État ? Au village d’antan ou à la commune dans laquelle il a été intégré ? La question est importante car elle donne la possibilité au niveau local de posséder un moyen de production capable d’assurer en partie son autofinancement. Encore faut-il s’entendre sur la définition même du local le village ou la commune qui, par sa taille, regroupe plusieurs localités ? Enfin, l’évocation de pouvoirs locaux n’apparaît que furtivement dans les contributions rassemblées. Parler de pouvoir, c’est reconnaître une capacité d’action autonome dont le résultat contribue à la reproduction de ce pouvoir et, en régime démocratique, à sa légitimité. Un des rares domaines pour lequel un pouvoir local est évoqué dans plusieurs interventions concerne la préservation de l’environnement. Les problèmes écologiques ont mobilisé très tôt les Bulgares et ont cristallisé les premières manifestations contre le pouvoir socialiste. Dès , la pollution aiguë à Ruse, due aux émanations toxiques d’une usine roumaine située sur la rive opposée du Danube, contraint les habitants à se mobiliser face à l’inaction des pouvoirs publics, avant que cette action ne soit étouffée. En octobre , des manifestations écologistes sont tolérées dans la capitale, bien avant les MIXAJLOVGRAD (MONTANA) MIHAJLOVGRAD (MONTANA) LOVEC LOVE RAZGRAD VARNA 6 km Limite de commune N Limite de microrégion Limite de mésorégion Limite de macrorégion source Geografija na Balgarija () Figure 1.1 Maillage administratif de Limite de commune (3 unités) Limite de région (9 unités) E.BOULINEAU, UMR 4 Géographie-cités/ Géophile, 2 6 km N E.BOULINEAU, UMR 4 Géographie-cités/ Géophile, 2 Figure 1.2 Régionalisation économique en selon l’Académie des sciences Chef-lieu de région BURGAS HASKOV HASKOVOO PLOVDIV SOFIA A. Projet Don ev () Limite de districts (8) Limite de régions () Chef-lieu de région Sofia est chef-lieu de 2 régions (Sofia-ville et Sofia-région) Communes (nombre non précisé) PLOVDIV RUSE BURGAS VARNA SOFIA BLAGOEVGRAD STARA ZAGORA ŠUMEN VELIKO TARNOVO VRACA PLEVEN HASKOVO PLOVDIV RUSE BURGAS VARNA SOFIA BLAGOEVGRAD STARA ZAGORA STARA ZAGORA ŠUMEN VELIKO TARNOVO VELIKO TARNOVO VRACA PLEVEN HASKOVO Figure 1.3 Projets de maillages administratifs d’après la régionalisation économique de E. BOULINEAU, UMR 4 Géographie-cités/Géophile, 2. source Gešev et Kolev () PLOVDIV RUSE BURGAS VARNA SOFIA BLAGOEVGRAD STARA ZAGORA SLIVEN ŠUMEN VELIKO TARNOVO VRACA PLEVEN PLOVDIV RUSE BURGAS VARNA SOFIA B. Projet Najdenova () Limite de districts (1) Limite de régions () Chef-lieu de région Sofia est chef-lieu de 2 régions (Sofia-ville et Sofia-région) BLAGOEVGRAD STARA ZAGORA STARA ZAGORA SLIVEN ŠUMEN VELIKO TARNOVO VELIKO TARNOVO VRACA PLEVEN Communes (nombre non précisé) PLOVDIV RUSE BURGAS VARNA SOFIA BLAGOEVGRAD STARA ZAGORA SLIVEN ŠUMEN VELIKO TARNOVO VRACA PLEVEN HASKOVO PLOVDIV RUSE BURGAS VARNA SOFIA C. Projet Penkov () Limite de districts (1) Limite de régions () Chef-lieu de région Sofia est chef-lieu de 2 régions (Sofia-ville et Sofia-région) BLAGOEVGRAD STARA ZAGORA STARA ZAGORA SLIVEN ŠUMEN SUMEN VELIKO TARNOVO VELIKO TARNOVO VRACA PLEVEN Communes (6 maximum) HASKOVO PLOVDIV RUSE BURGAS VARNA SOFIA STARA ZAGORA ŠUMEN VELIKO TÃRNOVO PLEVEN STANKE DIMITROV DIMITROVGRAD MIXAJLOVGRAD PLOVDIV RUSE BURGAS VARNA SOFIA D. Projet Demerdziev () 6 km Limite de districts (1) Limite de régions (3) Chef-lieu de département Sofia est chef-lieu de 2 départements (Sofia-ville et Sofia-département) Sofia, Pleven et Plovdiv sont chefs-lieux de région N STARA ZAGORA STARA ZAGORA SLIVEN ŠUMEN VELIKO TARNOVO VELIKO TARNOVO PLEVEN Mairies (nombre non précisé) STANKE DIMITROV DIMITROVGRAD DIMITROVGRA MIXAJLOVGRAD Limite de départements () rassemblements politiques plus importants de décembre. Devant le manque de législation adaptée et les abus des industries, les Bulgares ont pris conscience du rôle des instances locales. En réclamant « un droit de veto » au niveau local lorsque l’environnement est menacé, certains experts militent donc pour une capacité d’action autonome. C’est aussi un des rares cas pour lequel est évoquée la nécessité de relations horizontales entre unités de même niveau, afin de résoudre les problèmes écologiques dont l’extension ignore les limites communales – Le retour à trois niveaux de gestion Si les discussions portent peu sur les pouvoirs à octroyer au niveau local, les propositions de réforme du découpage administratif sont légion lors de la conférence organisée à l’Institut de géographie de l’Académie des sciences portant sur « l’amélioration de l’organisation et de la division administrative et territoriale de la Bulgarie » (Gešev et Kolev, ). En dépit du nombre et de l’horizon de travail varié des intervenants, la structure administrative à trois niveaux de gestion est le plus souvent plébiscitée parmi les 32 interventions recensées, proposent un nombre défini de niveaux de gestion et parmi cellesci projets à trois niveaux. Mise en place en , la trame socialiste à deux niveaux, 9 régions (oblast) et 3 communes (obština), appelle donc des remaniements (figure 1.1). Le principe des trois niveaux de gestion s’impose, définissant une maille infra-étatique (ou régionale), un niveau local (ou communal) et un niveau intermédiaire. Au niveau infra-étatique, les travaux font majoritairement ressortir une douzaine d’unités, appelées indifféremment régions (oblast ou region) ou départements (okrăg). Les rares propositions de vastes régions (trois unités en général) emportent peu d’adhésion. Une des trames infra-étatiques proposée s’appuie sur la régionalisation économique du pays (figure 1.3). Elle est établie par un collectif de géographes (figure 1.2) et a servi de canevas aux régions administratives existantes. L’héritage socialiste d’une nécessaire adéquation entre les unités de gestion administrative et celles de la réalisation des objectifs économiques reste tenace chez les géographes. En revanche, le découplage entre ces deux structures est considérée comme nécessaire par les économistes présents. Les termes du débat sont ainsi posés sans être approfondis. Le niveau intermédiaire correspond au district (okolija). Celui-ci apparaît, dans bon nombre de contributions, comme le niveau fondamental qui fait le lien entre le local et l’infraétatique. Supprimé en 59, il constituait jusque-là la pierre angulaire de maillages administratifs à trois niveaux. La référence au district en ne sonne pourtant pas comme sa simple restauration dans l’esprit des experts. Le district doit en effet s’appuyer sur la trame d’aires de gravitation autour de bourgs-centres, telles qu’elles sont distinguées, par exemple, dans le schéma de régionalisation économique des géographes sous la forme des microrégions (microrajon). Ou bien, la méthodologie employée pour déterminer le nombre de districts se réfère à la distance-temps entre les lieux ou encore à l’emplacement des relais des infrastructures techniques (eau, téléphone). Une centaine de centres sont ainsi individualisés par les experts, donnant une certaine stabilité dans le nombre d’unités proposées. Le retour au district est motivé par deux séries d’arguments des raisons d’ordre symbolique qui font appel à la tradition les maillages à trois niveaux de gestion de l’entredeux-guerres, et des motivations d’ordre fonctionnel basé sur les études de régionalisation. Le niveau local pose plus de difficultés. Il est pourtant l’enjeu déterminant pour le partage des compétences car il constitue l’assise essentielle de la gestion territoriale. Le nombre d’unités varie d’un auteur à l’autre suivant trois variantes. La première propose la conservation de la trame communale actuelle sur la base de vastes communes (environ 3 km² en moyenne) regroupant plusieurs localités (naseleni mesta) avec des remaniements possibles. La deuxième suggère l’augmentation du nombre de communes par un recentrage sur l’unité villageoise (ou groupe de villages). Une troisième variante, enfin, cherche à promouvoir des unités locales correspondant au gabarit des anciens districts, par élargissement de l’actuelle maille communale. Plusieurs schémas sont ainsi possibles pour déterminer le niveau local bulgare. Comme dans d’autres pays de l’ex-Europe de l’Est (Bulletin de la société languedocienne de géographie, ), la question du gabarit communal augure de vastes débats politiques. Si le principe d’autogestion est acquis pour le niveau local, il est en revanche exclus pour le niveau régional. « Régulation », « synchronisation des fonctions », « contrôle », « coordination », les termes qui lui sont affectés dans les communications sont sans équivoque. La région, tout au plus, peut bénéficier d’une déconcentration de services ministériels, ultime avatar d’une gestion socialiste sectorielle. Les ministères peuvent avoir sur place une antenne administrative, dépourvue d’autonomie décisionnelle et restant soumise à sa tutelle sofiote. Rares sont les interventions qui prônent une décentralisation des compétences au niveau infra-étatique, assortie de réels pouvoirs autonomes de décision, de financement et d’application. Cet échelon reste conçu, dans les esprits, comme l’organe du pouvoir étatique en ses régions. Seuls les économistes y voient un gabarit régional aux fonctionnalités économiques et pas uniquement administratives. La question de l’autogestion devient plus délicate pour le niveau intermédiaire. Intercalé entre la commune et la région, le district doit-il bénéficier de l’autogestion ? Une fois encore, les participants raisonnent avant tout en terme de fonctions son chef-lieu doit assurer la desserte à la population en services publics et marchands permettant le cycle de reproduction sociale élémentaire. Et bon nombre d’orateurs proposent une réforme administrative à trois niveaux sans se soucier des compétences octroyées au niveau intermédiaire. Certains experts penchent pour un double système qui s’appuie, d’une part, sur des organes déconcentrés de l’État et, d’autre part, sur la création d’instances politiques élues autonomes (la référence française est mentionnée une seule fois pour cette configuration). D’autres n’y voient qu’un organe étatique de plus, chargé du contrôle et de la coordination du niveau local. La question mérite plus ample réflexion mais elle est loin d’être tranchée – Absence des modèles exogènes, faiblesse des référents historiques Dans les premiers mois suivant la chute du régime socialiste, l’ouverture de la Bulgarie à l’Europe occidentale n’en est qu’à ses débuts. L’intégration à la Communauté européenne apparaît comme un horizon lointain et non une priorité parmi les experts. La charte de l’autonomie locale de Strasbourg ratifiée en est citée parfois comme document de référence, mais sans grande conviction. Peu de pays européens sont mentionnés et, lorsqu’ils le sont, c’est davantage pour illustrer des propos que pour servir de modèle. Ainsi, le Danemark est cité à titre d’exemple, mais la Bulgarie ne peut soutenir la comparaison avec ce pays aux forces socio-économiques et aux configurations territoriales radicalement différentes. La proximité de la Grèce, membre de la Communauté européenne, suscite quelques timides intérêts en matière de coopération transrégionale. Mais ce n’est pas le caractère balkanique d’un pays qui a connu un essor économique certain – et qui pourrait donc un figurer comme modèle potentiel – qui est convoqué ici. Les modèles étrangers sont absents des premiers pas de la réforme administrative bulgare, la réflexion à partir des référents nationaux est-elle plus féconde ? Les références historiques arrivent au premier rang dans de nombreux pays de l’ancienne Europe de l’Est. À l’instar de la Roumanie (Iordan, Rey, ) ou de la Pologne (Coudroy de Lille, ), la question de la restauration d’anciens maillages administratifs s’est posée en Bulgarie. La convocation de l’histoire a donné lieu à des exposés sur la chronologie des réformes administratives bulgares. Mais les intervenants insistent sur les changements de chef-lieux régionaux, sur les concurrences urbaines pour capter les fonctions administratives et sur les fiertés locales froissées, au détriment d’une réflexion sur les limites territoriales des différentes unités. Les avatars historiques des villes danubiennes, chefs-lieux ottomans puis villes bulgares dévalorisées sous la période socialiste, sont à cet égard emblématiques. Les intervenants privilégient la ville-centre, ce point d’appui essentiel du pouvoir socialiste centralisé. D’ailleurs, de nombreuses propositions de découpage administratif se traduisent par une énumération des chefs-lieux potentiels, sans souci de leur ressort territorial et de leur représentation cartographique. La recherche de matrices administratives historiques pour remplacer un maillage territorial socialiste jugé inadapté tourne court pour le cas bulgare. Les débats autour de la réforme contredisent à la fois l’hypothèse du « frigidaire », selon laquelle la chute du système socialiste engendre un retour à la situation d’avant-guerre, et l’hypothèse de « la table rase », par laquelle on efface tout héritage du régime aboli. Ces deux hypothèses ont été formulées dès pour guider les réflexions sur le devenir de cette nouvelle Europe. Pour le niveau infra-étatique ou régional, aucune communication ne fait mention des départements (okrăg) en place de 1 à 34, il est vrai que la Bulgarie avait alors une autre forme. Même la structure territoriale de 49 en départements, 1 districts et plus de 2 communes demeure dans l’oubli. Seul le district est présenté comme un niveau historique dont le plus lointain souvenir mentionné remonte à 47. Le niveau local, dont l’incertaine assise territoriale est partagée entre trois variantes, reste dans l’indétermination d’une matrice traditionnelle qui pourrait faire référence. La mémoire du territoire semble courte, les référents historiques font défaut à la réflexion sur la réforme administrative bulgare.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIÈRE PARTIE
REFONDER L’ÉTAT ORDRE JURIDIQUE, STRATÉGIES DU TERRITOIRE
ET CONTEXTE POLITIQUE
INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE
CHAPITRE 1 URGENCE DES ENJEUX, LENTEUR DES DECISIONS (-)
I – La parole aux experts débats et propositions de réforme
1 – Un enjeu essentiel mais mal défini l’autogestion locale
2 – Le retour à trois niveaux de gestion
3 – Absence des modèles exogènes, faiblesse des référents historiques
II – La lettre et l’esprit des législations de
1 – La Constitution de la continuité de l’État unitaire et centralisé
2 – La loi sur l’autogestion locale et l’administration locale le minimum requis
III – Deux propositions de découpage territorial jamais appliquées
1 – Projet traditionaliste versus projet conservateur
2 – La prédominance des arguments fonctionnels
3 – Règle d’équilibre, mesure européenne et impératif financier
CHAPITRE 2 L’ENJEU DU POLITIQUE ET L’EMPRISE DE L’ÉTATIQUE (-)
I – Alternance parlementaire et œuvre législative le travail de Pénélope
1 – Une œuvre de réforme guidée par le jeu partisa
2 – Comment faire du neuf avec de l’ancien ?
II – La réforme administrative de les habits neufs des découpages socialistes
1 – Un débat mouvementé sur le motif du même
2 – Les oubliés du débat le territoire et la population
3 – Centralisation politique et appareil partisan la confusion entre État et parti
III – Enjeux européens, politique régionale et choix de régionalisation
1 – Les imprécisions de la politique régionale bulgare
2 – Les régions de planification de en attente d’incarnation européenne
3 – Et en déficit d’incarnation nationale la matrice d’une nouvelle réforme administrative ?
CHAPITRE 3 NIVEAUX DE GESTION ADMINISTRATIVE ET PARTAGE DES POUVOIRS.
I – La commune comme collectivité territoriale enjeux et limites du pouvoir local
1 – Petite géographie de la contestation locale contre la réforme
2 – L’anémie démographique bulgare
3 – Quel point de repère la localité ou la commune ?
4 – Les difficultés de financement des collectivités locales bulgares
II – La difficile émergence d’un niveau régional autonome
1 – Le fantôme du district (okolija) l’impossible retour de ce niveau intermédiaire
2 – L’expérience régionale en Bulgarie la dépréciation d’un niveau à intermittence
3 – La mainmise des institutions centrales sur le fonctionnement régiona
4 – Le manque de consensus des acteurs autour du projet d’autonomie régionale
5 – Existe-t-il des régions bulgares ?
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE TOUT BOUGE ET RIEN NE CHANGE
DEUXIÈME PARTIE
CONSTRUIRE LE TERRITOIRE DE L’ÉTAT MODERNE CHOIX ET
CONTRAINTES HISTORIQUES EN BULGARIE
INTRODUCTION DE LA DEUXIEME PARTIE.5
CHAPITRE 4 LA BULGARIE À LA RECHERCHE DU TERRITOIRE DE L’ÉTAT-NATION
I – Configurations territoriales probables et modèles politiques disponibles
1 – Matrices impériales et modèle stato-national
2 – La tentative réformatrice sous l’Empire ottoman le vilayet du Danube (64-68)
3 – L’orthodoxie pépinière d’État ? l’Exarchat bulgare de
4 – La principauté de Bulgarie et la Roumélie orientale (78-) deux foyers territoriaux
potentiels pour le nouvel État bulgare
II – Se doter des attributs de l’État-nation
1 – La mise en place inachevée du lien administratif
2 – Sofia capitale un centre pour maîtriser la périphérie
3 – L’ instabilité chronique des frontières de l’État bulgare
CHAPITRE 5 POUVOIR SOCIALISTE ET AJUSTEMENTS PRAGMATIQUES
I – Logiques politiques et pratiques territoriales des réformes administratives socialistes
1 – Mise en place des structures socialistes
2 – Le maillage administratif de 59 l’œil du pouvoir socialiste
3 – De la microrégion (microrajon) au système d’habitat (selišten sistem) la réforme communale
4 – Démocratisation et autonomisation la réforme inachevée de .
II – Les dynamiques socio-économiques des départements bulgares de 65 à 2
1 – Positions méthodologiques et variables d’études
2 – Structures et typologies des départements socialistes en 65 et en
3 – Les trajectoires départementales entre 65 et
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE RETOUR SUR L’HYPOTHESE DE LA DE TERRITORIALISATION
TROISIÈME PARTIE
INVENTER LES TERRITOIRES POST-SOCIALISTES TRAJECTOIRES DE
RECOMPOSITIONS
INTRODUCTION DE LA TROISIEME PARTIE
CHAPITRE 6 APPRÉCIATIONS DES DIFFÉRENCIATIONS SPATIALES
I – Trajectoires régionales de recompositions quelles modalités de sortie des logiques socialistes ?
1 – Les variables régionales choix et limites
2 – Géographie succincte et incertaine des recompositions régionales post-socialistes
3 – Les structures régionales après dix ans de transition régions à dominante rurale versus régions
urbanisées
4 – Types de situations régionales en la déconstruction du socialisme
II – Image transitoire de la diversité des communes post-socialistes
1 – Démarche méthodologique
2 – La force des lieux dans les structures communales en
3 – Les profils communaux en l’incertitude du présent.
4 – Jeux d’échelles pour une prospective de développement régional
CHAPITRE 7 LES NOUVEAUX ACTEURS DE LA GESTION TERRITORIALE
I – La nouvelle donne des élections locales de
1 – Paysage politique après les élections municipales
2 – Profils des élus locaux et de leur administration
3 – Modalités de représentation de la diversité communale
4 – Maire et conseil municipal quel partage du pouvoir local ?
II – La promotion de la démocratie participative réseaux associatifs et gestion territoriale
1 – L’inégal succès du développement associatif dans les communes bulgares
2 – Les associations de communes, expression d’une cohésion régionale ?
3 – Les agences de développement régional, un instrument des politiques territoriales ?
III – Administrations et fonctionnaires régionaux
1 – Les préfets et les services régionaux ou l’administration fluctuante
2 – Le service du développement régional des fonctions sans pouvoir
CHAPITRE 8 FERMENTS DES RECOMPOSITIONS TERRITORIALES
I – L’effondrement du lien territorial socialiste
1 – Aspects géographiques du déclin démographique aux niveaux local et régional
2 – La déstructuration des bassins d’emploi et des circuits d’échanges locaux
3 – Le désengagement de l’État équipements et services à la population
II – Le renforcement du lien réticulaire balkanique
1 – Le cloisonnement communal
2 – L’interface régionale en panne
III – Points d’appui de la logique européenne villes et régions en devenir
1 – Les villes des territoires en avance de transition
2 – La région contre l’État ? Vers une nouvelle formulation de la question régionale en Europe
CONCLUSION GENERALE
SOURCES ET DOCUMENTS
BIBLIOGRAPHIE GENERALE
ANNEXES
Table des figures
Table des tableaux
Table des encadrés
Table des annexes
Table des matières

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