Lutte biologique par conversation dans les vergers de pommiers
L’utilisation de Cheiracanthium mildei et Clubiona sp pour la lutte biologique
Notre motivation pour utiliser C. mildei et Clubiona sp. pour la lutte biologique est en partie due à la reconnaissance croissante du possible rôle joué par ces araignées dans la suppression et le contrôle naturel des ravageurs. Cependant, les recherches et les connaissances disponibles sur la biologie des araignées restent relativement faibles. D’autres espèces de Cheiracanthium ont été signalées en nombre significatif dans les champs de coton des États-Unis. (Whitcomb et Bell, 1964) et dans d’autres cultures (Lecaillon, 1905). Les C. mildei et les Clubiona sp avec les Salticidae sont les araignées les plus communes dans la canopée de pommiers (Lebfevre, 2016). Ces espèces se nourrissent d’un large éventail d’insectes nuisibles. Ainsi, C. mildei est la seule araignée que l’on trouve régulièrement dans les vergers commerciaux en Israel (Mansour, 1981). C’est un prédateur généraliste qui chasse une variété d’espèces d’insectes si efficacement qu’il réduit considérablement leur nombre. Il pourrait être le principal contributeur à la suppression des ravageurs. Le rôle de C. mildei dans la suppression des ravageurs peut résulter principalement de son abondance et de son type de chasse errante à la recherche de proies (Mansour, 1980a). Les Clubionidae est une famille d’araignées errantes, rapides et qui passent la journée dans une retraite de soie et chassent la nuit. Certaines errent sur la surface du sol et d’autres se trouvent sur la végétation (Duffey, 1956 ; Marc, 1993). Marc (1999) a montré le possible rôle d’une clubione (C. corticalis) dans le biocontrôle du carpocapse en verger de pommiers. C’est pour ces raisons que je m’intéresserai dans cette thèse aux facteurs et outils menant à la présence et à l’abondance de C. mildei et Clubiona sp. dans les vergers de pommiers. J’ai notamment étudié l’effet du lâcher de C. mildei et Clubiona sp .sur l’abondance de ces araignées, mais aussi sur la diminution du nombre de ravageurs dans les vergers de pommiers, et ce durant deux années consécutives. Introduction générale
Cheiracanthium mildei
Distribution, cycle de vie, écologie
L’espèce C. mildei, communément appelée « araignée sacrée à longues pattes », appartient au genre Cheiracanthium, de la famille des Eutichuridae. Cheiracanthium C. L. Koch, 1939 est le seul genre de la famille Eutichuridae Lehtinen, 1967 en Europe. Ce genre a été transféré de la famille Clubionidae Wagner, 1887 à Miturgidae Simon, 1886 (Ramírez et al., 1997) et, plus récemment, à la famille Eutichuridae Lehtinen, 1967 (Ramírez ,2014). Cheiracanthiuma a une distribution mondiale et est seulement absent des régions polaires. Sur les 209 espèces connues de ce genre dans le monde (World Spider Catalog, 2016), 29 ont été trouvées en Europe, dont 14 dans la péninsule ibérique (Morano et al., 2014). Les araignées de ce genre sont des chasseurs rapides sur des plantes ligneuses ou herbacées, et leurs touffes de griffes denses les aident à ramper le long des surfaces inclinées. Les couleurs de leur corps varient généralement du jaune au verdâtre, avec des tons orangés et brunâtres chez certaines espèces (voir Figure 7). Les araignées Cheiracanthium appartiennent au groupe connu en anglais sous le nom de « araignées à sac » parce qu’elles filent de petits sacs en soie qui abritent ces chasseurs nocturnes pendant la Introduction générale 47 journée. Ces sacs sont très visibles, car les araignées les construisent souvent au sommet des hautes herbes et sont donc facilement visibles dans les prairies humides, sur les cultures et en dehors des sentiers (Mansour et al., 1980; Wise, 1993 ; Morano, 2016). Figure 7.Cheiracanthium mildei C. mildei a été signalée aux États-Unis, en Europe continentale et en Angleterre, en Asie et dans le bassin méditerranéen où elle aurait pu être introduite. Le genre Cheiracanthium est représenté par un grand nombre d’espèces en Europe et en Asie. Bonnet, (1961) a répertorié 160 espèces. L’étude menée par Mansour (1980a) en laboratoire dans des conditions (24 °C + 1 °C, 55- 60% HR), a montré que les mâles ont eu besoin d’un délai moyen de 182 (137-207) jours après l’éclosion pour atteindre la maturité et sont devenus adultes après 7 à 8 mues et ont vécu en moyenne 73 jours à l’âge adulte. Les femelles ont eu besoin d’une moyenne de 231 (191-286) jours après l’éclosion pour atteindre la maturité et ont atteint l’âge adulte après 9-10 mues. Elles ont vécu 240 jours en moyenne à l’âge adulte. Les femelles ne se reproduisent qu’une fois et pondent de 1 à 5 fois (en moyenne 1,8), à des intervalles de 30 jours. Elles ont produit en moyenne 35 œufs dans la première éclosion et 31 dans la seconde. Edwards (1958) a observé 112 œufs dans une seule masse d’œufs produite par C. inclusum, en laboratoire et Peck et Whitcomb, 1970) ont rapporté pour la même espèce une fourchette de 17 à 86 œufs par masse d’œufs. D’après l’étude de Mansour (1980a) en Israël, au printemps, les adultes étaient beaucoup plus nombreux que les stades immatures, ce qui indique probablement que C. mildei passe l’hiver principalement à l’âge adulte. Les stades juvéniles ont été trouvés principalement à l’automne. La première ponte d’une femelle accouplée au début du printemps atteindra en moyenne sa maturité Introduction générale 48 en août, et certaines d’entre elles pourraient produire une deuxième génération à l’automne. Les pontes suivantes seront à divers stades de développement immature vers la fin de l’automne. Les araignées C. mildei sont des prédateurs généralistes qui peuvent consommer des ravageurs dans les vergers (Boreau de Roincé, 2012 ; Lebfevre, 2016). Dans le cadre du contrôle biologique par la conservation, ils pourraient aider les producteurs de fruits à lutter contre les ravageurs. Ils peuvent être particulièrement efficaces car ils peuvent consommer différentes stades des ravageurs. En outre, Cheiracanthium sp. sont des prédateurs généralistes qui à priori restent dans le verger ou à proximité toute la saison, malgré les fluctuations de température (Lefebvre, 2016), de l’abondance du ravageur (Mansour et al., 1980b ;Miliczky et Calkins,2002) ainsi que la présence de pesticide (Mansour, 1987). Ainsi, parvenir à prouver que C. mildei consomment les ennemis naturels en quantité accentuera son utilité en matière de contrôle biologique. Des tests de prédation effectués par (Miliczky et Calkins ,2002) ont mis en évidence que C. mildei se caractérise par un fort potentiel à consommer des œufs de lépidoptère par rapport aux autres araignées chasseuses. L’araignée C. mildei a particulièrement montré une capacité à réguler, dans des mésocosmes, d’autres lépidoptères ravageurs des pommiers (Mansour, et al., 1981 ; Corrigan et Bennett, 1987).
Clubiona sp
Taxonomique Royaume: Animalia Embranchement: Arthropoda Classe: Arachnida Ordre: Araneae Sous-ordre: Araneomorphae Famille: Clubionidae Genre : Clubiona
Distribution, cycle de vie, écologie
Tout comme les Cheiracanthium, la famille Clubionidae Wagner, 1887 est présente partout dans le monde en dehors des pôles et est contituée de 15 genres et 624 espèces (World Spider Catalog, 2018). En Europe seulement 1 genre est signalé et 50 espèces recensées (Nentwig et al., 2018). Dans les vergers de pommiers, 3 espèces ont été décrites C. brevipes, C. corticalis et C. leucapsis (Marc et Canard, 1997 Lefebvre, 2016) (Figure8). Si l’on s’en tient à ces 3 espèces, leur répartition à l’échelle de l’Europe est homogène puisqu’elles sont présentes partout. Concernant leur cycle de vie, Clubiona sp. est un genre à cycle court sténochrone de printemps. En effet, la durée d’une génération est d’un an pour au moins 93% de la population et la durée de vie des araignées n’excéde pas deux ans. La durée de vie des mâles est beaucoup plus courte que celle des femelles : les femelles ont une durée de vie plus longue d’environ 4 mois. La reproduction a lieu au début du printemps, et les araignées deviennent actives dès le mois de mars, donc très tôt dans la saison. Les jeunes passent l’hiver au stade sub-adulte, mais il reste à savoir si la période d’arrêt de développement hivernal correspond à une quiescence ou à une diapause. Concernant les 3 espèces potentiellement présentes dans les vergers, pour C. brevipes on trouve des mâles et des femelles respectivement de mars à aout et de janvier à novembre : pour C. corticalis de janvier à septembre et toute l’année et enfin pour C. leucapsis d’avril à juillet et de mars à septembre (Nentwig et al., 2018). Introduction générale 50 Ce sont des espèces nocturnes qui chassent à courre et sont considérées comme des prédateurs généralistes. Pendant la journée, elles restent sous des pierres, sous des écorces d’arbres ou d’arbustes, dans la végétation basses dans des retraites de soie. Marc (1993) a réalisé des échantillonnages sous les écorces de pins (où les Clubiona sp. construisent généralement une loge de repos en soie) de janvier à août dans une forêt à Rennes en France afin d’étudier la phénologie des C. corticalis dans la nature. Concernant leur régime alimentaire, dans la littérature, peu de données existent. Toutefois des travaux de Boreau de Roincé (2012, 2013) suggèrent que des Clubionidae (notées Clubiona spp dans le texte) mangent des pucerons en vergers de pommier faisant de cette famille de potentiels prédateurs pour la lutte biologique.
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