Lutte anti-vectorielle et développement de la résistance aux insecticides

Composition du microbiome des insectes selon le sexe du moustique

Le sexe du moustique est un facteur déterminant de la composition du microbiote, mâle et femelle ayant des comportements écologiques différents. En effet, tous les moustiques se nourrissent de nectar et sont capables d’hydrolyser le sucrose mais seules les femelles sont hématophages (Heu et Gendrin., 2018). Zouache et al. (2011) ont montré qu’environ la moitié de la diversité bactérienne d’une population d’Aedes albopictus de terrain était expliquée par le sexe du moustique avec une plus grande diversité chez les femelles. L’effet du sexe a également été rapporté chez Anopheles stephensi où les bactéries du genre Bacillus et Staphylococcus ont été détectées chez les mâles alors que celles des genres Chryseobacterium, Pseudomonas et Serratia étaient, dans la même étude, présentes spécifiquement chez les femelles (Minard et al., 2013).

Modes d’acquisition du microbiome

Le microbiote évolue tout au long du cycle de vie du moustique. L’oeuf peut contenir des bactéries intracellulaires et des virus dans son cytoplasme ainsi que des bactéries extracellulaires à la surface de son enveloppe, qui pourront être ingérées par la larve après éclosion. La larve acquiert également des microbes provenant de son environnement aquatique, dont certains ont été ensemencés par la femelle lors de la ponte. La larve élimine une grande partie de son microbiote intestinal juste avant de se transformer en pupe et amorcer la métamorphose, les adultes émergent donc avec très peu de microbes dans l’intestin. Ils acquièrent également un microbiote en absorbant l’eau de leur gîte larvaire lors de l’émergence et probablement en s’alimentant de nectar floral. Au cours de la vie de l’adulte, le microbiote change, on observe notamment une forte augmentation de la charge bactérienne et une diminution de la diversité du microbiote bactérien après le repas de sang.
Certains microbes peuvent être transmis horizontalement entre moustiques, par contamination de l’eau pendant le développement ou par voie sexuelle chez l’adulte (Heu et Gendrin, 2018).

Fonction du microbiome chez les insectes

Reproduction

Certaines bactéries colonisent les organes de reproduction des insectes, ce qui leur permet de manipuler la reproduction de l’hôte et de se propager considérablement au sein des populations hôtes. Le genre Wolbachia est capable de contrôler l’accouplement des moustiques par un phénomène appelé incompatibilité cytoplasmique. Ce processus empêche les mâles infectés de produire une descendance viable lors de l’accouplement avec une femelle non infectée ou une femelle infectée avec une souche incompatible de Wolbachia. Ainsi, certaines espèces de moustiques d’Aedes et de Culex dépendent de Wolbachia pour produire une progéniture viable (Minard et al., 2013).

Digestion

Les bactéries contribuent à la nutrition des insectes de différentes manières. Les bactéries de l’intestin moyen peuvent produire des composés directement assimilables par l’hôte ou peuvent améliorer la digestion en produisant des enzymes de dégradation facilitant l’assimilation de molécules complexes (Minard et al., 2013).

Nutrition

Chez les insectes phytophages, le microbiote fournit généralement des vitamines, des acides aminés et du stérol qui complètent les régimes alimentaires à base de plantes. L’exemple le plus connu est l’implication de la bactérie Buchnera dans la fourniture d’acides aminés essentiels aux pucerons (Minard et al., 2013).

Répartition géographique

Il a été émis l’hypothèse qu’Aedes aegypti a été importé dans le Nouveau Monde depuis l’Afrique via la traite des esclaves aux 16ème -19ème siècles (Brown et al., 2014). En raison, d’une part, de l’urbanisation croissante, du commerce globalisé, de la migration des populations, de l’utilisation croissante des moyens de transport aérien et du tourisme international et, d’autre part, de la capacité des oeufs à survivre en absence d’eau, sa dissémination s’est accélérée à l’échelle mondiale (Gratz et al., 2000 ; Lounibos, 2002).
De nos jours, cette espèce est présente dans toutes les régions tropicales et subtropicales (Figure 2). Et sa distribution s’étend à nouveau dans des régions plus tempérées : Californie etc. (Kraemer et al., 2015).

Biologie d’Aedes aegypti

Les moustiques de l’espèce Aedes aegypti sont des insectes à métamorphose complète (holométaboles), parce que leur cycle de vie est complexe avec des changements de forme et d’habitat. Le développement complet de l’oeuf à l’adulte dure de 8 à 10 jours à température tropicale et dépend de conditions environnementales favorables comme la disponibilité nutritionnelle, un volume d’eau suffisant, la température de l’eau, la compétition larvaire (intra ou interspécifique), les conditions physico-chimiques du gite. Le cycle biologique est composé d’une phase pré-imaginale aquatique et d’une phase aérienne (Figure 3).

Phase aquatique

La phase de développement aquatique d’Aedes aegypti a lieu dans les gites créés par l’homme comme des coupelles de pot de fleurs, des gouttières mal entretenues, des congélateurs abandonnés, des seaux et autres déchets pouvant contenir de l’eau, peu de gites naturels ont été rapportés (Bernáth et al., 2008 ; Mocellin et al., 2009).
Lorsque les oeufs résistants à la dessiccation sont à nouveau au contact de l’eau après être parfois restés plusieurs mois desséchés durant la saison défavorable, les larves éclosent. Celles-ci se nourrissent de matières organiques particulaires présentes dans le gite. Le développement larvaire est constitué de quatre stades, chacun séparé d’une mue comme pour tous les insectes holométaboles. Une métamorphose transforme la larve de quatrième stade en nymphe. Ces nymphes ne se nourrissent plus. C’est le stade pendant lequel le corps de l’adulte aérien se forme. Environ deux jours après, l’adulte nouvellement formé émerge de l’eau après avoir rompu l’enveloppe nymphale.

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Les principales arboviroses liées au moustique Aedes aegypti

La dengue

La dengue est l’arbovirose la plus importante en termes de morbidité et mortalité avec 390 millions de cas chaque année dont 96 millions développant des signes cliniques sévères (Failoux, 2018). Le virus de la dengue (VDEN) appartient au genre Flavivirus de la famille des Flaviviridae. Les tableaux cliniques liés à la dengue vont de la forme asymptomatique, la forme classique (MD pour la maladie de la Dengue) à la dengue hémorragique (MHD pour la Maladie Hémorragique de la Dengue). Il est à noter que 80% des cas d’infections sont asymptomatiques. Demeurant infectés et non malades, ces cas participent activement à la transmission et la diffusion du virus. La dengue sévit principalement dans les régions intertropicales (Failoux, 2018).

Le Chikungunya

Le virus du chikungunya (VCHIK) appartient au genre Alphavirus de la famille des Togaviridae. Les symptômes de la maladie sont une forte fièvre, des atteintes articulaires, des maux de tête, des douleurs musculaires, une éruption cutanée. Des formes neurologiques graves sont exceptionnellement décrites.
Endémique à l’Afrique et l’Asie, ce virus a émergé en 2004, provoquant des épidémies dans les îles de la région de l’Océan Indien (Failoux, 2018).

La Fièvre jaune

Le virus de la fièvre jaune (VFJ) est un prototype du genre Flavivirus de la famille des Flaviviridae. Les symptômes (fièvre, douleurs musculaires, maux de tête) peuvent alors évoluer vers des formes graves avec survenue d’un syndrome hémorragique. La mort survient dans 50 à 80% des cas (Failoux, 2018).

La fièvre Zika ou maladie à virus Zika

Le virus Zika est un Flavivirus de la famille des Flaviviridés comme la Dengue et la Fièvre Jaune. Il est décrit dans les régions tropicales d’Asie du Sud- Est et d’Afrique. Les symptômes sont une fièvre, des éruptions maculo-papuleuses, des myalgies et arthralgies. Des cas de syndrome de Guillain-Barré et de microcéphalies des nouveau-nés ont été rapportés lors des dernières épidémies (Failoux, 2018).

Lutte anti-vectorielle et développement de la résistance aux insecticides

Lutte mécanique

Elle consiste pour ce qui est des stades pré-imaginaux (oeufs, larves et nymphes), à éliminer ou neutraliser physiquement tous les sites d’oviposition potentiels, comme les pneus abandonnés, les pots de fleurs, les soucoupes pour pots de fleur, et plus généralement les récipients de toutes tailles et de toutes sortes, que les collections d’eau soient intentionnelles (abreuvoirs d’animaux, réserves d’eau, seaux à boutures…) ou dues à la négligence (détritus, carcasses de voitures, gouttières mal entretenues…).

Lutte biologique

Différents produits à base d’agents biologiques, en particulier des toxines bactériennes, ont été conçus pour éliminer les larves de moustiques. La bactérie Bacillus thuringiensis israelensis (Bti) seule ou en combinaison avec Bacillus sphaericus est utilisée actuellement pour réduire le nombre d’Aedes immatures à court terme. Les toxines synthétisées par le Bti peuvent détruire les cellules de l’intestin moyen des larves de moustiques, qui meurent en 24 à 48 heures (Boyce et al., 2013). La toxicité très faible de ces produits sur l’homme et l’environnement constitue leur principal avantage. Par contre, Bti est efficace sur les jeunes larves, mais moins sur les larves de quatrième stade, et pas du tout sur les nymphes. De plus, l’efficacité dépend aussi de conditions environnementales comme la profondeur des gites, la température de l’eau, l’ensoleillement et la densité de matière organique (Kroeger et al., 2013).

Lutte chimique

Elle inclut l’application de larvicides et d’adulticides. Plus de 95 % des insecticides visant les moustiques sont des neurotoxiques perturbant de diverses façons la propagation de l’influx nerveux. Au terme de leur action, l’insecte meurt de paralysie. Ils agissent essentiellement par contact et inhalation. Lesprincipaux obstacles sont les problèmes de toxicité pour les organismes non-ciblés, et les phénomènes de résistances observés de plus en plus fréquemment (Moyes et al., 2017). On compte à l’heure actuelle six classes de composés insecticides organiques globalement utilisés dans le cadre de la lutte contre les moustiques; ce sont les organochlorés, les organophosphorés, les carbamates, les pyréthrinoïdes, les pyrroles et les phénylpyrazoles.

Contrôle par paratransgénèse

Le lâcher de moustiques porteurs de la bactérie endosymbiote Wolbachia est l’exemple le plus approprié et réussi, parce que la présence de cette bactérie peut interférer avec la réplication de virus pathogènes chez les populations infectées, et au même moment provoquer une descendance stérile par un système d’incompatibilité cytoplasmique (Hoffmann et al., 2014).

Résistances aux insecticides chez les moustiques

Quatre types de mécanismes sont principalement impliqués dans la résistance aux insecticides : la résistance comportementale, la résistance à la pénétration, l’insensibilité du site cible, et la résistance métabolique (Figure 4). Parmi eux, les récentes études sur les deux dernières résistances sont plus avancées, détaillées et complètes.

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