Qu’est-ce que l’attitude ludique ?
Pour P. Guitard, l’attitude ludique est un état d’esprit qui permet de voir la situation différemment, comme un défi, une occasion d’apprendre où les erreurs ne sont plus des échecs.
Avant de présenter sa propre définition du concept, P. Guitard a analysé et fait une synthèse des définitions de l’attitude ludique rédigées par les auteurs s’y étant intéressés. Elle distingue deux composantes essentielles présentes chez tous les auteurs : le plaisir et la spontanéité.
L’imagination et la curiosité sont les composantes qui sont ensuite les plus souvent citées. Enfin, le sens de l’humour, le sentiment de contrôle, la spontanéité physique et la libération sont des composantes qui font moins consensus.
En se basant sur des entretiens auprès d’adultes d’âges et de milieux variés, P. Guitard a développé un modèle conceptuel de l’attitude ludique à l’âge adulte, dont les composantes sont le plaisir, la spontanéité, la créativité, la curiosité et le sens de l’humour . Elle définit la créativité comme la « capacité à utiliser son imagination pour arriver à un résultat concret et tangible ». Elle peut être de type artistique (par exemple dans l’écriture, la photographie, la cuisine…) ou de type intellectuelle (trouver des solutions originales à un problème, jouer avec les idées…). Être créatif signifie faire preuve d’originalité, oser ne pas faire les choses comme les autres.
La créativité permet l’expression des émotions, la résolution de problème. Pouvoir exprimer sa créativité est une source de plaisir. Pour P. Guitard l’imagination est un préalable à la créativité. La curiosité est décrite comme un « phénomène intellectuel qui se manifeste par une très grande soif d’apprendre et la quête de nouvelles expériences ». L’auteur distingue la curiosité saine, qui comprend la soif d’apprendre et la recherche de nouveauté, de la curiosité malsaine qui consiste à découvrir ce qui devrait rester caché et à envahir l’intimité d’autrui. La curiosité est liée au sens de l’observation et à l’ouverture d’esprit.
La curiosité permet de faciliter la créativité en multipliant les sources d’inspiration et de s’améliorer en favorisant l’accroissement des habilités et des connaissances. Elle renforce également le plaisir en permettant la découverte de nouvelles sources de plaisir.
Quels sont les éléments favorisant l’apparition de l’attitude ludique ?
La créativité ne peut être présente que si la personne n’a pas peur du jugement des autres et a assez confiance en elle pour oser la prise de risque. L’éducation reçue et le milieu de la personne peut inhiber la créativité en créant la peur d’être jugé. Enfin, une personne curieuse développe plus de créativité. Des facteurs externes à la personne influencent aussi la créativité :
les caractéristiques de l’activité réalisée (par exemple, le dessin et la lecture sont des activités qui favorisent la créativité).
le contexte (par exemple, les fêtes thématiques stimulent l’imagination et la créativité). La réalisation d’activités de routines permet à certain de laisser aller leur imagination, leurs pensées. Pour développer la composante curiosité, la personne doit avoir accès aux moyens permettant de satisfaire sa curiosité. La confiance en soi et les capacités d’initiative doivent être préservées. L’expression et l’appréciation de l’humour sont influencées par l’humeur de la personne, sa culture, ses valeurs personnelles et sa confiance en elle. Ils seront plus facilement présent dans un milieu familier et valorisant l’humour.
Le plaisir est présent si la personne à de l’intérêt pour l’activité et l’aime, et si l’activité répond à ses besoins. Les activités choisies et dans lesquelles on peut choisir ses actions sont sources de plaisir. Il peut néanmoins être inhibé par un manque de confiance en soi, la présence de fatigue, ou de préoccupations limitant la disponibilité mentale. La présence des autres et les interactions avec eux ainsi que les contraintes matérielles et temporelles ont un impact sur le plaisir. Enfin, la notion de plaisir est abordée différemment selon la culture de la personne. Les activités acceptables et les façons de manifester du plaisir changent selon le milieu culturel.
La spontanéité est fortement influencée par le milieu. Les personnes sont plus spontanées dans un milieu familier, valorisant la spontanéité, et suffisamment flexible. Les capacités d’organisation rendent possible la spontanéité d’action. En effet, en s’organisant les personnes se dégagent du temps libre. Cependant, certaines activités, demandant beaucoup d’organisation, de temps et d’équipements empêchent la spontanéité. Pour finir, les personnes manquant de confiance en elles, limitent leur spontanéité par peur des réactions d’autrui.
Nous remarquons que pour P. Guitard, la confiance en soi est un facteur influençant l’ensemble des composantes de l’attitude ludique, elle considère la confiance en soi comme un préalable à l’attitude ludique chez l’adulte.
L’utilisation de l’attitude ludique en ergothérapie
Ce modèle propose une approche globale de la personne (holiste), et étudie les interactions personne-environnement-activités. Il est donc en adéquation avec la philosophie ergothérapique. Pour Paulette Guitard, « favoriser la présence de l’attitude ludique dans la vie de tous les jours pourrait s’avérer fort utile pour aider le client adulte aux prises avec certaines incapacités à atteindre son plein potentiel. »
L’attitude ludique peut être utilisée pour permettre à l’adulte des activités agréables, en aidant à contrer les difficultés physiques, cognitives ou affectives. En effet, l’attitude ludique permet de ressentir l’activité de façon agréable et positive, ce qui la rend plus significative. Or le sens donné à une activité permet d’augmenter son potentiel thérapeutique. L’attitude ludique peut aussi favoriser l’indépendance et l’autonomie, en permettant de mieux faire face aux situations. Etre capable de dédramatiser et de trouver des solutions originales est utile face à la diminution des capacités. En rendant possible une vie quotidienne plus satisfaisante comprenant plus d’activités significatives, l’attitude ludique participe au bien-être de la personne. Le rôle de l’ergothérapeute serait donc de favoriser le développement de l’attitude ludique, en assurant un milieu permettant sa manifestation et propice à l’amélioration de la confiance en soi.
L’attitude ludique permettrait de rendre toute activité agréable et positive, l’engagement dans cette activité est alors augmenté. Nous avons choisi de nous intéresser à cette notion d’engagement dans l’activité ludique à travers la théorie du flow.
La théorie du flow
Le flow : En se basant sur les témoignages d’artistes, d’athlètes, de joueurs d’échecs et de musiciens consacrant beaucoup de temps à leur passion, M. Csikszentmihalyi a développé la théorie de l’expérience optimale ou théorie du flow .
Il s’est intéressé aux moments de notre vie où nous sommes dans le plein contrôle de nos actions et éprouvons un enchantement profond. Les personnes décrivent souvent cette expérience à travers la métaphore d’être porté par le courant, d’où le choix du vocabulaire d’expérience «flux» (flow en anglais). Pour développer et valider ses observations, il a mis au point une méthode d’échantillonnage des expériences subjectives. Les participants réalisent leurs activités quotidiennes avec un téléavertisseur se déclenchant de façon aléatoire de cinq à huit fois dans la journée. A chaque signal, il note les informations demandées sur ses pensées, ses émotions et ses activités au moment présent. Cette expérience a été menée sur des milliers de personnes à travers le monde, et a permis de préciser et d’objectiver le phénomène.
Lors de l’expérience de flux, la personne a le sentiment d’une parfaite adéquation entre sensations, désirs et pensées. Toute l’énergie psychique est requise, la personne est focalisée sur la tâche, il n’y a pas de place pour les pensée dérangeantes ou les sensations superflues. La conscience de soi s’estompe et la notion de temps est modifiée. La tâche est alors accomplie pour elle-même. Les aptitudes de la personne sont pleinement mises à contribution par l’exécution d’une tâche difficile mais réalisable. On observe un équilibre entre capacités d’action et tâche . Si le défi est important mais les capacités non suffisantes, la personne est focalisé, active et impliqué dans la tâche, mais n’éprouve pas de sensation de force et de contrôle. Elle est alors en état d’excitation, et pour atteindre l’expérience de flux elle a besoin d’acquérir de nouvelles capacités.
Si le défi est inférieur aux capacités de la personne, elle ressent une impression de force et satisfaction et un manque de concentration, d’implication. Elle est dans un état de contrôle. Elle n’a pas la sensation de faire des choses importantes, et pour atteindre le flow il lui faut rechercher une tâche plus complexe. Les états de contrôle et d’excitation sont favorables aux apprentissages. En revanche, l’absence de défi met dans un état d’ennui qui rend souvent trop apathique pour accéder au flux. De même, la confrontation à un défi largement supérieur aux capacités de la personne la met dans un état d’inquiétude ou d’angoisse. L’expérience optimale lui semble alors inatteignable, il recherche une situation moins difficile.
Table des matières
1. Introduction
1.1. Contexte et thème général
1.2. Utilité sociale et intérêt et enjeux pour la pratique professionnelle
1.3. Questions de départ
1.4. Problématique pratique
1.4.1.Recherche documentaire
1.4.2.Enquête exploratoire
1.5. Cadre théorique
1.5.1.L’attitude ludique
1.5.2.La théorie du flow
2. Matériel et méthode
3. Résultats
3.1. Caractéristiques de l’activité ludique choisie
3.2. Caractéristiques de l’expérience optimale
3.3. Effets de l’expérience optimale
3.4. Base conceptuelle
3.5. Rôle de l’ergothérapeute
1.1.1.Choix du jeu
1.1.2.Avant le temps de jeu
1.1.3.Pendant le jeu
1.1.4.Au fil des séances
4. Discussion
4.1. Caractéristiques de l’activité ludique choisie
4.2. Caractéristiques de l’expérience optimale
4.3. Effets de l’expérience optimale
4.4. Propositions pour la pratique professionnelle
4.5. Critique du dispositif de recherche et limite des résultats
4.6. Perspectives
Bibliographie
Annexes
Résumé