Début 2014, l’Afrique de l’Ouest a été le théâtre d’une flambée de l’épidémie de la maladie à virus Ebola la plus meurtrière depuis la découverte des premiers cas en 1976 [1]. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le patient zéro serait un enfant décédé en décembre 2013 près de Gueckedou dans le sud-est de la Guinée, c’est dans cette région que l’épidémie a débuté avant de s’étendre dans les autres pays. C’est la première fois que ce virus, entraîne une contamination ailleurs qu’en Afrique centrale puis hors du continent africain [2]. Vu la nature extrêmement contagieuse du virus, la proximité de l’épicentre de l’épidémie et l’intensité des échanges socio-économiques, les institutions internationales de la santé qualifient l’épidémie d’ « urgence de santé publique de portée mondiale» au titre du Règlement Sanitaire International (RSI) [3]. A la date du 18 mars 2015, l’OMS recensait au moins 24 701 cas pour 10 194 décès dus à cette épidémie, soit un taux de létalité de 41,1%. Pour la même période, au Etats unis on dénombrait 4 cas pour 1 décès, en Espagne 1 cas pour 0 décès, Royaume Unis 1 cas pour 0 décès. C’est surtout dans le continent africain que le virus a fait le plus de victimes, en Sierra Leone 11 751 cas pour 3 691 décès, au Liberia 9 526 cas pour 4 264 décès, en Guinée Conakry 3 389 cas pour 2 224 décès, au Nigeria 20 cas pour 8 décès, au Sénégal 1 cas pour 0 décès, au Mali 8 cas pour 6 décès. Le total des infections des travailleurs de la santé dans les trois pays les plus touchés (Guinée Conakry, Sierra Léone et Libéria) était à 839 avec 491 décès [4]. Outre ce taux élevé de létalité, l’épidémie a entrainé une fragilisation et une désorganisation des systèmes de soins. Elle a provoqué une insécurité alimentaire en Guinée, au Liberia et au Sierra Léone [5]. Cet état de fait a contribué à ralentir le moteur économique. Dans un rapport publié en septembre 2014, la banque mondiale met en garde contre l’impact économique « catastrophique » que l’épidémie pourrait avoir au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée, en raison principalement d’un « facteur peur » lié au virus, qui paralyse les activités [6]. Face à l’atteinte d’une proportion inédite de l’épidémie, par sa portée et sa gravité, l’OMS définit un certain nombre de principe à son égard qui sont entre autres, la prise en charge des cas, la surveillance et la recherche des contacts, le service de laboratoire de qualité, l’inhumation sans risque et la mobilisation sociale[7]. Le 24 octobre 2014, le Mali pris connaissance de la maladie pour la première fois à travers une fillette de deux ans décédée après être revenue de Guinée avec sa grand-mère. Ce cas fait du Mali le sixième pays d’Afrique de l’Ouest à être touché par la flambée actuelle. Sur sept (7) cas confirmés de la maladie à virus Ebola au Mali, cinq (5) ont entrainé des décès et deux (2) ont été guéris [4]. Le 18 janvier 2015, le Mali et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ont annoncé conjointement la fin de l’épidémie de la maladie a virus Ebola quarante-deux jours après la négativation des tests de contrôle au laboratoire du dernier cas en date du 6 décembre 2014 [4]. La gravité de l’épidémie d’Ebola et les informations limitées concernant les nouveaux cas et la propagation du virus appellent à un déploiement rapide des outils relatifs aux technologies de l’information et des communications (TIC), notamment en matière de cyber santé et de santé mobile, afin d’optimiser la riposte[8]. Au Mali, depuis l’apparition du virus Ebola dans les pays voisins, le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique (MSHP), à travers l’Agence Nationale de Télésanté et d’Informatique Médicale (ANTIM), a tout mis en œuvre pour informer et éduquer la population sur les stratégies d’éviction de la pénétration de la maladie sur le territoire malien. Les Technologies de l’Information et de la communication y ont été utilisées avec déploiement de numéros verts [9]. C’est dans ce contexte que s’inscrit notre étude à travers laquelle nous voulons savoir quel a été le rôle de l’utilisation des numéros verts dans la gestion de l’épidémie de la maladie à virus Ebola au Mali.
TIC et santé
Donner des soins de santé de qualité représente un défi économique, scientifique et social considérable autant pour les pays développés que ceux en développement. Les soins de santé de qualité ont contribué à la prolongation de la vie humaine et à la réduction de la douleur, du risque pathologique et de l’invalidité. L’application des nouvelles connaissances et des progrès technologiques est universellement reconnue comme un moteur essentiel de ces avancées. Par exemple, la recherche montre que le rythme du progrès technologique dans les pays du nord est positivement corrélé aux résultats sur le plan de la santé et à la qualité de vie des patients qui ont subi des attaques cardiaques [10].
Les technologies sont un moteur dans l’amélioration des résultats sanitaires. En 2001 déjà, l’importance des technologies de l’information et de la communication avait été soulignée par la décision de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de « prendre des mesures immédiates afin que la télématique fasse désormais partie intégrante de sa stratégie de la Santé pour Tous pour le 21ème siècle » [11].
Entre information de santé et information médicale
Les professionnels de santé distinguent l’information médicale professionnelle, technique et scientifique, de l’information de santé vulgarisée à destination du grand public. Ainsi, pour le Dr Alloy, médecin responsable d’un département d’information médicale, « l’information médicale concerne des données de santé pour un individu ou une population, en général issues d’un professionnel de santé. Ses caractéristiques sont la confidentialité, et des règles précises concernant leur conservation, leur utilisation et leur communication » ; à différencier, « d’une information de santé qui peut être des données générales : vaccination, diététique par exemple en dehors du professionnel de santé ». Pour les professionnels, ce sont deux mondes différents, qui ne peuvent pas se prévaloir de la même légitimité : « l’information de santé, c’est quelque chose de beaucoup plus vulgarisée que notre monde à nous médecins, extrêmement technique. L’information de santé, c’est de l’information grand public, mais pas expliquée, des bons conseils, des sites Internet qui seconsacrent au bien-être ou peut-être la publicité des laboratoires pharmaceutiques ». Pourtant les médecins reconnaissent que ces deux informations sont étroitement liées : « L’information médicale qui serait celle utilisée et échangée par les professionnels fait partie de l’information de santé qui est, elle, une catégorie plus large ».
TIC et santé en Afrique
Le secteur économique des TIC dans le domaine de la santé est en plein essor dans le monde. Ces technologies ne peuvent à elles seules régler tous les problèmes. Cependant, en réduisant les distances et facilitant les échanges rapides, elles peuvent contribuer à une amélioration précieuse des services de santé. Selon l’OMS plus de 2 % des dépenses de santé, en Afrique, sont consacrées aux investissements de cette nature avec une croissance annuelle forte de 9 %. La plupart des projets sont à l’étape d’expérimentation mais ils permettent d’entrevoir les évolutions des années à venir. La zone du monde où les enjeux de santé sont les plus forts est l’Afrique. Trois enjeux structurels concernent le continent. Le premier réside dans la capacité à promouvoir l’assurance santé. Celle-ci assure une protection contre les risques de non-paiement ; le moment du paiement est dissocié de celui des soins, ce qui encourage l’utilisation des services. Le deuxième enjeu consiste à pallier la pénurie de personnel de santé. C’est avec des solutions liées à la télémédecine que les TIC peuvent aider à compenser en partie ces manques. Le troisième enjeu vise à améliorer la qualité et la densité des infrastructures générales de santé, depuis les centres de soin jusqu’à la distribution de médicaments, en passant par la lutte contre la contrefaçon ou la constitution de réseaux d’experts. Ici encore, les TIC ont un rôle à jouer, en connectant les hôpitaux, en améliorant la gestion logistique des médicaments, etc.
TIC et santé au Mali
Organisation en matière de télésanté
Depuis 1998, le Mali a adopté deux plans de développement sanitaire et social (PDSS), qui se donne entre autres comme objectifs prioritaires d’étendre la couverture sanitaire pour assurer l’accessibilité géographique et équitable à des services de qualité, de lutter contre la maladie pour réduire la morbidité et la mortalité liées aux maladies prioritaires, de réduire la fracture et les inégalités sociales et d’assurer le renforcement institutionnel[14]. Ces plans sont déclinés en programmes de développement sanitaire et social (PRODESS), dont on est à la troisième version.
Ainsi dans le PRODESS III, au niveau des résultats stratégiques il est écrit : la Cyber Santé est mise à échelle pour améliorer la qualité du diagnostic et de la prise en charge des maladies, la formation, le système d’information sanitaire et la recherche.
Avec comme extrant 6-8.1. : Amélioration de la qualité du diagnostic, de la prise en charge des maladies, de la formation, du SNISS et de la recherche par le passage à l’échelle de la Cyber santé. Ceci passera par : Renforcer le rôle de l’ANTIM dans le système de santé par la signature d’un contrat plan Etat-ANTIM
• Doter les districts sanitaires, les DRS et les services centraux en équipements appropriés pour la Télésanté
• Elaborer et diffuser les stratégies d’application de la télésanté aux différentes composantes du système de santé et à la lutte contre la maladie
• Installer les applications et former les utilisateurs de télésanté dans les structures sanitaires .
Le système de santé pourrait ainsi mettre à profit l’énorme potentiel des TIC (le télédiagnostic, la téléconsultation et le téléenseignement) dont l’une des caractéristiques est de réduire le temps d’attente, les distances et contribuer à la stabilisation des ressources humaines en dehors des zones urbaines ; ce qui dans le cas d’un vaste pays comme le Mali apportera des solutions efficaces au manque d’infrastructures sanitaires et de personnel qualifié.
De l’expérience malienne en applications de la télésanté, on peut mentionner l’organisation en 1996 de la première téléconsultation entre la faculté de médecine de Bamako et l’institut européen de télémédecine de Toulouse, la réalisation de séries de téléconsultations en neurochirurgie pour une petite fille malienne opérée en suisse, le transfert d’images de radiologie entre les hôpitaux de Tombouctou, Mopti et le centre hospitalier universitaire du Point G et l’opérationnalisation effective de la télémédecine rurale dans le Centre de santé communautaire de DIMBAL, dogon, où le médecin chef s’est spécialisé à distance en épidémiologie avec l’Université de Bordeaux, sans quitter son poste.
Considéré comme pionnier en Afrique de l’Ouest dans le domaine de la télésanté, le Mali, sur le plan institutionnel possède depuis 2008 l’Agence Nationale de Télésanté et d’Informatique Médicale (ANTIM).Cette Agence a pour mission d’assurer la promotion et le développement de la télésanté et de l’informatique médicale.
A ce titre, elle s’attachera particulièrement à développer le réseau intranet du ministère de la santé et à renforcer les compétences des agents à travers un programme de formation continue, les capacités de diagnostic, l’accès aux soins de santé spécialisé, la qualité des services dans les établissements de santé, l’utilisation des données de recherche et la gestion des connaissances entre les différents acteurs de l’information sanitaire.
Présentement l’ANTIM déploie 2 outils phares :
OpenClinic
OpenClinic est une application pour le traitement de données hospitalières. Cette application couvre plusieurs aspects de la gestion de données, dont les plus importants sont:
• La gestion du dossier administratif du patient
• La gestion du dossier financier du patient
• La gestion du dossier médical du patient
• La gestion de l’assurance maladie
• La gestion des caisses
• La gestion de la pharmacie
• La gestion du laboratoire
• La gestion de la radiologie
• Les statistiques et épidémiologie
• OpenClinic est actuellement utilisé par plusieurs structures de santé au Mali.
SNISI
Le Système Numérique d’Information Sanitaire Intégré (SNISI) est un système électronique de remontée de l’information sanitaire par téléphonie mobile et par internet en temps réels, étendue à toutes les données du système d’information sanitaire du Mali. Le SNISI intègre plusieurs programmes à savoir:
• Paludisme
• Décès maternels et infantiles
• SMIR
• Planning familial
• Trichiasis
• Cataracte.
1. INTRODUCTION |