L’utilisation de pictogrammes en points vs. en lignes
Questions de recherches
Peut-on utiliser des pictogrammes tactiles pour illustrer des livres pour enfants ? Ces pictogrammes peuvent-ils être affichés sur des tablettes à picots rétractables ? Les objectifs de cette étude sont multiples. Tout d’abord étudier l’effet des trois facteurs identifiés précédemment sur la reconnaissance des pictogrammes en lignes et en points : l’utilisation de pictogrammes, l’espacement entre les points, et l’âge des participants (enfants vs. adultes). Nous évaluerons de nouveau l’effet du statut visuel (voyants ou non-voyants) sur la reconnaissance des pictogrammes. Cette étude nous permettra également d’étudier l’effet de nouveaux facteurs. l’utilisation de pictogrammes en points vs. en lignes 164 Peters, Hackeman et Goldreich (2009) ont observé que les participants ayant les plus gros doigts avaient tendance à avoir une acuité tactile plus faible. Les auteurs font l’hypothèse que les mécanorécepteurs sont plus éparpillés dans les plus gros doigts. Cependant, à notre connaissance, aucune étude sur les images tactiles n’a évalué cet effet. Nous proposons donc d’observer l’effet de la taille du doigt sur la reconnaissance des pictogrammes. Enfin, les pictogrammes en points sont des stimuli pouvant se rapprocher du braille (points distincts) nous proposons donc d’étudier l’effet de l’utilisation régulière du braille sur la reconnaissance.
Participants
Cette étude inclut 8 enfants non-voyants d’âge moyen 7.6 ans (90 mois, SD=9) et 20 enfants voyants travaillant sans voir d’âge moyen 8 ans (97 mois, SD = 6). Afin de vérifier l’hypothèse selon laquelle les résultats plus faibles obtenus dans l’étude 1 (en comparaison aux études sur les tablettes à picots présentées dans le Chapitre 1 Partie 7.2) sont liés à l’âge des participants étudiée (enfant vs. adultes) nous avons également inclut des adultes. Au total, 36 adultes voyants aux yeux bandés d’âge moyen 25 ans (SD = 10) et 18 adultes non-voyants dont 9 non-voyants précoces et 9 non-voyants tardifs d’âge moyen 40 ans (SD = 15) ont pris part à l’étude.
Matériel
Nous avons créé des pictogrammes en lignes en reliant tous les points des pictogrammes étudiés dans la première étude et nous avons lissé les courbes créées par les points (Figure 35) En effet, la représentation de pictogrammes sur une matrice de 5×5 ne permet pas de suggérer des courbes lisses mais plutôt des changements abrupts de direction. 165 Pictogramme en point Pictogramme en ligne Figure 35 : Exemple de pictogramme présentant un arrondi Nous avons créé des pictogrammes en petits points basés sur le format braille (même taille et espacement entre les points). Ces pictogrammes sont les mêmes que dans la première étude mais avec des points en relief de 1 mm au lieu de 4 mm et un espacement entre les points de 1 mm au lieu de 4 mm. Ce format est proche du format des tablettes utilisées dans les études de Bellik et Clavel (2017) et Leo et al. (2018) (voir Chapitre 1 Partie 7.2). Nous avons conservé les mêmes pictogrammes sur une matrice de 5×5 afin de ne pas modifier le nombre de points entre les pictogrammes des deux conditions. Cependant, le passage de pictogrammes en points de 4mm espacés de 4mm à des pictogrammes en points de 1mm espacés de 1mm a une influence sur la taille du pictogramme. La matrice de 5×5 points mesure 5x5cm dans la première étude, alors qu’elle mesure 1,5×1,5 cm pour les pictogrammes en petits points (Figure 36). 1cm Petits points Gros points Lignes Figure 36 : Exemple de pictogrammes à l’échelle 166 Cette étude comprend donc trois conditions d’illustration dont deux nouvelles : des pictogrammes en lignes et des pictogrammes en petits points (points de 1mm espacés de 1mm) et une troisième reprenant les pictogrammes de la première étude que nous appellerons pictogrammes en gros points (points de 4mm espacés de 4mm) (Figure 37).
Méthode
Nous avons repris la méthodologie (tâche et analyse de données) utilisée dans l’étude 1 (Chapitre 2 Partie 2). 167 Nous avons également demandé aux adultes voyants de dessiner ce qu’ils avaient perçu du pictogramme après la tâche d’association. Ces dessins peuvent permettre de mieux comprendre les difficultés liées à la perception des images tactiles (Kalia & Sinha, 2011). Nous n’avons pas pu proposer cette tâche au adultes non-voyants car la plupart avaient un mauvais souvenir du dessin ou ne savaient pas dessiner. Le fait de devoir dessiner entraînait donc un stress important chez ces personnes. Suite aux prétests que nous avons menés avec deux enfants voyants, nous avons fait le choix de ne proposer que deux conditions expérimentales aux enfants : les pictogrammes en lignes et les pictogrammes en petits points. En effet, l’étude durait déjà une trentaine de minutes avec deux conditions et les pictogrammes en gros points ont déjà été étudiés sur une population d’enfants voyants et non-voyants lors de l’étude 1. Pour la même raison, nous n’avons pas proposé la tâche de dessins aux enfants. Malgré le fait d’avoir réduit la durée de l’étude au maximum, certains enfants n’ont pas réussi à se concentrer jusqu’à la fin ou ont voulu arrêter l’étude avant la fin. Nous avons considéré que l’enfant n’était plus concentré lorsqu’il montrait des signes de fatigue : dire qu’il est fatigué, demander plusieurs fois de suite le nombre d’images ou le temps restant, proposer toujours le même mot pour chaque pictogramme sans les avoir touchés. Ces participants ont été retirés de l’étude (2 enfants non-voyants et 4 enfants voyants). Nous avons mesuré la largeur des index droit des participants au niveau de la pulpe du doigt (Moyenne = 1.589 cm, SD = 0.150, min = 1.33cm, max = 1.86cm). Les données et scripts des analyses statistiques peuvent être consultés sur OSF3 : 3 https://osf.io/c7n2z/?view_only=dc2094f64bee459b96f3fe3b1ae255cd 168 3.5. Hypothèses
La taille du doigt
En se reposant sur l’étude de Peters et al. (2009), nous faisons l’hypothèse 1 : La taille du doigt affecte négativement la reconnaissance . Selon cette hypothèse, les participants avec les plus gros doigts auront un taux de reconnaissance plus faible.
Le statut visuel Hypothèse 2
l’entraînement et la familiarité avec du contenu tactile permettent d’améliorer la reconnaissance des pictogrammes. Selon cette hypothèse, le taux de reconnaissance des pictogrammes pour les participants non-voyants (précoces ou tardifs) sera supérieur à celui des participants voyants. Hypothèse 3 : l’utilisation de formes figuratives basées majoritairement sur des représentations visuelles (e.g. un V pour représenter l’oiseau) est un frein à la reconnaissance pour les personnes non-voyantes précoces. Selon cette hypothèse le taux de reconnaissance des pictogrammes pour les participants non-voyants précoces sera inférieur au taux de reconnaissance des pictogrammes par les participants non-voyants tardifs et voyants. Les hypothèses 2 et 3, bien qu’ayant des effets opposés, sont complémentaires. Il est possible que l’utilisation de formes figuratives basées majoritairement sur des représentations visuelles soit un frein à la reconnaissance mais ce frein est compensé par l’entraînement et la familiarité des personnes non-voyantes avec du contenu tactile.
L’utilisation régulière du braille
Dans la condition petits points, les pictogrammes sont basés sur le format braille (même taille de point et espace entre les points). Nous faisons donc l’hypothèse 4 suivante : l’entraînement à la lecture en braille influence positivement les performances (Axelrod, 1959). Selon cette hypothèse, les participants braillistes (qui utilisent le braille) auront de meilleures 169 performances dans la condition pictogrammes en petits points que les participants nonbraillistes (qui n’utilisent pas le braille). Nous n’avons pas évalué l’utilisation du braille chez les enfants car les enfants nonvoyants ont des niveaux d’utilisation du braille très différents (certains commencent juste à l’apprendre tandis que d’autre le lisent depuis plusieurs mois ou années).