L’usage des trachytes de la Chaîne des Puys dans l’antiquité
Analyse de site du Cratère Kilian
Les travaux précédents ont permis de comprendre les grandes lignes du site et de faire des hypothèses sur des aspects non élucidés : La topographie initiale du site est celle issue de la dernière éruption qui a violemment détruit une protrusion trachytique et laissé à sa place un massif rocheux forme de dent creuse, enchâssée dans le puy des Grosmanaux. Ce massif occupe la moitié nord d’un cratère très allongé N-S, tandis que la moitié sud, ouverte dans le flanc d’un ancien cône strombolien (le puy des Grosmanaux) ne semble pas présenter de roche trachytique en place (Fig.1, 2 et 3). Les flancs supérieurs internes nord-est et nord-ouest du cratère ont été exploités à l’époque mérovingienne. Le trachyte qui en a été extrait est un trachyte de médiocres propriétés mécaniques (Cf. Auzanneau et Héritier in : Miallier et al., 2010). Le fond du cratère, dans sa moitié nord, est entièrement occupé par des terrasses formées de déblais d’exploitation sur une surface voisine d’un hectare. Celles-ci ont un volume considérable et une épaisseur qui peut avoisiner 15 mètres au maximum. Une partie des déchets de taille examinés montre un trachyte de qualité différente de celui observé sur les flancs supérieurs. Il a de meilleures propriétés mécaniques et il présente des caractéristiques minéralogiques semblables à celles observées dans la majorité des artefacts gallo-romains (Miallier et al. 2009 et 2010). Il en a été conclu que les gallo-romains ont exploité des bancs de trachyte aujourd’hui cachés profondément sous les déblais, les colluvions et le sol forestier. Figure 1. Carte géologique du Cratère Kilian (Boivin et al., 2009). Zone rouge : trachyte massif ; zone verte : fond du cratère. Etoile : cœur de la protrusion. Ce schéma doit être largement revu à la lumière des treavaux récents. Un apport des nouvelles analyses (voir § 4) est la découverte que des sarcophages datant du Haut Moyen Âge ont été taillés dans ce trachyte du fond du cratère. Cela remet en cause la première supposition – appuyée sur une idée émise par certains chercheurs – selon laquelle les fabricants de sarcophages recherchaient plutôt une roche tendre, poreuse et légère. Cela remet aussi en cause la dichotomie : exploitation mérovingienne en haut du cratère / exploitation gallo-romaine au fond du cratère. Le site n’a pas fait l’objet de sondages en 2011, mais seulement de nombreuses prospections de surface. Ces prospections ont montré que le trachyte dur est présent en éclats dans des terrasses de déblais de l’extrémité nord de la dépression, à une altitude relativement élevée par rapport au fond du cratère ; ceci indique que les affleurements de ce trachyte sont, eux aussi, atteignables à cette altitude (et pas seulement plus bas comme l’hypothèse en avait été faite). Au cours de ces prospections, un tesson de céramique peu caractéristique, mais pouvant être gallo-romain, a été recueilli parmi des déchets de trachyte dur, en éclats (avec plan de frappe et bulbe ; Cf. rapport Miallier et al., 2010). Au mois de mars 2011, a été réalisé un relevé aéroporté LIDAR du centre de la Chaîne des Puys par la société Géophénix (devenue depuis Fit-Conseil). Cette opération a été organisée par le Centre Régional Auvergnat d’Information Géographique (CRAIG) dans le cadre d’une collaboration de plusieurs équipes de recherche clermontoises et avec un cofinancement Université Blaise Pascal-Conseil Général du Puy-de-Dôme-FEDER-Drac Auvergne. Le CG 63 a été le plus important contributeur. Dans le cahier des charges, il était spécifié que certains secteurs devaient comporter une plus haute densité de points, c’était le cas du Cratère Kilian, pour les besoins de l’analyse géoarchéologique de ce volcan.
Echantillonnages et analyses de trachytes
La majorité des échantillonnages a été effectuée avec un carottier diamanté acquis dans le cadre de ce programme. Les carottages se font sous flux d’eau courante (Fig. 4 et 5). Pour les plus grosses pièces et les moins fragiles, un diamètre de 2 cm a été adopté. Pour quelques pièces, un trépan de 1 cm seulement a été préféré pour limiter l’impact de l’opération. Dans quelques rares cas, un fragment déjà détaché de l’objet a été utilisé. Figure 4. Carottage dans un couvercle de coffre cinéraire au Musée Bargoin Figure 5. Extraction de la carotte Le tableau 1 (ci-dessous) récapitule l’ensemble des 54 échantillonnages déjà effectués, ycompris ceux des campagnes précédentes. Les résultats confirment la première tendance observée : le trachyte du Kilian est très largement majoritaire (87% des 63 échantillons trachytiques analysés). Des nouveautés apparaissent : La première est le fait que le trachyte du puy de Dôme est présent dans la cuvette clermontoise (Trémonteix) et qu’il n’est donc pas utilisé seulement, de façon opportuniste, au pied du puy de Dôme (chaperon de mur au col de Ceyssat). La seconde nouveauté est l’utilisation du trachyte du fond du Cratère Kilian pour la confection de sarcophages durant le Haut Moyen Âge (site de Sainte Marie à Clermont et nécropole d’Olby, Arbaret comm. pers.). Ceci invalide notre première hypothèse suivant laquelle les fabricants de sarcophages avaient toujours préféré un trachyte plus tendre, tel que celui disponible dans la partie externe des dômes trachytiques. L’utilisation, à l’époque gallo-romaine, du trachyte de l’Aumône ou du Cliersou, depuis longtemps affirmée par certains auteurs est confirmée pour un seul échantillon (site de Trémonteix)