L’upwelling du Pérou Chili et le Pacifique Sud Est
(Les upwellings de Bord Est)
Le vent qui souffle vers l’équateur le long des bords Est des bassins océaniques pousse les eaux côtières de surface vers le large permettant ainsi aux eaux situées en profondeur de remonter [Ekman 1905]. Ce processus, appelé upwelling côtier, est à l’origine d’une partie de la production primaire océanique car les nutriments qui accompagnent les remontées d’eaux froides permettent le développement des écosystèmes océaniques. Les zones de pêches de la planète sont largement déterminées par ce phénomène. Les Courants de Bord Est associés aux zones d’upwelling sont extrêmement productifs : bien que leur surface ne représente qu’à peine 0.1% de la surface globale océanique, 30% des prises de pêche proviennent de ces régions [Durand et al, 1998]. Les concentrations en chlorophylle, bon indicateur de la production primaire, sont mesurées par satellite et permettent d’illustrer (Figure 1) le caractère hautement productif des courants de Bord Est. En effet, les concentrations de chlorophylles sont élevées dans ces zones.
Les upwellings équatoriaux ainsi que les gyres sub-polaires constituent également des zones de forte production primaire. Les gyres sub-tropicaux qui couvrent une grande partie de la surface océanique ont une très faible concentration en chlorophylle : ce sont des « déserts » océaniques. La côte sud-américaine est une des principales régions d’upwellings de la planète et le courant du Pérou Chili est le plus productif des courants de bords Est en terme de pêche. L’upwelling du Pérou Chili et le Pacifique Sud Est
C’est, pour les pays riverains, une des principales ressources économiques. Il est donc important de mieux comprendre comment fonctionne ce système d’autant plus que la grande variabilité des conditions climatiques dans la région affecte ces ressources. En effet les conditions océaniques et atmosphériques dans ce système d’upwelling fluctuent de façon irrégulière entre phases El Niño et La Niña (cycle ENSO : El Niño Southern Oscillation, voir par ex. Philander [1985]). Un El Niño se produit tous les 2 à 7 ans et dure en moyenne un an. Le phénomène se traduit, dans l’Est du Pacifique, par une augmentation forte et rapide des températures de surface de la mer et par une augmentation importante des précipitations sur les continents. On observe une forte baisse de l’activité biologique. Les conséquences sont souvent dramatiques pour les pays côtiers, qui non seulement subissent des pluies diluviennes mais en plus sont privés d’une partie de leurs ressources halieutiques.
Processus dynamiques de l’upwelling et des courants associés
Les mécanismes physiques qui permettent d’expliquer la présence d’upwelling côtier dans les régions de Bord Est sont connus depuis longtemps.
Transport
En 1905, Ekman propose une théorie relativement simple qui permet de comprendre l’influence du vent sur les couches superficielles de l’océan [Ekman 1905]. Elle a été élaborée à partir d’observations effectuées par le physicien norvégien Nansen. L’océanographe, lors d’une campagne en Arctique, remarque que les icebergs dérivent avec un angle variant de 20 Chapitre 1 : L’upwelling du Pérou Chili et le Pacifique Sud Est 14 où f est le paramètre de Coriolis, u et v sont les vitesses zonale et méridienne, Az le cœfficient de viscosité turbulente verticale à 40 degrés par rapport à la direction du vent. Son étudiant, Ekman, propose alors en 1905 une explication à ces observations reposant sur l’équilibre entre tension turbulente et force de Coriolis. Ekman suppose que la tension verticale est due à l’influence du vent. Celui-ci étant stationnaire, la surface de l’océan lisse et la densité de l’eau ρ constante ( z u x Az ∂ ∂ τ = ρ et z v y Az ∂ ∂ τ = ρ ), l’équilibre entre force de Coriolis et tension du vent se traduit par les équations suivantes : Ekman intègre ensuite ces équations de la surface (où la tension turbulente est connue et est égale à la tension de vent) jusqu’à la profondeur –H où la tension turbulente est nulle.
Il obtient ainsi les transports zonaux Tx et méridionaux Ty par unité de temps et de distance (en m 2 /s): = ∂ ∂ − + = ∂ ∂ + 0 0 z f u z f v y x τ ρ τ ρ où f est le paramètre de Coriolis, u et v sont les vitesses zonale et méridienne, τx et τy sont les tensions de vent zonal et méridien = − = f T f T x y y x ρ τ ρ τ 0 0 où τx et τy sont les tensions de vent zonal et méridien en surface = ∂ ∂ − + = ∂ ∂ + 0 0 2 2 2 2 z v fu A z u fv A z z Chapitre 1 : L’upwelling du Pérou Chili et le Pacifique Sud Est 15 Le transport net est donc dirigé à ± 90 degrés de la direction du vent suivant l’hémisphère. Si on se place à une latitude moyenne (f = 10-4 s -1), pour une valeur typique de la tension de 0.1 N/m2 , le transport d’Ekman est alors de l’ordre de 1 m2 /s, soit 0.1 Sv/degré de latitude (pour un vent méridien). 1.2. Pompage Les variations spatiales du vent et du transport d’Ekman induisent des zones de convergence et de divergence des eaux de surface.
La vitesse verticale à la base de la couche d’Ekman de profondeur -H (WEK , appelée pompage d’Ekman) résultant de ces convergences et divergences est obtenue à partir de l’équation de continuité appliquée au transport d’Ekman en supposant le paramètre de Coriolis constant : Si la vitesse est positive (resp. négative), on a un upwelling (resp. un downwelling). Cette expression peut être améliorée en tenant compte de la variation latitudinale du paramètre de Coriolis. Proche de l’équateur, on peut alors écrire : f = βy où y est la distance à l’équateur. Le pompage a alors pour expression [Halpern 2002] :
Application aux bords Est des bassins océaniques
La théorie d’Ekman appliquée au bord Est des bassins océaniques donne une relation entre la tension de vent parallèle à la côte et un transport d’eau vers le large. En effet, la ∂ ∂ − ∂ ∂ = ∂ ∂ ∂ ∂ − ∂ ∂ ∂ ∂ = ∂ ∂ + ∂ ∂ = ∫ ∫ ∫ − − − f x y dz y z dz f x z dz y v x u W y x H x H y H EK 0 0 0 0 0 1 ( ) ( ) 1 τ τ ρ τ τ ρ 2 0 ( ) f f curl W x EK ρ βτ ρ τ = + Curl(τ0) est le rotationnel de la tension de vent de surface Chapitre 1 : L’upwelling du Pérou Chili et le Pacifique Sud Est 16 composante parallèle à la côte et dirigée vers l’équateur de la tension de vent produit un transport vers l’Ouest perpendiculaire à la côte et donc un transport vers le large: Par ailleurs, le long des bords Est des bassins océaniques, l’intensité du vent diminue quand on s’approche de la côte, définissant ainsi une région où le rotationnel de la tension du vent est cyclonique [Bakun et Nelson 1991]. Ce rotationnel de vent est à l’origine d’un pompage positif (cf. schéma ci-contre). La zone côtière est alors une zone de divergence des eaux de surface.
L’eau en profondeur, plus froide, remonte en surface afin de remplacer les eaux de surface divergentes: c’est l’upwelling côtier. Cette remontée d’eau s’accompagne d’une remontée des isothermes côtières et de la thermocline. En réalité, le vent ne souffle pas de manière continue mais se manifeste par des épisodes de forts vents (coups de vent) suivis par des épisodes de relaxation. On sait maintenant que ce régime de vent à une influence directe sur les upwellings côtiers. Eux aussi se caractérisent par des périodes d’intenses résurgences suivies de périodes de relaxation formant ainsi des cycles d’upwelling. Durant un cycle (durée de 3 à 7 jours), les vents parallèles à la côte s’intensifient et emportent les eaux froides vers le large sous forme de « plumes » ou filaments (Figure 1.1) puis ces eaux reviennent à la côte durant les périodes de relaxation. Pendant les périodes de fort vent, le front d’upwelling semble se f T alongshore EK ρ τ = τalongshore est la composante parallèle a la côte de la tension de vent.