L’UBERISATION DU SECTEUR DE LA COURSE A VELO
APPREHENSION DU PHENOMENE ET DE SES CONSEQUENCES JURIDIQUES
L’ubérisation est difficile à appréhender. Pour autant son succès est indéniable. Les particuliers ont régulièrement recours à ces plateformes de mise en relation pour obtenir la livraison d’un colis ou pour se déplacer d’un point A à un point B. Afin de pouvoir saisir l’importance du phénomène et de comprendre les tensions qu’il engendre, il faut dans un premier temps tenter de le définir (chapitre 1). Mais l’apparition de ces plateformes n’est pas sans conséquence, et ces dernières sont notamment juridiques. C’est pourquoi le second chapitre tentera de définir juridiquement les différents acteurs nés de l’ubérisation, à savoir les coursiers indépendants et les plateformes (Chapitre 2).
Le succès d’un modèle complexe à appréhender
La phénomène d’ubérisation est difficile à appréhender en raison de l’absence de consensus quant à sa définition (Section 1), pour autant les plateformes rencontrent un succès sans précédent. Il conviendra donc d’étudier les raisons d’être de ces services (Section 2). Section 1. Tentative de définition 125. Le terme « ubérisation » est un néologisme, directement inspiré de la société Uber – qui a profondément bouleversé le secteur du transport de personne – et est aujourd’hui ancré dans le langage courant, sans qu’aucune définition universelle ne lui soit pour autant accordée. Il conviendra donc de faire un point sur les différentes définitions existantes (1) et de terminer les différents leviers de l’ubérisation (2).
Existence de différentes définitions
Utilisé pour la première fois par Maurice Levy, Président Directeur Général de Publicis Groupe lors d’une interview accordée au Financial Times en 2014, le mot « ubérisation » a aujourd’hui submergé le monde des médias. Aucun consensus quant à la définition de ce terme existe. Il est à noter qu’il existe cependant des tentatives de définition. En voici quelques exemples : 127. Le verbe « Ubériser » est entré en 2017 dans le dictionnaire « Le Petit Robert » qui le définit ainsi « Déstabiliser ou transformer avec un modèle économique innovant tirant parti des nouvelles technologies » 63 . Cette définition, peu détaillée, permet de mesurer l’impact de l’ubérisation mais ne définit pas le terme. 128. Le site Wikipédia a très rapidement tenté de définir ce phénomène qui serait alors « Un phénomène récent dans le domaine de l’économie constituant à l’utilisation de services permettant aux professionnels et aux clients de se mettre en contact direct, de manière quasi instantanée, grâce à l’utilisation des 63 Petit Robert 2017 41 nouvelles technologies. La mutualisation de la gestion administrative et des infrastructures lourdes permet notamment de réduire le coût de revient de ce type de service ainsi que les poids des formalités pour les usagers. Les moyens technologiques permettant l’ubérisation sont la généralisation du haut débit, de l’internet mobile, des smartphones et de la géolocalisation. Elle s’inscrit de manière plus large dans le cadre de l’économie collaborative. Ce concept s’oppose en fait à celui connu depuis des générations et particulièrement depuis les trente glorieuses, c’est-à-dire le monde fixe et réglementé du salariat » . A l’inverse de la critique formulée à l’égard du Petit Robert, cette définition est trop large et ne permet pas de comprendre les causes de l’ubérisation. 129. Jean-Marc Liduena, Partner Senior chez Monitor Deloitte relève que même s’il n’existe pas de définition universelle, 7 aspects essentiels permettent de caractériser l’ubérisation65. Il s’agirait de : ➢ La disruption ; ➢ L’usage ; ➢ L’innovation ; ➢ L’échange ; ➢ Le digital ; ➢ L’interdépendance ; ➢ La dynamique. 130. Le terme ubérisation est donc devenu aujourd’hui un mot « fourre-tout », souvent défini par ses effets plutôt que par ses causes et où se s’entremêle plusieurs concepts telles que l’économie collaborative, la disruption, la plateformisation. 131. A ce propos, les fondateurs de l’Observatoire de l’Ubérisation précise qu’ « Il est même urgent de faire la différence entre économie collaborative, économie de partage, gig economy, disruption, ubérisation et plateformisation » 66. Pour ce faire, ils relèvent trois leviers sur lesquels repose l’ubérisation. Il conviendra donc de les étudier plus en détail.
Les leviers de l’ubérisation
Pour Denis Jacquet et Gregoire Leclercq, la naissance de l’ubérisation n’est rendue possible que par la conjonction de trois leviers qu’ils qualifient de révolutions. 133. Il s’agirait de : ➢ La révolution numérique. En effet, au cœur de l’ubérisation se trouve l’utilisation des nouvelles technologies tels que Internet, les smartphones et objets connectés, le big data etc. Cependant l’évolution du numérique ne suffit pas à créer une disruption. La disruption peut se définir comme « l’introduction de ruptures dans les manières de penser, de construire, de présenter, de distribuer un produit ou un service (…). Le produit ou service devient beaucoup plus accessible et moins coûteux et bouleverse le marché jusqu’alors stabilisé » 67 . L’innovation numérique n’est pas à elle seule disruptive parce les sociétés traditionnelles ont conscience de l’évolution digitale et l’intègre dans leurs stratégies. Elle crée la rupture quand elle s’accompagne de nouveaux modèles d’organisation et de partenariat et qu’elle affaiblit les « géants » présents sur le marché. Pour prendre l’exemple d’Uber, l’innovation technologique a été disruptive parce que les taxis, alors en situation de monopole dans le transport de personnes n’ont pas intégré l’utilisation de ces nouvelles technologies (système de paiement en ligne, de plateforme via internet pour commander sa course etc). ➢ La révolution de la consommation. L’économie collaborative se construit autour des notions de partage et d’échange qui nécessitent la confiance des participants. Sur le même principe que les réseaux sociaux, les plateformes collaboratives créent ce sentiment de confiance en faisant adhérer le consommateur à une communauté. Le système de notation et d’évaluation sur les plateformes est devenu un enjeu central. Aujourd’hui le consommateur fait confiance aux notes et avis laissés à propos d’un produit ou d’un service.