L’ouvrage, la maîtrise d’œuvre et l’architecte
L’ouvrage d’architecture : cycle de vie, acteurs et modèles de gestion de projet Si l’architecte est un acteur important lors des phases de conception et de construction d’un ouvrage, il n’est pas présent sur toutes les phases de son cycle de vie, et est entouré de nombreux autres acteurs. Dans cette partie, nous décrivons les acteurs qui interviennent au cours de la vie d’un ouvrage, les relations qu’ils entretiennent ainsi que leurs modèles d’organisation.
Le cycle de vie de l’ouvrage
Le nombre et le rôle des acteurs d’un ouvrage évoluent au cours de son cycle de vie. Nous présentons ici le cycle de vie d’un ouvrage, et ses principaux acteurs.
Le cycle de vie
Lors de la première phase du cycle, le montage de l’opération, le maître d’oeuvre 1 (abrégé « MOA » par la suite) définit un budget et vérifie la faisabilité de son projet (Debizet, Henry 2009). Il formalise ensuite ses exigences, parfois avec l’aide d’un assistant à la maîtrise d’ouvrage (AMO). Cette étape correspond à la programmation et permet de décrire le projet d’un point de vue urbain, architectural, fonctionnel, tout en exprimant l’intention et les exigences du maître d’ouvrage (Crosnier 2007). Sur la base du programme, une équipe de maîtrise d’œuvre (abrégée « MOE » par la suite), qui conçoit le bâtiment et prépare sa construction, est constituée pour l’étape de conception et études. La maîtrise d’œuvre inclut l’architecte et généralement des bureaux d’études. Au cours de la phase de construction, les entreprises de construction réalisent les travaux. Le bâtiment est ensuite mis en service, exploité et entretenu par un gestionnaire de patrimoine qui peut être le maître d’ouvrage lui-même : il s’agit de la gestion exploitation et maintenance (GEM) de l’ouvrage. Le bâtiment peut ensuite être rénové, réhabilité ou déconstruit lorsqu’il arrive au terme d’un cycle.
Les acteurs de l’ouvrage
Le nombre et la diversité des acteurs du projet dépendent de la taille de l’ouvrage, du type de montage d’opération et du cadre contractuel de celle-ci (Tepeli 2014)2. Chaque phase du cycle de vie implique différents spécialistes de professions différentes, qui ont des méthodes et objectifs de travail différents (Bignon, Kubicki, Halin 2009; Terrin 2005) (voir Figure 2). Figure 2. Cycle de vie de l’ouvrage et positionnement des rôles des acteurs (modèle général actuellement répandu) Même si chaque passage de phase fait l’objet d’un interfaçage entre acteurs, les porosités entre phases restent limitées. Chaque acteur peut endosser plusieurs rôles. Dans les petits projets par exemple et en particulier en marché privé, le maître d’ouvrage devient propriétaire à l’a fin de la construction. C’est également lui qui endosse le rôle de gestionnaire. Mais dans de nombreux projets, notamment les projets publics de taille importante, il y a une discontinuité des rôles au cours du cycle de vie de l’ouvrage : le gestionnaire et ses problématiques liées à la maintenance ne sont alors pas intégrés lors des phases de conception. On distingue généralement trois types d’acteurs qui interviennent au cours de la conception et réalisation de l’ouvrage : la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre et les entreprises de construction (Champy 2001). On peut également ajouter les contrôleurs dans le panorama des acteurs de la conception et réalisation (Malcurat 2001): depuis la complexification du cadre 2 La diffusion de structures contractuelles complexes comme la conception-réalisation et les partenariats public-privé rendent par ailleurs les rôles et relations entre les acteurs de plus en plus variables d’un projet à l’autre (Baillet 2018). 24 règlementaire du projet, ils accompagnent le maître d’ouvrage pour assurer le respect des dispositions techniques ainsi que la sécurité du bâtiment et du chantier (Possompès 2018). Ce n’est en fait qu’assez récemment que les architectes ont commencé (et sur certains projets seulement) à dialoguer avec des gestionnaires de patrimoine et des mainteneurs 3 (Hovorka, Bresson, Sevanche 2014) dans le cadre de projets d’envergure.
Modèles de gestion de projet et structures contractuelles associées
La grande diversité des acteurs du bâtiment, issus de disciplines différentes avec chacune leur vocabulaire et méthodes de travail, rend difficiles la coordination du projet et les échanges entre acteurs. La gestion de ces coordinations et collaborations est un enjeu important pour limiter les confusions dans le projet. Les différentes interventions des acteurs s’organisent aujourd’hui de manière essentiellement séquentielle (Côté, Doré, Forgues 2019) pour la conception et réalisation d’un ouvrage, c’est-à-dire par séquences successives, avec des responsabilités et compétences clairement identifiées au moins du point de vue de l’organisation formelle (Tapie 2000). Les modèles d’organisation des acteurs ont évolué de manière similaire dans de nombreux domaines liés à l’innovation et la conception (Midler 1998), il n’est pas limité à la conception architecturale et au secteur de la construction. La plupart des industries sont passées d’un modèle d’entrepreneur à un modèle d’ingénierie qui est aujourd’hui délaissé par de nombreux domaines qui lui préfèrent le modèle concourant, voire intégré. Dans le secteur de la construction, les méthodes de mise en œuvre des projets (« project delivery methods » ou « PDM ») se sont également diversifiées. Elles sont très liées aux structures contractuelles que l’on retrouve au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre que nous présenterons ici en guise d’exemples. Le modèle entrepreneurial Le modèle d’entrepreneur (Midler, 1998) consiste pour une seule et même personne (ou entreprise) à être à la fois à l’origine du projet et en charge de sa réalisation. C’était le principal modèle du développement industriel du XIXe et XXe siècle. La personne ou entreprise qui adopte ce modèle assume à la fois le risque économique de l’opération, et les risques de sa réalisation. Dans le secteur de la construction, ce modèle correspond à celui du promoteur immobilier. Le promoteur prend l’initiative du projet, a parfois la compétence interne de le concevoir (maîtrise d’œuvre) et même de le construire4. Il peut également réaliser un contrat avec un architecte (contrat d’architecte) et des entreprises de construction. Depuis le XXe siècle, le code de déontologie des architectes a rendu incompatible le rôle d’architecte avec celui d’entrepreneur.