Ouverture international et technologie
L’ouverture aux échanges renforcent-t-elle l’innovation ?
Schumpeter (1934) a été parmi les premiers auteurs à avoir défini l’innovation. Il la considère comme » simply the doing of new things or the doing of things that are already being done in a new way » (Schumpeter, 1934). En d’autres termes, l’innovation représente la valorisation économique (marchande ou non) des nouvelles idées. Les avancées technologiques qui en découlent consistent en l’invention de nouveaux produits, l’amélioration de la qualité ou la réduction du coût de production de biens et services existants.
Schumpeter (1934) a identifié cinq types d’innovation : l’introduction d’un nouveau produit ou le changement des qualités d’un produit déjà existant, l’introduction d’une nouvelle méthode de production ou de transport, l’ouverture d’un nouveau marché, le développement de nouvelles sources de matières premières et de facteurs de production et enfin l’évolution dans l’organisation industrielle. Les deux premiers types d’innovation sont les plus étudiés dans la littérature et sont connus respectivement sous les expressions d’innovation de produit et d’innovation de procédé. La direction générale des entreprises (2006) a défini ces deux concepts comme suit :
« L’innovation de produit se caractérise par l’introduction sur le marché d’un produit (bien ou service) nouveau ou nettement modifié au regard de ses caractéristiques fondamentales, ses spécifications techniques, des logiciels incorporés ou de tout autre composant matériel ou immatériel incorporé, ainsi que de l’utilisation prévue ou de la facilité d’usage. L’innovation de procédé se définit par l’introduction dans l’entreprise d’un procédé de production, d’une méthode de fourniture de services ou de livraison de produits, nouveaux ou nettement modifiés. Le résultat doit être significatif en ce qui concerne le niveau de production, la qualité des produits ou les coûts de production et de distribution. L’innovation peut résulter d’un produit ou procédé nouveau pour l’entreprise mais pas pour le marché.
C’est le cas lorsqu’une entreprise adopte une technologie déjà mise en œuvre par un concurrent ». Par ailleurs, l’innovation peut aussi être analytiquement décomposée en innovation technologique et innovation non technologique. L’innovation technologique englobe l’innovation de procédé et de produit et l’innovation non technologique comprend, quant à elle, l’innovation organisationnelle et de marketing. Nous parlons aussi d’innovation radicale ou de grande ampleur comme par exemple le micro-ordinateur et d’innovation incrémentale ou de petite taille comme la dernière adaptation d’un logiciel préexistant
Mécanisme de diffusion et d’imitation dans un cadre de croissance endogène
Il existe plusieurs genres de transfert technologique dans le contexte de la mondialisation. Parmi ces diffusions, on distingue principalement celle qui se déroule entre les pays, à savoir la mutation technologique. Dans le cadre de la théorie de croissance endogène, les interrelations entre le progrès technique, la croissance et la libéralisation commerciale furent l’objet des travaux pionniers de Grossman et Helpman (1991)(3) qui adoptent dans leur modèle le progrès technique (endogène) de type : = ai (Q; + Qi*) = Ai* Où : l’indice i et l’astérisque * font références, respectivement, au secteur et au pays étranger, A est le niveau de l’innovation ou le progrès technique, a est un coefficient supérieur à zéro et Q’ est la production cumulée (avec Q’ (t) = f (s) ds, et d’une façon homologue pour l’économie étrangère, Qi* (t) = f Zi* (s) ds)
Ce modèle montre que dans le cas des deux pays qui font le commerce entre eux, les entreprises bénéficient des nouvelles technologies, incorporées dans la production des biens et/ou représentées dans les méthodes d’organisation et de gestion internes, subvenues par les firmes étrangères concurrentes. Egalement, ces mêmes auteurs confirment qu’en présence des intensités des facteurs identiques, le niveau d’innovation s’améliore dans ces deux pays. Ce résultat n’est pas tout à fait clair dans un contexte d’échange Nord-Sud. En effet, un seul canal apparaît est celui du phénomène d’imitation des produits du Nord par les firmes du Sud.
Cette situation renvoie au cycle de vie de produit de Vernon (1966). Concernant les pays du Nord l’effet net demeure ambigu. D’un coté, ce type de commerce accélère la baisse du pouvoir de monopole d’un produit innovant, ce qui rend celui-ci moins profitable et, par conséquent, l’effort consacré à la R&D dans ce secteur devient sous optimal et donc son activité se dégénère ;
on parle dans ce cas d’un transfert d’une partie ou de la totalité de cette activité vers d’autres secteurs plus rentables. De l’autre coté, il permet aux firmes appartenant à cet hémisphère de bénéficier davantage des économies d’échelle ; c’est-à-dire les coûts unitaires de production baissent, ce qui incite ces firmes d’augmenter la production dans l’activité innovante.
Taille des marchés et rentabilité de l’innovation : l’optique schumpétérienne
La taille de la firme et le niveau de la concentration de son marché sont à la base de cette vision. En ce sens, l’expansion de l’activité de R&D est une fonction croissante de la grandeur de la taille de l’entreprise, critère sensé reflété l’importance de la position de la firme sur le marché. Symeonidis (1996) détermine cette relation, basé sur la concurrence et l’innovation, en se reposant sur les caractéristiques d’une grande entreprise, représentée comme un réceptacle de la R&D et, donc, une source importante de progrès technique.
En effet, les spécificités de telle firme sont innumérées comme suit : « i) l’importance du volume des ventes permet d’amortir les coûts fixes conséquents liés aux projets de R&D, ii) la production d’innovation s’accompagne des économies d’échelle et de gamme, iii) la structure diversifiée des grandes entreprises leur permet de mieux exploiter les innovations inattendues, iv) les grandes entreprises peuvent entreprendre plusieurs projets de R&D à la fois et donc répartir leurs risques, y) les grandes entreprises ont un accès facilité du financement extérieur, vi) les entreprises dominant leur marché dégagent des profits leur permettant de financer leurs projets et vii) les entreprises dominant leur marché peuvent plus facilement s’approprier les rendements de l’innovation, ce qui incite à innover » (Cardebat J-M) (1) .
La relation causale et univoque selon laquelle une concurrence renforcée (qui améliore la productivité) débouche vraisemblablement sur la notion de l’innovation défensive est remontée en fait aux analyses « anciennes » de K. Marx. Des études de nombre, toutefois, limité ont été appliquées dans ce cadre, confirmant cette conclusion. Ainsi, dans le contexte d’ouverture, une pression exercée par les produits importés sur les biens locaux constitue alors un élément important pour l’émergence de l’innovation défensive dans les pays développés. Renforcement concurrentiel et innovation défensive.
Dans ce contexte, une étude au niveau sectoriel a été appliquée en 1997 par Cortèss, couvrant la période 1975-93 et faisant référence aux économies des Etats-Unis, de l’Allemagne et de la France, montre que la concurrence des biens importés issus des pays du Sud augmente significativement la productivité dans les pays composant l’échantillon. En effet, lorsque le taux de pénétration de ces biens est de 1%, la productivité dans ces pays augmente d’une manière plus proportionnelle, soit d’environ 1,32%. En revanche, si les biens importés sont en provenance des pays du Nord le pourcentage de la hausse de la productivité est seulement de l’ordre de 0,72%. Ces résultats sont en concordance avec d’autres travaux.