L’organisation politico-administrative de la Bolivie

L’organisation politico-administrative de la Bolivie

Les États andins ont connu une évolution similaire entre les années 50 et la fin des années 90. La plupart ont connu une période de planification étatique, plus ou moins autoritaire, et de tentative d’industrialisation, puis d’abandon de ce paradigme pour celui de décentralisation. Mais le débat et la mise en place de la décentralisation diffèrent grandement selon les pays. Pour les uns, la décentralisation s’accompagne d’une réflexion sur l’aménagement du territoire. Pour les autres, la décentralisation est déconnectée de toute réflexion sur l’aménagement du territoire et se résume à un simple transfert de ressources, moins souvent de compétences. Dans le cas de la Bolivie, la situation est paradoxale entre un régime politique plutôt centralisateur mais un pouvoir central faible et souvent absent, et des régions livrées à elles-m mes et disposant par la force des choses d’une assez large autonomie de fait, à défaut de disposer des outils légaux pour l’organiser.

De la planification à la décentralisation

L’État andin possède une longue tradition interventionniste en matière économique et sociale. Dès les années 40, sous l’impulsion des théoriciens de la Comisión Económica para América Latina (CEPAL), il opte pour un modèle volontariste fondé sur la planification étatique et l’industrialisation (Ortiz, 2008), et donc la concentration des activités et l’abandon de grands espaces nationaux livrés à eux-mêmes. Parallèlement, les politiques d’importation de produits alimentaires produisent les mêmes effets de marginalisation des espaces voués à l’agriculture locale. Les années 50 et 60 ont vu se développer des réformes parfois drastiques comme les réformes agraires ainsi que la nationalisation des entreprises exploitant les ressources naturelles (mines et hydrocarbures essentiellement). À partir des années 80, avec le retour en force du paradigme néolibéral, et poussés en cela par les grands bailleurs de fonds internationaux, les États andins se sont dotés de politiques économiques fondées sur la privatisation des entreprises publiques et le désengagement de l’État de la sphère productive. L’accroissement du secteur privé par capitalisation des entreprises publiques s’est traduit par deux tendances opposées : un début de stabilisation des grands équilibres macro-économiques et une précarisation de la population active qui se rabat massivement sur le secteur informel. Ce mouvement général de capitalisation s’est souvent accompagné d’un ensemble de réformes institutionnelles en vue de renforcer la décentralisation. Ainsi, de la logique de planification, inspirée par la CEPAL, o l’espace était quasi absent, on est passé à la logique de décentralisation o l’espace se retrouve au centre des préoccupations.

Comment la décentralisation ou l’aménagement du territoire en sont-ils arrivés à occuper une place centrale dans la réflexion sur le développement dans des États andins à tradition centralisatrice ? Les limites en ressources obligent à la recherche de leur optimisation : l’idéal serait de libérer les énergies locales et les accompagner par des réformes institutionnelles ajustées à la gouvernance locale. Il s’agit d’aider à mettre en place des externalités pour susciter et/ou attirer des entreprises, à structurer un territoire afin d’y créer les conditions de son développement, et plus précisément susciter et accompagner l’émergence d’un projet territorial. En effet, les économistes hétérodoxes soutiennent que les éléments qui constituent les avantages absolus ou relatifs d’un espace se trouvent dans le milieu et non dans les entreprises localisées dans son espace géographique (Camagni R., 2002). Les ressources naturelles, le travail et même le capital deviennent des facteurs secondaires face aux capacités organisationnelles et synergiques des populations locales couplées aux externalités offertes par tous les échelons gouvernementaux, du pouvoir local au pouvoir national.  Ce sont là des considérations théoriques, mais qui aident à dépasser le paradigme néolibéral, facteur d’aléas économiques et amplificateur d’inégalités pour la région andine, et redonne au territoire toute la place qui lui revient dans la recherche de solutions pour le développement. Dans la réalité, les réformes politiques entreprises jusqu’à présent, en particulier les réformes agraires, suivies des « ajustements économiques structurels » des années 80 visant à juguler l’hyperinflation, ont généré plusieurs types de dynamiques spatiales : Les projets politiques autour de la décentralisation et m me de l’aménagement du territoire ne manquent pas d’ambiguïté. Cela peut s’avérer une méthode commode pour désengager l’État de ses responsabilités. Puisqu’il s’avère incapable de réunir les fonds pour financer ses prérogatives, autant les décentraliser. Mais ce peut être une opportunité pour doter les territoires d’un cadre institutionnel ad hoc et d’instances de gouvernance locale capables de mettre en œuvre les synergies nécessaires à l’amorce du développement local. Se pose le problème de la solidarité nationale car tous les territoires ne sont pas également dotés, en ressources naturelles et humaines et en capacités organisationnelles face au défi du développement. Les territoires et les sociétés locales, participent au débat et même Dans les faits, les collectivités territoriales régionales, en l’occurrence les 9 départements, jouissent depuis toujours d’une grande autonomie en raison, non pas d’une organisation favorable de l’État, mais du fait de son absence. Cette autonomie par défaut s’est traduite par des destins économiques régionaux divergents, au gré des cycles de l’économie extractive qui caractérise la Bolivie.

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