L’opposition parlementaire, acteur politico-juridique incontournable pour l’équilibre des pouvoirs

L’essence de l’opposition dans un régime démocratique

Etymologiquement, «s’opposer», c’est marquer son désaccord, «placer en obstacle». Juridiquement, elle désigne « toute manifestation de volonté par laquelle une personne entend arrêter l’exécution d’un processus juridique ou judiciaire ».L’opposition politique aussi bien que parlementaire serait ainsi « le ou les partis qui s’opposent au pouvoir en place en exerçant une fonction de surveillance et de critique, en informant l’opinion… »; Ce sont ceux qui se dressent contre le pouvoir. Selon l’expression de Carlos Miguel Pimentel «l’opposition, c’est la minorité qui, ne participant pas au pouvoir, entend en contester l’exercice». Elle est appelée à critiquer et à contrôler les politiques menés par les gouvernants, elle a vocation à devenir la majorité de demain. On s’intéresse particulièrement à l’opposition parlementaire parce que le parlement est le lieu par excellence du débat démocratique qui apparaît dès lors comme la meilleure enceinte protectrice de l’opposition. «Le parlement est l’arène primordiale, le «mainstay» de l’opposition et que «le développement d’une opposition extra-parlementaire, s’il s’étend sur une longue période, est un signe de dysfonctionnement qui peut mettre en danger le système» Nathalie Brack. Il est à noter que l’opposition est inexistante dans les régimes autoritaires dans lesquels la compétition publique officielle n’est pas acceptée, un seul parti contrôle toute la vie politique et les opposants sont bâillonnés.

Les dangers d’un parti unique dans la représentation parlementaire

L’unité des partis s’oppose au multipartisme, elle consiste en ce qu’un seul parti dispose le monopole de la vie politique et l’exclusivité de toutes les initiatives. Elle se traduit par la concentration du pouvoir entre les mains des seuls membres du parti à l’exclusion de l’opposition. Elle est notamment tangible dans les régimes autoritaires, dans les régimes dictatoriales et présidentialistes. Dans ce système, le chef de l’exécutif est à la fois président du parti, il exerce, beaucoup plus de prérogatives que n’en possède un dirigeant dans les systèmes multipartistes, il impose ses idées et ses programmes sans une possibilité de contestation et d’entrave de la part de toute opinion opposée. Mais, il est considérablement plus frappant au niveau du législatif. Le parlement dans ce système n’est composé que d’un seul chambre pour échapper à la divergence du parti, il est devenu une institution sans pouvoirs réels, il siège à juste titre sans la capacité de contredire les actions de l’exécutif, les décisions les plus importantes sont prises en dehors de l’assemblée qui n’est même pas consultée ou contraint à mettre en œuvre la politique du parti. C’est le corollaire logique du fait que le peuple n’a pas délégué sa souveraineté au parlement, mais au parti. Le dialogue au sein de l’hémicycle s’avère être ainsi inopportun. «L’assemblée ne peut incarner la volonté populaire que de manière indirecte, à travers ce que le parti unique a jugé le plus conforme aux désirs du peuple… Aucune institution politique ou administrative ne peut subsister si elle ne se trouve pas en harmonie avec le parti unique. La souveraineté du parti lui permet de dicter sa loi aux autres institutions…La confusion est de même fréquente sur le plan administratif…».Plusieurs Etats ont en fait l’expérience dont la Guinée, la Tunisie, le Cuba, la chine, et la Corée du Nord.

L’exclusion et dévalorisation de l’opposition parlementaire dans le cadre de l’exercice de ses droits

Dans un contexte de fragilité des institutions partant dans le besoin de consolidation du pouvoir, les gouvernants ont décidé de minimiser l’influence de l’opposition qu’il s’agisse d’une opposition parlementaire ou extra-parlementaire, les partis présidentiels ont vocation à gouverner et ceux de l’opposition à regarder de loin le fonctionnement du pouvoir. Quoi qu’il en soit et malgré la réussite de l’opposition Parlementaire à disposer d’un cadre juridique de protection pour l’exercice de ses droits, la réalité demeure sceptique que ses actions sont relativement vaines et n’auront que peu de chances d’aboutir. Même si les droits des députés de l’opposition s’élèvent au rang des droits des députés de la majorité au dessus de leurs querelles partisanes, il semble bien que l’opposition est indirectement dessaisie de sa fonction de législateur d’où un sentiment d’inutilité de l’opposition au sein du parlement. Quant à sa fonction de contrôle de l’exécutif, même si l’Assemblée lui offre une tribune officielle pour infléchir la politique menée par la majorité, sa participation dans le travail législatif est une fausse piste pour atténuer son emprise. Même si les parlementaires de l’opposition sont consciencieux de l’exercice de son mandat qui est au prime abord d’agir dans les intérêts de ses électeurs, sa liberté d’action est largement limitée par la majorité Présidentielle et par l’exécutif lui-même qui craigne de se faire destituer de sa fonction. Denier de son rôle, l’opposition se croit d’adopter une attitude de critique systématique de toutes les initiatives gouvernementales. Pour l’opposition, elle n’est pas appelée à être le rempart des actions du régime en place mais de le remplacer en cherchant tous les moyens nécessaires même illégale pour succéder le pouvoir en place. John Stuart Mill écrivait «Que la minorité doive s’effacer devant la majorité, le plus petit nombre devant le plus grand, c’est là une idée familière. En conséquence les hommes pensent qu’il n’est pas nécessaire de faire un usage plus avant de leur esprit et ils ne conçoivent pas qu’il existe un moyen terme entre confier au plus petit nombre un pouvoir équivalent à celui du plus grand nombre et escamoter complètement le plus petit nombre».

Le bicamérisme inégalitaire, inopérant et source de verrue institutionnelle

Le parlement Malagasy est caractérisé par le bicamérisme composé de l’Assemblée nationale et du Sénat. La première est au cœur de l’action politique et la seconde, une chambre consultative à fonction plus pondératrice. Au début, l’idée de bicamérisme est liée à un souci de stabilité et de continuité de la vie étatique, car dans le cas où la première chambre sera dissoute par le Président de la République, la seconde chambre serait une garantie supplémentaire en raison de sa permanence à l’abri de l’action de l’exécutif. La différence entre les deux chambres résident notamment au niveau de leur élection, l’Assemblée nationale élue au suffrage universel direct et les membres du Sénat sont en partie élue au suffrage universel indirect et une partie nommée par le Président de la République.
Selon Kossi somali, «il ne faut pas opérer un dédoublement de la représentation qui implique que la seconde chambre soit une simple reproduction, une pâle copie de la première chambre». Le sénat a pourtant fait l’objet de vive critique et il est promptement attaqué quant à sa légitimité et quant à sa nécessité dans la démocratie. On ne peut pas nier que les tiers des membres du Sénat sont nommés par le Président de la République65, ce système de représentativité n’a pas de base démocratique et ternit l’image de l’institution Parlementaire, cette représentation ne tient pas compte de la population. La légitimité des sénateurs est ainsi remise en cause en raison du fait que la souveraineté populaire ne peut s’exprimer que par le biais du suffrage universel, et l’élection est l’unique voie qui pourrait associer le citoyen au pouvoir. On peut ainsi déduire que cette nomination des membres du sénat par le Président de la République est à l’encontre des valeurs Républicains et des principes fondamentaux de la constitution qui affirment en son article 05 que « La constitution appartient au peuple, source de tout pouvoir, qui l’exerce par ses représentants élus au Suffrage universel direct ou indirect… ».

L’obstruction parlementaire, une nuisance au bon fonctionnement de l’appareil étatique

Il est de la règle du jeu de la course au pouvoir de trouver tous les moyens nécessaires pour s’imposer dans un système politique donné, en effet, la pratique institutionnelle a fait apparaître une nouvelle forme de technique parlementaire en faveur des partis de l’opposition, destinée à faire
déjouer les stratégies de la majorité Gouvernementale, qui est principalement le concept d’obstruction parlementaire ou filibustering. Définit par Hans Kelsen comme étant « l’usage abusif par la minorité des règles de la procédure parlementaire, afin d’entraver l’œuvre législative, d’en empêcher la discussion et le vote de la loi », elle est fréquemment utilisée par les députés du groupe des partis de l’opposition qui cherchent à renverser le gouvernement. Il faut noter que l’obstruction comme le parlementarisme est d’origine anglo-saxonne. Que l’exécutif soit titulaire d’une majorité stable ou d’une majorité à géométrie variable ou d’une minorité précaire au sein de l’Assemblée, cela n’empêche pas les partis de l’opposition au parlement de recourir aux techniques obstructionnistes afin de rendre l’exécutif dans une position de fragilité dans l’exercice de son pouvoir. Ils peuvent procéder de deux façons, ils abusent des droits qui leur sont garantis par la constitution pour empêcher l’Assemblée de prendre valablement une décision, par le biais des interpellations répétées, par des amendements multipliés sans fin (par exemple, déposer un nombre important d’amendements presque semblables et exiger la discussion de chacun d’entre eux devant le parlement, le but c’est de retarder le plus lointain possible l’adoption d’une loi durant les délibérations à la chambre à l’aide des moyens qui se doivent être légaux), par l’abstention ou l’absentéisme systématique, ou par le biais du discours interminable (harangue de 07 heures du député socialiste Allemand ANTRICK (REICHSTAG) lors du débat sur les tarifs en 190374) ou encore ils viennent assister à des débats et font un scandale pour établir le désordre au sein de la chambre, le vrai problème réside au fait que l’obstruction n’est jamais le seul fait d’un individu mais plutôt d’un groupe parlementaire et leur objectif, c’est de paralyser complètement l’action de l’Assemblée délibérante. Cette technique abusive et véreuse du droit parlementaire peut être occasionnelle ou prolongée de façon systématique et par ce simple procédé, les ambitions de l’exécutif peuvent être mises en échec.

Table des matières

INTRODUCTION
TITRE I. Une simple reconnaissance formelle de l’opposition parlementaire confrontée aux vicissitudes pratiques
Chapitre I. Le poids de l’opposition parlementaire dans les rapports institutionnels 
Section 1. L’essence de l’opposition dans un régime démocratique 
Paragraphe 1. Les partis politiques, acteurs essentiels de la Démocratie
Paragraphe 2. Consécration juridique de l’opposition parlementaire : une hésitation profonde quant à son l’institutionnalisation
Paragraphe 3. Le parlement fractionné par les affinités politiques entre groupes de l’opposition, groupes minoritaires et majorité gouvernementale
A. Confusion entre groupes de l’opposition et les groupes minoritaires
B. Le binôme majorité parlementaire et opposition encadré dans une perpétuelle relation antagoniste
Paragraphe 4. L’existence de l’opposition au sein du parlement, une revitalisation de l’institution
parlementaire face à la prédominance de l’exécutif
Paragraphe 5. Regard historique sur l’opposition parlementaire dans les institutions Malgache
Section 2. L’impossible quête de la démocratie sans opposition 
Paragraphe 1. Les dangers d’un parti unique dans la représentation parlementaire
Paragraphe 2. Paradoxe entre Démocratie et l’unité du parti
Paragraphe 3. Une opposition exclue du jeu politique et sans statut juridique, source de désordre
Chapitre II. L’artifice juridique confronté à la réalité à Madagascar: une opposition parlementaire impuissante, fragmentée et sans idéologie, réduite à la vigueur de l’exécutif 
Section 1. Illusion Démocratique : Une constitution au service du pouvoir
Paragraphe 1. Incertitude sur la crédibilité et sur l’effectivité de la constitutionnalisation des droits de l’opposition à Madagascar
Paragraphe 2. L’opposition parlementaire, confrontée à la prééminence présidentielle
Section 2. Faiblesse institutionnel de l’opposition liée à son inorganisation : Une opposition fragmentée sans idéologie et sans autonomie réelle 
Section 3 L’exclusion et dévalorisation de l’opposition parlementaire dans le cadre de l’exercice de ses droits 
Paragraphe 1. Une opposition impuissante face à la majorité parlementaire
A. Modicité de l’initiative de l’opposition dans l’élaboration de la loi
B. Inégale répartition des temps de parole au sein de l’hémicycle
Paragraphe 2. La persécution et répression pénale des partis de l’opposition
Section 4. Le vagabondage politique ou « Transhumance politique », principal source de désordre au niveau de l’Assemblée parlementaire 
Section 5. Le bicamérisme inégalitaire, inopérant et source de verrue institutionnelle 
TITRE II. A la recherche de la stabilité institutionnelle et politique : redéfinir la séparation des pouvoirs entre exécutif et législatif et entre majorité et opposition
Chapitre I. Du danger de la manifestation d’impuissance de l’exécutif aux conséquences des conflits intra-et inter institutionnels
Section 1. Les différents rapports de force dans le système institutionnel : Le choix entre un gouvernement de fait majoritaire soit un gouvernement minoritaire avec une opposition majoritaire au sein de l’Assemblée nationale, soit un gouvernement de coalition ou un gouvernement de cohabitation 
Section 2. Un gouvernement minoritaire impuissant soumis au bon vouloir de l’opposition
parlementaire, source d’instabilité politique
Paragraphe 1. Les dangers d’une majorité à géométrie variable au sein de l’Assemblée: La fonction de législateur et de contrôleur, détournée en une fonction de « renverser »
Paragraphe 2 L’obstruction parlementaire, une nuisance au bon fonctionnement de l’appareil étatique
Section 3. La réalité institutionnelle : Discrédit de la théorie de la séparation des pouvoirs entre exécutif et législatif laissant place au dialogue majorité et opposition
Section 4.La Perversion du droit par la politique : Manipulation du droit constitutionnel pour le renforcement du pouvoir 
Section 5. Les conflits intra- et inter institutionnels permanents, origine de la crise de la représentation politique 
Chapitre II. Pour une revitalisation des institutions politiques moderne : Atténuer la supériorité indérogeable du chef de l’Etat ; De l’abandon de la brimade de l’opposition suivi de la nécessaire redéfinition des rôles de l’opposition à tendance critiqueur systématique vers une implication du peuple dans le processus décisionnel. 
Section 1. Briser la tendance de la concentration du pouvoir entre les mains du Président de la République
Paragraphe 1. Une constitution à l’écart des manipulations institutionnelles, gage de l’équilibre des
pouvoir
Paragraphe 2. La nécessaire Autonomisation du parlement vis-à-vis de l’exécutif
Section 2. A la recherche d’une nouvelle identité de l’opposition parlementaire Malgache : Abandon de la structure partisane sans idéologie 
Paragraphe 1.Une opposition responsable, pour la mise en place d’une véritable alternance
Démocratique
Paragraphe 2. L’indispensable coopération entre majorité et opposition parlementaire
Section 3. Le juge constitutionnel, acteur le plus déterminant de l’équilibre institutionnel 
Paragraphe 1.Juge constitutionnel, protection de l’opposition contre la domination de la majorité
Paragraphe 2. Le juge arbitre du jeu politique : Pacte de responsabilité rendu par la Haute cour
constitutionnel Malagasy en 2015
Paragraphe 3. Les dangers d’une juridicisation excessive du processus politique : Le pouvoir
juridictionnel appelé à agir en dehors de la lutte politique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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