Lois et outils pour la visibilité

Lois et outils pour la visibilité

 Caractéristiques du brouillard 

Pour appréhender les conséquences du brouillard sur la vision, il convient tout d’abord de définir précisément le brouillard, notamment ses mécanismes de formation et sa structure physique. C’est l’objet de ce paragraphe. 

Définition

 Le brouillard est un amas de fines gouttelettes ou de fins cristaux de glace, accompagné de fines particules hygroscopiques saturées d’eau souvent de taille microscopique, réduisant la visibilité en surface. Sa composition est identique à celle d’un nuage dont la base toucherait le sol. Lorsque la visibilité horizontale est réduite à moins de 1 km, on parle de brouillard. Lorsque la visibilité atteint ou dépasse cette valeur, on parle plutôt de brume. 

Généralités sur la formation du brouillard

 Le brouillard se forme d’une fa¸con quasi identique à celle des nuages, c’est-à-dire d’air sursaturé par refroidissement autour d’une quantité suffisante de noyaux de condensation. L’ajout de vapeur d’eau provient soit de l’évaporation du sol ou de la mer, soit des précipitations. Près des cˆotes, c’est essentiellement le sel marin qui forme les noyaux, tandis que dans les terres, ils sont surtout constitués de particules de poussière, de fumée ou de pollution automobile et industrielle. Par ailleurs, la dissipation et le déplacement du brouillard sont liés à la disparition des processus physiques l’ayant engendré ou le maintenant. Au-dessus du sol, le premier de ces processus a trait au rayonnement du soleil, qui le dissipe en le réchauffant à condition qu’aucun nuage n’interfère. Sur mer, le brouillard se dissipe de fa¸con différente. Comme le soleil ne peut réchauffer l’eau suffisamment, le brouillard ne se dissipera qu’avec un changement de direction du vent, ou si la surface marine en aval est plus chaude et que le vent accélère. Par contre, il se maintiendra si le vent le pousse vers une surface marine plus froide.

 Les principaux types de brouillard

 Brouillard de rayonnement La nuit ou très tˆot le matin, lorsque l’air contient assez d’humidité pour permettre la condensation à la suite du refroidissement par rayonnement, il se forme un brouillard de rayonnement. Mais encore faut-il que l’effet de refroidissement nécessaire à l’atteinte du point de rosée soit maintenu ou renforcé par un ciel clair ou un ciel nuageux associé à des vents faibles. Ce type de brouillard se dissipe généralement une heure ou deux après le lever du soleil, c’est- à-dire au moment o`u son rayonnement devient assez important pour augmenter la température du sol. En revanche, si une couche nuageuse empˆeche le soleil de le réchauffer suffisamment, il peut persister une bonne partie de la matinée, s’épaissir davantage, ou encore se soulever en formant une couche de stratus à basse altitude. Cette couche peut persister quelques heures, mais cela reste peu fréquent. La topographie a une influence importante sur la formation du brouillard de rayonnement. Il se formera plus volontiers dans les vallées ou les terres basses, plus rarement sur les plateaux, les collines ou les flancs de montagne, et presque jamais sur les grands plans d’eau. 

Caractéristiques du brouillard Brouillard d’advection 

Lorsqu’une masse d’air chaud et humide est poussée au-dessus d’une surface relativement froide, l’air est refroidi par contact avec cette surface. Si la température de l’air atteint le point de rosée en diminuant, l’air deviendra saturé et il se formera un brouillard de rayonnement. Dans certains cas, la température de l’air et du point de rosée diminuera encore un peu sous l’action de la surface froide et on aura un brouillard d’advection. Ce brouillard peut ˆetre accompagné de vents violents. La turbulence mécanique peut alors soulever le brouillard et former des stratus. Le brouillard d’advection peut se former lorsque de l’air humide passe d’une zone chaude de l’océan à une zone o`u l’eau est froide. Dans ce cas, le brouillard s’étale et demeure jusqu’à ce que la direction du vent change. Comme la surface de l’eau ne subit pas les effets du réchauffement diurne de fa¸con importante, le brouillard ne se dissipera pas au cours de la journée. Au-dessus du sol, ce brouillard se forme lorsque l’air provient de la mer. Dans certains cas, il s’étale loin à l’intérieur des terres, mais la présence d’une rangée de collines le retiendra sur la cˆote. Si le réchauffement est suffisant, le brouillard terrestre s’amenuise ou se lève au cours de la journée pour se reformer la nuit. Si une nappe nuageuse se trouve au-dessus du brouillard, celui-ci peut ne pas s’amincir ou se lever et demeurer jusqu’à ce que la direction du vent change. 

Structure physique des brouillards

Quel que soit leur mode de formation, tous ces brouillards ont en commun d’ˆetre formés d’un ensemble de micro-gouttelettes d’eau, suffisamment petites pour ˆetre en suspension dans l’atmosphère. Le brouillard est couramment caractérisé par deux paramètres : la répartition granulométrique des gouttelettes et leur concentration. Ces paramètres dépendent entre autres du processus de formation, de l’altitude, de la température et de la durée de l’événement « brouillard ». 

Cheminement de la lumière dans le brouillard

De fa¸con schématique, c’est dans un aérosol contenant un grand nombre de gouttelettes d’eau de quelques micromètres de diamètre que doit cheminer la lumière visible dont la longueur d’onde se situe entre 400 et 700 nm. Lors de son parcours, le flux lumineux se trouve atténué par deux phénomènes : l’absorption et la diffusion, ce qui conduit à caractériser le brouillard par un coefficient d’extinction k, somme des coefficients d’absorption et de diffusion. En fait, le phénomène d’absorption est négligeable dans ce type d’aérosol. Ainsi, le phénomène prépondérant dans l’atténuation de la lumière est la diffusion, qui dévie les rayons de leur direction initiale. Il est également à la base de « l’illumination du brouillard » ou « luminance de voile » dont les conséquences sont importantes en visibilité routière. Le brouillard est donc caractérisé par un coefficient d’extinction k égal au coefficient de diffusion. Si Φ0 est le flux lumineux émis par une source, le flux Φ transmis sur la distance d à travers le brouillard est donné par la loi de Beer-Lambert : Φ = Φ0T = Φ0e −kd (1.1) T est le facteur de transmission de la couche de brouillard d’épaisseur d, k est le coefficient d’extinction du milieu et le produit kd représente la densité optique de l’épaisseur de brouillard traversée. 13 Chapitre 1. Lois et outils pour la visibilité Le coefficient d’extinction k dépend de la distribution granulométrique des gouttelettes : k = π X i Qextinir 2 i = X i Cextini (1.2) ni représente la concentration des différentes classes de particules de rayon ri . Qexti et Cexti sont respectivement le facteur efficace d’extinction et la section efficace d’extinction de ces mˆemes classes. Pour une goutte de diamètre donné, les équations de Lorenz-Mie [Rozé et Girasole, 2003] permettent de calculer la section efficace d’extinction ainsi que la fonction de phase qui caractérise la répartition spatiale de la lumière diffusée. Dans un milieu tel que le brouillard naturel constitué de gouttelettes de tailles différentes (polydispersé), on peut calculer la section efficace d’extinction et la fonction de phase d’un milieu équivalent monodispersé en tenant compte des fractions granulométriques de la distribution. 1.2 Les effets visuels du brouillard Dans le paragraphe précédent, nous avons défini quelle était la structure physique du brouillard et le phénomène qui en résultait, à savoir la diffusion de la lumière visible. Dans ce paragraphe, nous proposons de présenter les différents effets de cette diffusion sur la vision. 

L’effet de halo

 Le brouillard altère le signal visuel en diffusant la lumière émise par chaque source lumineuse. Une partie de cette énergie est diffusée dans la direction de l’œil ou de la caméra, mais depuis une direction excentrée par rapport à celle de la source ajoutant un halo autour du signal transmis, selon un effet analogue à une convolution. Ainsi, par analogie avec un filtre optique, il est possible de caractériser une tranche de brouillard par une fonction de transfert de modulation (F TM). Il a été montré [Dumont, 2002] que la F TM varie non seulement avec la densité optique (produit de la distance d par le coefficient d’extinction k), mais également avec la distribution granulométrique du brouillard : plus les gouttelettes sont grosses, plus le halo est intense. Toutefois, cet effet reste secondaire par rapport à la luminance transmise. Il a également été établi [Dumont, 2002] que la F TM, notée M, d’une tranche de brouillard d’épaisseur d et de coefficient d’extinction k quelconques pouvait ˆetre déduite de la F TM, notée F, d’une tranche de densité optique unitaire du mˆeme brouillard, appelée opérateur fréquentiel de contraste (OF C), en utilisant la relation suivante dans le domaine de Fourier : M = F kd (1.3) L’effet de halo est illustré dans le cas d’une scène routière par la figure 1.1a. 

L’effet d’extinction 

De jour, le ciel est la principale source d’énergie lumineuse. Il génère un éclairement relativement uniforme en tout point de l’environnement, variable en fonction de l’heure, de l’endroit et des conditions météorologiques. Une partie de l’énergie lumineuse re¸cue du ciel est réfléchie vers l’observateur, ce qui résulte en une luminance intrinsèque L0 des objets présents dans la scène. 14 1.3. Modélisation des effets visuels du brouillard (a) (b) (c) Fig. 1.1 – Illustration des effets du brouillard sur la vision : (a) effet de halo, (b) effet de voile atmosphérique, (c) effet de voile rétro-diffusé. De nuit, seul l’éclairage artificiel contribue à la luminance intrinsèque de ces objets. Chaque source lumineuse apporte une part de la luminance intrinsèque. En présence de brouillard, le phénomène de diffusion atténue cette contribution d’un facteur égal à la transmissivité e −kds , o`u ds est la distance qui sépare la source de l’élément de surface considéré, et k est le coefficient d’extinction du brouillard. La luminance intrinsèque d’un objet est due à la fois à l’éclairage naturel et artificiel. Une partie de cette énergie est diffusée par le brouillard sur le trajet de longueur d qui sépare l’objet de l’observateur. Il s’en suit une atténuation de la luminance d’un facteur égal à la transmissivité e −kd . 

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