Logiciel pour l’interopérabilité de la maquette numérique du bâtiment et de la simulation énergétique
Enrichissement sémantique du standard IFC
Si l’on se réfère à la hiérarchie KISS [116], on peut considérer que l’IFC ne traite pas le niveau d’interopérabilité sémantique. Afin de surmonter cette limitation du standard, de nombreuses recherches ont porté sur son enrichissement sémantique. Enrichissement à l’aide de l’IFD (International Framework for Dictionaries) Pour assurer l’interopérabilité, buildingSMART propose une bibliothèque appelée IFD (International Framework for Dictionnaries), qui offre la possibilité de préciser la sémantique des éléments du standard. L’IFD fonctionne comme un complément à l’IFC. L’IFD permet de définir des ontologies mais ne constitue pas en soi une ontologie, étant uniquement spécifique à l’IFC [38]. Dans le domaine du Web sémantique, les « ontologies » désignent des vocabulaires qui définissent les concepts et les relations utilisés pour décrire et représenter un domaine. Tandis que l’IFD, lui, ne définit que les types des éléments. Par exemple, les entrées dans IFD pourraient être les différents types de portes que l’on peut rencontrer dans un projet. Chapitre 2. BIM pour l’interopérabilité en conception 27 L’IFD apporte davantage de souplesse au modèle IFC, en permettant d’affiner la définition des concepts de l’IFC à l’aide de bases de données tierces (par exemple en lien avec les systèmes CAO, systèmes de calcul, gestion des installations, etc.) [38]. Il permet d’étendre le vocabulaire et d’enrichir les relations dans le modèle IFC (voir l’exemple présenté en figure 6) : l’IFC définit le format d’échange d’information, tandis que l’IFD porte sur la façon d’interpréter les informations échangées [31]. Figure 6 : Une application de l’IFD à la qualification des portes. L’IFD comprend des concepts exprimés textuellement en langage naturel. Par exemple, un concept peut être exprimé en utilisant des noms différents : le mot « Dør » en norvégien, peut être traduit en « door » en anglais. Egalement, l’IFD fournit des synonymes, des acronymes et des définitions : un concept peut avoir plusieurs noms dans la même langue et être exprimé de différentes manières. On peut donc associer à chaque élément le ou les noms auxquels il est associé mais également mettre en évidence ses relations à d’autres éléments ou types d’élément (figure 6) [38]. Par exemple, toutes les traductions du terme « porte » (Porte, Porta, etc.) se réfèrent à la même entité. En outre, des travaux de recherche ont porté sur l’amélioration des capacités de l’IFD. Par exemple, Mahdavi et al. [89] introduisent un prototype appelé le « SkyDreamer », basé sur les technologies du Web sémantique. Le prototype comprend un référentiel sémantique IFD qui est mis en relation avec un modèle de bâtiment IFC exprimé en ifcXML. Le référentiel sémantique IFD du prototype peut être étendu pour prendre en compte des composants de construction supplémentaires à l’aide d’une connexion de type « web service » (on peut par exemple réaliser une connexion distante entre la base de données IFC et le référentiel sémantique à travers le web). Selon Zhang et al. [136], trois facteurs sont effectivement nécessaires pour un échange d’informations BIM efficace : l’IFC comme un format d’échange, l’IDM (Information Delivery Manual, décrit en détails dans le chapitre 3) pour préciser le schéma d’échange et l’IFD pour une compréhension uniforme des informations échangées.
Enrichissement sémantique de l’IFC à l’aide d’ontologies
Une forte tendance, pour l’enrichissement sémantique de l’IFC, consiste à réaliser un lien entre l’IFC et des ontologies, en particulier sur la base des solutions issues du domaine du web sémantique [23], [36], [72], [122], [139]. Le web sémantique est une approche permettant d’interconnecter des données exprimées dans un format standard, Chapitre 2. BIM pour l’interopérabilité en conception 28 accessible et gérable par des outils automatisés, en particulier sur internet : OWL (Ontology Web Language). Ce dernier est un langage de représentation des connaissances développé pour le Web sémantique, qui permet de décrire et représenter un domaine de connaissances à l’aide d’ontologies. Les principales composantes du web sémantique sont : RDF (Resource Description Framework), un modèle pour représenter des données sur le web, OWL (Ontology Web Language), le langage d’ontologie du Web, un langage normalisé pour spécifier les ontologies, SPARQL (Protocol and RDF Query Language), un langage de requêtes dédié au format RDF, Linked Data, une méthode de publication des données structurées sur le Web [32] pour assurer leur mise en relation et leur exploitation à travers des requêtes sémantiques. L’objectif essentiel des travaux portant sur le lien entre IFC et Web sémantique est de développer une extension ontologique à l’IFC [119], dans laquelle les modèles IFC sont convertis en graphes RDF et la sémantique des éléments des modèles IFC peut être précisée à l’aide d’annotations RDF [118]. Dans ce cadre, certaines études ciblent l’intégration des ontologies avec le BIM. Par exemple, Venugopal et al. [119] se positionnent dans le domaine de l’industrie du béton préfabriqué et proposent une approche dont l’objectif est d’utiliser les ontologies pour rendre les définitions de l’IFC plus formelles et cohérentes. Des études de cas sont élaborées illustrant l’échange d’un modèle de fabrication entre l’architecte et l’ingénieur. Dans le même contexte, Yang et Zhang [133] proposent des extensions à l’IFC pour réaliser une projection vers des ontologies et améliorer l’interopérabilité sémantique des modèles BIM. Un ensemble de méthodes sont proposées pour améliorer la représentation des données du bâtiment à l’aide d’objets compatibles avec l’IFC, et permettre l’extension du standard avec un complément d’information et des annotations sémantiques. Dans le même esprit, Si et Wang [112] proposent la construction d’une ontologie architecturale fondée sur l’IFC. Avec des objectifs applicatifs plus ciblés, Zarli et al. [135] proposent une approche de vérification de la conformité aux règlementations dans la construction basée sur l’IFC et une ontologie dédiée. Pour cela, un modèle dédié basé sur RDF, sémantiquement enrichi, a été développé [13]. Dans le même but, Dibley et al. [53] proposent un environnement (OntoFM) pour faciliter le suivi de la construction en temps réel, basé sur l’IFC associé à une ontologie dédiée. Chapitre 2. BIM pour l’interopérabilité en conception 29 De plus en plus de projets utilisent les technologies RDF et OWL pour ajouter des fonctionnalités de gestion des connaissances [118] aux modèles IFC. C’est le cas du projet SWOP [35], dans lequel le Web sémantique est utilisé pour modéliser les produits à développer et à configurer. Également, le modèle de gestion de l’établissement Sydney Opera House, d’après Schevers et al. [110], s’appuie sur la conversion d’un modèle IFC en ontologie OWL à l’aide d’un convertisseur IFC-OWL [109]. Beetz et al. [109] proposent aussi la conversion du schéma EXPRESS vers une ontologie OWL appelée ifcOWL. Des études supplémentaires visent à l’intégration des ontologies avec le BIM [81], [88], [119], [138]. Par exemple, Abanda et al. [12], mettent en évidence les faiblesses de l’IFC, de gbXML et de COBie, et montrent les avantages de l’utilisation du web sémantique. Ils explorent également les relations entre Linked Data et la modélisation des données du bâtiment. Aujourd’hui, plusieurs convertisseurs open source pour les formats du Web sémantique sont disponibles. Par exemple, XSD2OWL [11] permet la transformation d’un schéma XML en une ontologie OWL et XML2RDF [10] prend en charge la transformation de XML en RDF (projet ReDeFer [7]). Des convertisseurs sont également développés pour transformer la norme IFC en une ontologie RDF ou OWL [102]. Synthèse et définition de nos orientations de recherche Pour résumer cette section, l’enrichissement du BIM IFC peut être réalisé de deux façons complémentaires. Soit en étendant l’IFC, ce qui peut se faire en modifiant le standard – ce qui peut être long et coûteux – ou en s’appuyant sur des mécanismes d’extension natifs (approche plus populaire). Soit en enrichissant la sémantique du modèle, ce qui peut se faire à l’aide de mécanismes standards (IFD) ou en réalisant un lien avec des langages du web sémantique (en particulier les ontologies). Le tableau 4 présente un résumé des différentes approches évaluées, en détaillant les sous-catégories de solutions et en exposant leurs avantages et inconvénients.
Utilisation du BIM pour la simulation
Le rôle central du BIM dans l’analyse du comportement énergétique est généralement reconnu, et la question de l’interopérabilité entre les modèles BIM et la simulation énergétique est considérée comme un défi majeur. Ce constat est confirmé par Laine et al. [80], dans lequel ils démontrent par exemple les bénéfices de l’utilisation du BIM pour la simulation de l’énergie thermique. Cette opinion est partagée par Bazjanac [29], qui prône l’utilisation du modèle standard National Building Information (NBIMS) dans la simulation de performance énergétique. Également, dans une étude plus récente Bavastro et al. [26], mettent l’accent sur l’importance des échanges entre les modèles 3D et le modèle d’analyse et leur impact sur le besoin en énergie. Chapitre 3. Environnement méthodologique pour l’interopérabilité du BIM 41 Par ailleurs, les fonctionnalités et performances des outils de simulation ont fait l’objet d’analyses approfondies et de comparatifs qui montrent l’importance et la diversité de l’offre en lien. Ceci est illustré par l’étude [18], où une évaluation est menée en fonction de cinq critères : la convivialité, l’intelligence, l’exactitude, l’interopérabilité et les processus d’adaptation. Dix outils (HEED, eQuest, Energy-10, Vasari, Solar Shoebox, OpenStudio, VE-Ware, ECOTECT, DesignBuilder, BEopt) sont passés en revue dans cette étude. D’après cette dernière, il est nécessaire d’améliorer les outils existants pour les rendre plus performants. Egalement, les développeurs d’outils devraient fournir des outils mieux adaptés aux besoins des architectes. On peut citer également une autre étude [90] qui porte sur une analyse comparative de DOE-2 et du simulateur thermique EnergyPlus, ainsi que certaines de leurs interfaces utilisateur. Elle montre que les interfaces utilisateur pour DOE-2 sont actuellement plus développées par rapport aux interfaces pour EnergyPlus. D’après cette étude, l’absence d’interface utilisateur complète et conviviale rend la réalisation d’une simulation de performance énergétique du bâtiment plus difficile dans la pratique. L’importance de l’offre en simulation énergétique et la reconnaissance des bénéfices générés par l’utilisation du BIM ont naturellement généré un fort intérêt pour la question de l’interopérabilité entre le BIM et les outils de simulation. Par exemple, l’article [93] propose une évaluation de l’interopérabilité entre un modèle BIM et différents outils de simulation d’énergie tels qu’EnergyPlus, eQUEST, Ecotect et IES . L’accent est mis sur le format d’échange gbXML qui englobe la géométrie, la composition de l’espace, la construction, la charge interne et les systèmes HVAC. L’étude montre que tous ces outils affichent une compatibilité avec le BIM, à travers le format gbXML, mais que cette compatibilité est mise en œuvre de façon extrêmement variable. On constate notamment des limites sur la couverture de l’information modélisée dans le BIM (limites en partie liée aux caractéristiques propres du format gbXML) mais également une qualité contrastée de l’import d’information. L’étude propose également quelques suggestions visant à améliorer l’interopérabilité avec les outils de simulation sélectionnés, comme le développement d’une interface entre le modèle BIM et les outils d’analyse. Parmi les outils de simulation, EnergyPlus [98] est l’un des environnements les plus populaires et de nombreux travaux de recherche visent à améliorer la liaison entre EnergyPlus et le BIM. Dans ce cadre, on peut en particulier citer le travail de Bazjanac et Maile [30], qui vise à développer une interface pour la description des systèmes HVAC en IFC, en vue d’une connexion IFC-EnergyPlus améliorée. Cette interface repose sur des ensembles de propriétés IFC (PropertySets) qui permettent de définir une correspondance entre les données d’entrée d’EnergyPlus et les données contenues dans le BIM IFC. Nous pouvons également mentionner le travail de O’Sullivan et al. [100] qui proposent une interface graphique autonome compatible avec EnergyPlus et le BIM. Cette interface rend la simulation plus conviviale et rapide pour l’ingénieur en conception du bâtiment. Dans Chapitre 3. Environnement méthodologique pour l’interopérabilité du BIM 42 le même contexte, Hitchcock et al. [65] proposent une transformation de l’IFC à EnergyPlus, en soulignant le fait que les modèles IFC doivent être enrichis pour permettre la génération de modèles de simulation énergétique complets. En outre, le projet Simergy [96] aborde la relation de BIM à BEM (Building Energy Model, un modèle dédié à la modélisation des aspects énergétiques) et la transformation grâce à un processus de mapping entre ArchiCAD (outil de CAO) et EnergyPlus. Avec des objectifs plus larges que la connexion point à point entre le BIM et un outil de simulation, d’autres études traitent de façon générale de l’interopérabilité entre le BIM et la simulation. C’est le cas de Kim et al. [77] qui proposent le développement d’une bibliothèque Modelica pour Building Information Modeling (BIM) afin d’effectuer la simulation énergétique des bâtiments. Modelica est un langage déclaratif de haut niveau pour décrire le comportement mathématique. Il est généralement appliqué à des systèmes d’ingénierie et peut être facilement utilisé pour décrire le comportement de différents types de composants d’ingénierie. Ces composants peuvent être combinés dans des soussystèmes, des systèmes, voire des architectures [5]. Dans le même esprit, Yan et al. [131] proposent d’améliorer le lien entre le BIM avec la modélisation thermique et l’éclairage naturel à travers la création de deux prototypes : Revit2Modelica pour la simulation thermique et Revit2Radiance pour la simulation de l’éclairage naturel. D’autres travaux méritent d’être mentionnés, par exemple ceux du projet EBC annexe 60 (Energy in Building and Communities program – annexe 60 Project (de 2012 à 2017)). Ce projet rassemble les contributions de près de 100 chercheurs du monde entier sur la question du processus de transformation du BIM à la simulation (BEPS pour Building Energy Performance Simulation). Ce projet traite également, de façon plus générale, de l’interopérabilité en simulation, à l’aide du langage de modélisation Modelica et du standard FMI (Functional Mockup Interface), un standard ouvert et un outil indépendant pour l’échange de modèles. Un des objectifs de ce projet est de combler l’écart entre les modèles BIM et la modélisation de l’énergie en se basant sur les bibliothèques Modelica et relier ainsi les outils de simulation des performances des bâtiments avec ces bibliothèques à travers le standard FMI. Sur la question de la connexion entre BIM et simulation, Modelica semble faire l’objet d’un d’intérêt soutenu. La force du langage de simulation Modelica réside notamment dans une communauté d’utilisateurs importante et en constante croissance, qui accroit en permanence l’offre (i.e. les bibliothèques d’éléments de modélisation et les environnements logiciels en lien) du langage. Nous pouvons par exemple mentionner les travaux de Cao et al. [46] et Wimmer et al. [129] proposant une transformation du modèle du BIM IFC vers Modelica, en mettant l’accent sur la conversion des modèles des systèmes HVAC
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