LES RAISONS CUL TURELLES DU RETARD
SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE DE L’AFRIQUE NOIRE
L’ éducation traditionnelle
En Afrique noire , l ‘ éduration joue un rôle essentl el dans la fo »‘.:lnation de la personnalitt.. de l ‘ individu. Cela n ‘ est certes pas une spécificité africaine puisque partout .. ‘ da ns la monde les hommes s ‘éd uqudnt dès le bas âge. Cependnnt l ‘éducation ~eçue est toujours tributaire du milieu concerné, des valeurs en vigueur et du mode de vie des individus. Les hommes vivanE dans des conditions différente s ont inventé des culture~ différentes et des types d’éduca t ion variés. Cette variété des types d’éducation fait que les individus n ‘ ont pas la même mentalité et n e réagissent pas toujours de la même manière dans des situation~ identiques. Dans la mentalité africaine , la part innée de la personnalité r este minime comparée à ce que l ‘ individu acq-1iert dans sa vie sociale. C’ est dans un p r,ocessus de ‘ •· formation et d ‘ apprentissage convenablement organisé que l ‘ individu acquiert toute la civilité requise pour vivre en harmonie avec les membres de son groupe social. En Afrique noire l ‘ éducation n ‘est jamais entièrement l’affaire d’une institution isolée , close sur elle même. C’est plutôt celle du groupe social qui a vu naître l’individu et même celle des contrées voisines. C’est pourquoi l’environnement familial , le voisinage , le village dans son erlsemble et les villages immédiats se sentent concernés par le devenir des enfants considérés comme les enfants de toute la collectivité. Ousmane Sawadogo dans une réflexion sur l ‘ éducation traditionnelle en Afrique Noire écrit ce qui suit : « La société est éducative parce que :. 1 enfant est l ‘ enfant du groupe tout entier et non ~eulement de ses géniteurs. L’ éducation a un .! i =-· ‘ 88 caractère collectif prononcé , une globalité au ni veau des agents. En effat en Afrique noire <‘ traditio nne lle » , la parenté , les pairs, le village participent à son éducation. Tout le tis su social sert de cadre d ‘ action. Tout le monèe est concerné par l’éducation même si une place particulière revient aux parent s et aux a i nés ou à des p.arsonnes qualifiées par des tâches sp~ciales comme durant les moma nts de rites d ‘ initiati on diverses ou d’apprentis sage de métiers. » (1) Dès le b as âge, on initie l’enfant à la cou~t sie, au respect de l’ a utre, à la mesure. Toute p ersonne p l us âgée que lui peut sans craindre une quelconque réaction de sa part lui faire des remontrances, l ‘ amener à éviter certains actes considérés comme anormaux et même le corriger sév~ ement sans avoir à s ‘ expliquer à ses proches parents. L’ enfant doit être poli , bien éduqué pour pouvoir s’intégrer à son milieu. s Wolofs disent « Xalé su loxom r seté mu mana bokk ak ay mag » (2) Dans ces conditions, l ‘ éduc ation a pour finalité d ‘ inculquer à l ‘ individu des valeurs sociales, des règles morales dont la maîtrise favorise l’épanouissement et l ‘ équilibre du groupe social. Mais si cette éducation traditionnelle a au plan social et moral beaucoup d ‘ avantages pour la collectivité , elle a aussi d’énormes inconvénients.
Les obsta cles culture ls a l’exploration scientifique de la nature
Le n égro-africa in est très proche de la na t ure . Il en fait mê me partie. Il ne se considèr e pas c omme u ne conscience autonome, distincte de son milie u envi ronnant . Léopold Sédar Senghor exprime mieux cett e lorsqu’il éc:::it ce qui suit : « … l ‘homme et l e cosmos se :r:e:.êlètent réciproquement, entretiennent entre eux de multiples liens, qui s’expriment en images symboliques , e n correspondances. L ‘ homme est le microcosme du macrocosme qu’ est le cosmos. Mais il ~i a mieux , l e urs cc.rresp o n dance s sont les signes de forces d ‘ actions réciproques. C’est sur le modè le de l ‘ homme et du cosmos que sera édif i ée , que s ‘ organisera la ciété : la maison , l ‘ autel, le temple, r· le village, le royaume » (1). Cela fait de l ‘ Africain un individu sensible à ce qui se passe autour de lui. On comprend dès lors pourquoi Senghor le décrit comme un être émotif, réceptif aux moindres sons, aux rythmes, à tous les autres éléments avec lesquels il entretient des relations de coexistence pacifique et de sympathie. Dans cette existence primordiale , rien ne paraît insignifiant puisque les hoxrmes , les animaux , les végétaux , en somme tous les êtres visibles ou invisibles contribuent à harmoniser l’ existence. L’idée que l ‘ Africain d ‘ antan se faisait de la nature lui empêchait d ‘être contre-nature. Certes les r e ssources ( 1) L . S. Senghor : «Préface» in «La Pensée africaine … » op. ci t P.27 « . 111 dont il se servaient pour v i vre étaient tirées de la n a ture mais il ne pouvait se livrer de façon immodérée à une entreprise de déstabilisation de son milieu de vie. Agre sser la nature , est pou r ains i è ire, « s ‘ agresser » soi-même. C’ est se mettre dans une posture d ‘ autodestruction faci – i tée par le cou rrou x d es antres êtres de la nature. L’ une des meilleures illustrations d e cet état de fait est constituée par le l ong séjour des nègres dans une vie sans ma c hinisme . Ils sP. sont l onquement s ervi de techniques r épé »‘:::it ives jusqu’ à l ‘arrivée de ceux qui l e s ont initié aux tech n i ques cumulatives. Les premiers explorateurs se sont étonnés de voir tant d ‘ espaces non cultivé::;, non rentabilisés, tant de richesses non exploit ées … Mais cette att i t ude du négro-africain est essentiellement culturelle. L’ éducation qu’il reçoit dès l ‘ enfance a des conséquences au double plan de ses rapports avec ses semblables et ses partenaires. Cette éducation le prédispo se à faire bloc avec son milieu social et la nature, à ne jamais dévier d ‘une ligne tracée bien avant. Certains sentiments l ‘ animent en permanence pour lui empêcher de s’investir dans des entreprises révolutionnaires ou des explorations scientifiques. A) Le principe d’ assimilation: L’ initiation à la vie sociale s ‘ accompagne d ‘ une autre qui prépare êtres vivants ~ l ‘ enfant a coexister avec tous les Dans ces conditions , l ‘ indi vidu apprend à myst ifier la nature . Beaucoup de croyances existent en Afrique noire qui mettent l ‘ accent sur la dualité de ch aque être vivant. Ainsi l ‘ homme lui même a son double dans la nature . Ce double n ‘ est pas un être physique puisqu’ il est soit dans l’eau soit dans l’air ou même camouflé dans la faune ou la 112 flore. Le fait que l ‘ Africain s ‘identif ie à la nature le pousse à la superstition e t à ne jamais eâltreprendre certaines actions sans prendre les précautions mys tiques idoines. Il lui. faut pour abat tre des arbres ou pour pêcher par exemple chercher l’autorisation et la bénédiction des fo.x:ces S’ll. nat urelles . Cela est encore vis ible certaines zones rurales en milieu africai n. Le p r incipe d’ as$ilnilation nous perme t d e compr endre l e s raisons pour lesquelles en coupant l es racines de certai ns arbustes, on peut fai re perdre à un i ndividu s e s deux jambes. Si on élague certaines tiges, l ‘individu p e rd immédiatement c-es d e ux bras . Si on coupe entièreme nt les tiges, il Qeurt aussitôt. Ces p r atique s sont répandues en Afr ique noir~ où l’utili sation de certaines t e chniques bien connues des Fons du Bénin permet de diriger la foudre vers quelqu’ un. C’est ce même princi:.,_ ‘l qui nous montre qu’en tuant certains animaux dans des conditions précises on provoque la mort d ‘ un individu. Il y a tellement de co,·respondances entre les hommes, les animaux, les végétaux qu’il ne saurait y avoir de frontière entre eux. Ils s’assimilent, s’identifient donc et coexistent harmonieusement . Ce type de relati on ne milite pas en f aveur d ‘ une étude objective de la nature. L’étude objective de la nature ‘ suppose que i 1 on s ‘ émancipe de certaines croyances. B) Le principe d’association: Dans « l ‘ enfant noir », Camara Laye s ‘étonnait dans sa tendre enfance de voir un serpent se mettre sous la natte de son père. Mais il a fini par comprendre que cet animal protégeait sa famille. .! Ce totémisme qui parcours toutes les croyances négroafricai1nes établit des relations sacrées entre les hommes , . » 113 les anima u x et les végétaux . Ces 1.:ela tions sont c e p endant mystiques et donc insondables. Le mythe est vécu et n o n pensé. Il r emonte général ement à un temps imprécis et appartient du mythe empêche toute et fonde une croyance. Avec le totémisme, les ho végétaux entretiennent et de protection mutuelles. Le des r epèr e s racontés ux et les solidarité établit ces rel a tio ns instruit et ave1:tit à la fois car tout individu qui serait ame né à ne pas respecter ses recommanda tians verrait immédiatement les conséquences fâcheuses de cet écart de conduite. Dès lors l ‘ Africain :ien informé de ses obligations s’ abstient de violenter, de tuer tel ou tel animal ou d ‘ en faire une cobaye. L’animal concerné même féroce ne lui fera aucun mal. Que les Wolofs aient donné ‘ le nom Ndiaye(nom de leur ancê . e) au lion n’est point un – hasard. C’est aussi dans ce même esprit qu’il faut mettre l’inte rdiction d’ a.battre certains arbres considérés comme sacrés. On ‘\lerra difficilement dans certains milieux Wolofs l’abattage du baobab.
Avant – Propos |