Localisation des industries et enjeux urbains dans
l’agglomération du Grand Tunis
Attractivité territoriale et attractivité sectorielle des zones industrielles de l’agglomération tunisoise
Caractéristiques sectorielles des zones industrielles
Comment mesurer l’attractivité et la spécialisation ?
Les zones industrielles jouent un rôle indéniable dans l’attractivité des établissements quand bien même le nombre d’établissement disséminés en diffus dans le tissu urbain n’est pas à négliger. Il s’agit à l’évidence du rôle et de l’essence même d’une zone industrielle. Par attractivité d’une zone industrielle nous entendons la capacité à attirer des entreprises et/ou des établissements par rapport à d’autres sites d’implantation. Cependant l’attraction des industries est généralement variable d’un pays à l’autre, d’une ville à l’autre et d’une zone à l’autre. Dans le cas de l’agglomération tunisoise, les zones industrielles présentent une attractivité qui n’a jusqu’alors était mesurée, voire évaluée. Pour le faire, nous utiliserons la notion de « l’intensité de l’attractivité » qui est mesurée par « le niveau de la part affectée aux zones d’activités suivant le secteur d’activité et la structure spatiale considérés » 1 . Cette intensité sera calculée pour les zones industrielles selon la formule suivante : « nZI / nZT » où nZI représente le nombre des établissements dans les zones industrielles d’une zone territoriale2 donnée alors que nZT représente le nombre total des établissements de toute la zone territoriale. De surcroît, on utilisera l’indice de spécialisation noté ISij traduisant la concentration d’une branche donnée i dans un territoire j. Il est calculé à l’aide de la formule suivante : ISij = / / Avec : Eij = nombre d’établissements de la branche i dans la zone territoriale j, Ej = nombre d’établissements total dans la zone territoriale j, Ei = nombre d’établissements de la branche i dans l’ensemble de l’agglomération tunisoise, En = nombre d’établissements total de l’agglomération tunisoise. La valeur de cet indice renseigne sur le degré de spécialisation sectoriel d’une zone territoriale par rapport à un territoire de référence dans notre cas « l’espace urbain de l’agglomération tunisoise ». Elle peut être inférieure ou supérieure à 1. Dans le premier cas, on conclut que la zone territoriale est peu attractive vis-à-vis des établissements de la branche en question. Dans le cas contraire, cela témoigne d’une spécialisation ou d’une concentration importante dans le territoire ou le secteur considéré. La valeur nulle est synonyme d’une absence de toute spécialisation.Une zone territoriale représente une portion de l’agglomération tunisoise et comprend plusieurs zones industrielles.
Profil sectoriel des zones industrielles tunisoises
Le profil sectoriel des zones industrielles tunisoises montre une forte présence de l’activité industrielle. Le pourcentage des établissements industriels et des établissements « tertiairesindustriels » c’est-à-dire les sièges des entreprises, les succursales et les autres établissements relevant des entreprises mais qui n’assurent que certaines fonctions (maintenance, essais, showroom, service après vente, etc.), s’élève à 64% dans les zones industrielles de l’agglomération tunisoise contre 36% des établissements tertiaires. Cette répartition est différente de celle observée au niveau de l’agglomération. Les établissements à activité industrielle ou tertiaire-industrielle ne représentent que 27% de l’ensemble des établissements de l’agglomération. Le nombre des établissements tertiaires est plus que le double de la somme du nombre des établissements du secteur industriel et de celui du tertiaire-industriel. Ceci est de nature à confirmer le poids de plus en plus important de l’activité tertiaire enregistré dans la quasi-totalité des espaces urbains tunisiens et notamment au niveau de l’agglomération, espace fortement urbanisé et dans le même temps siège de la capitale du pays. Une analyse basée sur la répartition sectorielle des établissements dans les zones industrielles montre que les quatre branches regroupant les activités : mécanique et électrique, textile et habillement, chimie et activités tertiaires sont les plus présentes puisqu’elles représentent 77,5% de l’ensemble des établissements implantés dans les zones industrielles. Notons aussi une distribution relativement plus lâche des branches IMCCV, IAA, ICC et les industries diverses qui représentent ensemble moins de 23% du total des établissements des zones industrielles de l’agglomération tunisoise. Les indices de spécialisation pour identifier les spécificités sectorielles des zones industrielles sont consignés dans le tableau suivant : Par ailleurs, la distribution des zones industrielles tunisoises selon leur superficie et selon leur aménageur nous permet de constater que plus de 62% des zones industrielles aménagées par les collectivités locales ont une superficie inférieure à 50 ha. Les zones industrielles de même taille aménagées par l’AFI ne représentent que 37,5% du total des zones aménagées par cette agence. Les aménageurs privés semblent préférer les zones de petite taille appelées parfois micro-zones, voire « zones en timbre poste ». Jusqu’à présent, ils n’ont aménagé que 4 zones dont une seule de 20 ha située à la Goulette et aménagée par la Société de Promotion du Lac de Tunis. L’unique zone dont la superficie dépasse les 100 ha, et qui compte parmi les plus anciennes, est celle de Jbel Jelloud située au sud de Tunis.
Etude des zones industrielles en rapport avec leur appartenance spatiale
Dénombrement des zones industrielles en fonction de leur positionnement géographique
Ce dénombrement nécessite au préalable une délimitation des zones territoriales1 ou de portions spatiales pertinentes. Les zones territoriales que nous avons choisies participent du découpage du Schéma Directeur d’Aménagement du Grand Tunis. Elles ne coïncident pas obligatoirement avec les découpages administratifs et ne sont pas dès lors en relation nécessaire avec l’appartenance administrative. Nous avons retenu un regroupement de ces zones territoriales en fonction de leur positionnement géographique : – La Zone Territoriale de la Côte Nord et du Centre que nous noterons ZTCNC. – La Zone Territoriale du Nord notée ZTN. – La Zone Territoriale du Sud et de la Côte Sud : ZTSCS. – La Zone Territoriale de l’Ouest notée ZTO. Ce découpage nous épargne de la vision un peu rigide centre-périphérie qualifiée parfois 1 Nous utiliserons le terme de « territoire » pour faire référence à un espace sur lequel la zones industrielle fonctionne et se développe. Notre démarche a ainsi consisté à rechercher une structure spatiale que nous avons qualifiée de « zone territoriale » regroupant un certain nombre d’arrondissements de l’agglomération du Grand Tunis au sein desquels se trouvent des zones industrielles. 116 de manichéenne et remise en cause depuis quelques années notamment depuis les travaux de Joël GARREAU en 1991. Il nous permettra d’obtenir de meilleures comparaisons territoriales et une appréciation rationnelle des comportements spatiaux des entreprises. Les quatre zones territoriales choisies couvrent tous les arrondissements de l’agglomération tunisoise. La ZTCNC regroupe à elle seule 21 arrondissements. La ZTSCS et la ZTO renferment respectivement 17 et 16 arrondissements alors que la ZTN ne rassemble que 10 arrondissements parmi les 64 arrondissements de l’agglomération (annexe1). La répartition des zones industrielles au sein de ces différentes zones territoriales est inégale. La ZTSCS comporte 23 zones industrielles parmi les 44 zones industrielles de l’agglomération tunisoise soit donc plus de la moitié. Or, dans la ZTO, on ne trouve que 10 zones industrielles contre seulement 6 zones dans la ZTN et 5 zones dans la ZTCNC (annexe2). Figure 19: Limites des zones territoriales . Figure 20: Nombre des zones industrielles et des arrondissements des zones territoriales de l’agglomération tunisoise Source : synthèse effectuée par SOUSSI R. à partir des données AFI, APII, INS, RCC et GMG Réalisation : SOUSSI R., 2010 Nous examinerons dans ce qui suit la relation qui pourrait régir le nombre des établissements et la superficie des zones industrielles au niveau de chaque zone territoriale. Il est à préciser que les zones industrielles de l’agglomération tunisoise renferment 2230 établissements répartis sur une surface de 1768 ha. La quête, pour chaque zone territoriale, d’une corrélation entre le nombre d’établissements dans les zones industrielles et la surface totale de ces zones pourrait être significative. L’étude menée par François MILLION dans le cas des zones d’activités de l’agglomération Lyonnaise l’a déjà prouvée, résultat stimulant pour rechercher l’existence d’une telle corrélation dans le cas des établissements implantés dans les zones industrielles de l’agglomération tunisoise. 118 Le graphique ci-après différencie les diverses zones territoriales en termes de nombre d’établissements et de surface. On note une très forte corrélation positive entre ces deux grandeurs : la valeur du coefficient de corrélation r est de 0,96 et le coefficient de détermination r2 est de 0,93. Figure 21: Répartition des surfaces et des établissements implantés en zones industrielles dans l’agglomération tunisoise Source : Synthèse réalisée par SOUSSI R. à partir des données AFI, APII, INS, RCC et GMG (2010-2011) Ce même graphique montre une préférence de localisation des établissements industriels pour les deux zones ZTSCS et ZTCNC puisqu’elles regroupent à elles seules 80 % des établissements implantés sur une superficie de plus de 82% de la superficie globale des zones. Dans le paragraphe qui suit, nous examinerons avec plus de détail le profil sectoriel de ces zones territoriales. 119 Figure 22: Superficie et nombre des établissements dans les zones industrielles Source : synthèse effectuée par SOUSSI R. à partir des données AFI, APII, INS, RCC et GMG Réalisation : SOUSSI R., 2010 b) Profil sectoriel des zones territoriales de l’agglomération tunisoise Pour étudier le profil sectoriel des zones territoriales de l’agglomération tunisoise, nous nous sommes penché sur le calcul des indices de spécialisation en vue de repérer, dans une région territoriale déterminée, les préférences de localisation des diverses branches d’activités (Tableau 23). Tableau 23: Indices de spécialisation des zones territoriales pour l’ensemble des établissements de l’agglomération tunisoise Indice de spécialisation Les indices de spécialisation figurant dans le tableau 23 montrent un attrait de la région Sud de Tunis pour les activités industrielles liées aux secteurs des IME et des ICH étant donné que les indices pour ces deux secteurs sont respectivement égaux à 2,11 et 1,92. Il en va de même pour le secteur des IMCCV, lequel privilégie une localisation au Sud tunisois avec un indice de 1,65. Les trois secteurs des ITH, ICC et IAA préfèrent une localisation dans la région de l’Ouest de Tunis avec des indices respectifs de 2,74 ; 1,87 et 1,85. Le Nord semble un territoire diversifié où tous les secteurs sont présents avec des degrés de concentration voisins : pour la ZTN, les indices varient de 0,65 à 1,06 et oscillent autour d’une moyenne avoisinant l’unité. Pour la ZTCNC, les indices se situent dans une plage allant de 0,72 à 1,07 et où la moyenne est de 0,92 . Cette diversification peut être considérée comme un point fort pour cette région septentrionale puisqu’elle est génératrice d’un flux important et d’une dynamique soutenue au niveau du tissu urbain. Néanmoins, ces deux régions ZTN et ZTCNC affichent un attrait important des activités tertiaires avec les indices les plus élevés 1,06 et 1,07. Cela est dû au fait que la côte nord et notamment le centre-ville conservent encore tous les deux un certain poids et une certaine attractivité vis-à-vis des activités tertiaires de l’espace urbain tunisois. Il n’en va pas avec les activités industrielles dont la localisation demeure la plus faible au niveau de ces deux régions. Ceci trouve ses origines dans la faiblesse de la présence industrielle dans ces régions où les activités tertiaires l’emportaient depuis longtemps. L’agglomération tunisoise a toujours préservé un centre à dominante tertiaire et une côte dédiée principalement à l’habitat et aux activités ludiques et touristiques.
Analyse structurelle géographique
(Shift and Share) 1 de l’attractivité des zones industrielles L’attractivité territoriale des zones industrielles est mesurée à l’aide du rapport entre le nombre d’établissements dans les zones industrielles d’une zone territoriale donnée et le nombre d’établissements total dans cette même zone. L’analyse du graphique obtenu (figure 23) montre des écarts d’attractivité importants entre les différentes zones territoriales. L’attractivité atteint son maximum dans la zone territoriale ZTSCS (26,5%) et elle est minimale au niveau de la ZTCNC (2,8%). Cette inégalité trouve son explication dans les origines historiques de la mise en place de 1 La méthode Shift and Share est un instrument d’analyse bien connu dans les pays anglo-saxons, où son application a donné lieu à une abondante littérature. Les premiers travaux ayant utilisé cette méthode sont ceux réalisés par CRAEMER en 1942. Mais la méthode ne s’est réellement étendue qu’à partir d’un article, en français, de DUNN en1959. (cf. DUNN Edgar, « Une technique statistique et analytique d’analyse régionale : description et projection », Économie Appliquée, vol 12, n° 4, octobre 1959, pp. 531-534). Cette méthode permet, à partir des évolutions constatées au cours d’une certaine période, de séparer, pour des grandeurs particulières : – ce qui résulte de l’environnement – ce qui résulte de la composition sectorielle des activités locales. – ce qui concerne, enfin, les performances spécifiques des activités, qui ne dépendent ni de l’environnement, ni des structures. 121 l’industrie où les choix ont préféré le sud de l’agglomération en comparaison avec le nord, l’ouest et le centre. Ces choix sont certes, le résultat d’une histoire industrielle plus ancienne dans cette région qu’ailleurs qui l’a permis de bénéficier d’un desserrement industriel encore à l’œuvre à partir du centre de la capitale Tunis. Figure 23: Attractivité territoriale des zones industrielles en % Source : synthèse réalisée par SOUSSI R. à partir des données AFI, APII, INS, RCC et GMG Quant à l’attractivité sectorielle des zones industrielles, le graphique ci-après montre des écarts importants entre les secteurs d’activités. Les zones industrielles n’attirent que 4% des établissements tertiaires. Ce taux faible dénote de la résistance d’un bon nombre de zones industrielles à la tendance forte de tertiairisation dans l’agglomération. Le secteur des IME est le secteur le plus présent au niveau des zones industrielles avec un taux de 26% suivi du secteur des Industries Chimiques dont le pourcentage est de 23%. Les secteurs des IMCCV, ITH , ICC ainsi que les Industries Diverses sont caractérisés respectivement par des taux très proches allant de 16 à 20% alors que le taux du secteur des industries agroalimentaires ne dépasse que de peu le taux moyen de l’ensemble des établissements.
INTRODUCTION GENERALE |