Liste de points concernant le quatrième rapport périodique de la France*
Renseignements d’ordre général
1. Donner des exemples récents, le cas échéant, de cas où le Pacte a été invoqué ou appliqué directement par les tribunaux internes. Donner des informations sur les mesures prises afin de sensibiliser les personnels chargés de l’application de la loi, les avocats et autres professionnels du droit aux dispositions du Pacte
La Cour de cassation a admis de longue date et à plusieurs reprises l’invocabilité de plusieurs articles du Pacte:
S’agissant de l’article 11, par un arrêt de la 2ème Chambre civile du 19 juin 2014 (n°13-11.954), la Cour a jugé que «en considérant que Monsieur X…, ayant opté lors de son 60ème anniversaire, pour le versement forfaitaire des avantages acquis au titre de l’assurance vieillesse, avait irrévocablement renoncé au droit non encore ouvert (…) la Cour d’appel a violé les articles L.351-9, L.814-2 et R.351-26 du Code de la sécurité sociale, ensemble l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966».
Depuis son arrêt du 15 octobre 1991 (n°90-86.791), reconnaissant l’invocabilité des articles 6 et 7 du PIDESC, la Cour de cassation a rendu plusieurs décisions, notamment:
• décision du15 juin 2000 (n°98-12.469 et n°98-12.467) rappelant l’invocabilité de l’article 7, combinée à l’article 2.2 du PIDESC, dans un contentieux relatif aux contributions sociales;
• décision du 30 janvier 2001 (Crim.00-82.341): précisant que «l’interdiction professionnelle prononcée en application de l’article L.362-4 du Code du travail, n’est pas incompatible avec les dispositions conventionnelles invoquées [article 6 du Pacte], dès lors qu’elle ne fait pas obstacle à ce que le condamné puisse exercer toute activité autre que celle à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise».
Cette jurisprudence a été récemment confirmée par de nombreux arrêts:
•décision du 25 juin 2015 (n°14-10.359) relative à l’article 6-1 en matière de recherche d’emploi complémentaire;
• décision du 15 janvier 2015 (n°13-23.799) relative à l’article 6-1 en matière de clause de non concurrence;
• décision du3 juin 2015 (7 arrêts –n°13-27.592 et suivants) relative à l’article 2.2 sur la requalification d’un contrat saisonnier en contrat à durée indéterminée.
En 2008, la Cour de cassation a renforcé sa jurisprudence en soulevant d’office l’article 6.1, soit en l’absence de la formulation de cet argument par le requérant (Soc. 16 déc. 2008, n°05-40.876, Eichenlaub c/ Axa France) : «Vu l’article 6.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 (…) directement applicable en droit interne (…) s’oppose à ce qu’un salarié tenu au respect d’une obligation de non concurrence soit privé de toute contrepartie financière au motif qu’il a été licencié pour faute grave».
Donner des informations sur les progrès réalisés en vue de la ratification par l’Etat partie du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
Le Parlement a adopté le 13 novembre 2014 la loi n°2014-1352 autorisant la ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte International sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels. Ce Protocole a été ratifié par la France le 18 mars 2015, et est entré en vigueur le 18 juin 2015. Compte tenu de cette récente entrée en vigueur, la France n’a pas encore enregistré de communication relative à une violation d’un des droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte.
A la lumière des paragraphes 65, 70 et 504 du rapport de l’Etat partie, donner des informations sur le statut du Pacte dans l’ordre juridique interne.
Sur la levée des réserves aux articles 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 30 de la Convention internationale des droits de l’enfant
7. Les principes consacrés à l’article 2 de la Constitution s’opposent à ce que l’article 27 du PIDCP et l’article 30 de la CIDE s’appliquent, à savoir celui de l’indivisibilité de la République et celui de l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction d’origine, de race ou de religion .
8. La France ne reconnait pas l’existence de «minorités ethniques, religieuses ou linguistiques». Les principes constitutionnels précités ne confèrent pas de droits collectifs à un groupe sur un fondement communautaire.
9. Cependant, la position française n’exclut pas le droit des populations autochtones d’outre-mer d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue. Par ailleurs, le cadre constitutionnel particulier de l’Outre-mer garantit la prise en compte des particularités locales.
10. Le Gouvernement n’entend donc pas lever ces deux réserves. Sur la Convention-Cadre pour la protection des minorités nationales
11. La doctrine traditionnelle du droit français en matière de minorités repose sur deux notions constitutionnelles fondamentales: l’égalité de droit des citoyens, qui implique la non-discrimination, et l’unité et l’indivisibilité de la nation, qui portent à la fois sur le territoire et la population.
12. Le Conseil d’Etat, saisi d’une demande d’avis sur la signature et la ratification de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, a considéré que celle-ci était, par son objet même, contraire à l’article 2 de la Constitution.
13. C’est la raison pour laquelle la France n’a ni signé ni ratifié cette Convention.
Sur la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
14. La France l’a signée le 7 mai 1999 et a formulé deux déclarations interprétatives à cette occasion. Le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, a déclaré que la Charte n’était pas conforme à la Constitution dans une décision du 15 juin 1999, considérant que, conformément aux articles 1er et 2 de la Constitution, la République est indivisible et sa langue est le français. Ces principes interdisent qu’il soit reconnu des droits, par exemple linguistiques, à un groupe humain identifié et distinct du corps national indivisible. Il ne peut exister des droits propres à certaines communautés. En revanche, ces principes n’interdisent pas de faire vivre notre patrimoine culturel, et donc linguistique, et d’accorder une place plus importante aux langues régionales dont l’article 75-1 de la Constitution a consacré l’appartenance au patrimoine national.
15. La France applique de nombreuses dispositions équivalentes à celles prévues par la Charte (enseignement des langues, équipements culturels, programmes audiovisuels).
Points relatifs aux dispositions générales du Pacte (art. 1er à 5) Article 1er, paragraphes 1 à 3 – Autodétermination et ressources naturelles
Donner des informations sur les avancées dans la mise en œuvre de l’Accord de Nouméa de 1998. Donner des clarifications sur le régime juridique des droits collectifs des populations autochtones d’outre-mer, en particulier en ce qui concerne l’autodétermination ainsi que l’usage de leurs ressources et de leurs terres.
En application de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999, la gestion des ressources naturelles appartient aux trois provinces de la Nouvelle-Calédonie (îles Loyauté, Nord, Sud) dès lors que cette compétence ne figure pas dans la liste des compétences de la Nouvelle-Calédonie (article 22 de la loi organique) ou de l’Etat (article 21).
La Nouvelle-Calédonie n’a qu’une compétence attributive en matière de droit de l’environnement limitée aux domaines suivants:
- le statut civil coutumier; terres coutumières et palabres coutumiers ; limites des aires coutumières;
- la réglementation et l’exercice des droits d’exploration, d’exploitation, de gestion et de conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques de la zone économique exclusive;
- la réglementation relative aux hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt. La Province sud de la Nouvelle-Calédonie a déjà adopté une réglementation locale de l’accès aux ressources biologiques et du partage des avantages résultant de leur valorisation (délibération n°06-200 du 18 février 2009). La Province nord envisage également d’adopter prochainement un projet de délibération visant à réglementer l’accès et l’utilisation de ses ressources naturelles. La loi organique prend en compte le régime de la terre ainsi que la nature particulière du lien existant entre les Kanaks et la terre. Elle donne ainsi une définition des terres coutumières (qui comprennent les réserves et agrandissements de réserves, les terres de clans, les terres -quel que soit leur statut initial- qui ont été rétrocédées au titre du lien à la terre à des groupements de droit particulier local) et définit leur régime: inaliénabilité, inaccessibilité, incommutabilité et insaisissabilité. La propriété collective de la terre est reconnue aux tribus. Le Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie, mis en place dans les accords de Nouméa, participe à l’élaboration de la norme en matière de droit foncier. L’agence de développement rural et d’aménagement foncier créée en 1988, a rétrocédé à la communauté mélanésienne environ 97000 hectares depuis 1989.La répartition foncière est aujourd’hui équilibrée puisque les terres coutumières occupent 17% de l’espace de la grande terre (contre 16% pour les terrains privés). Les liens ancestraux à la terre de beaucoup de clans kanaks ont pu être rétablis, totalement ou partiellement. Cependant, les revendications demeurent d’actualité et la question du niveau de satisfaction de la revendication foncière et des équilibres à atteindre doit être posée. Le stock de terrains détenu par l’Agence couvrait, fin 2013 une superficie d’environ 12600 hectares (80% en Province Nord). Sur 77% de ces terrains, l’absence de consensus entre les clans et les autorités coutumières ne permet pas de réaliser des rétrocessions dans des conditions sereines.