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Localiser le Temple de la littérature, visualiser le terrain de recherche La recherche s’est concentrée sur un périmètre délimité, celui la gestion du Centre du Temple de la littérature de Hà Nội. Afin de fluidifier la lecture et de permettre une meilleure visualisation du site, une présentation spatiale générale du Temple introduit le mémoire. Le site du Temple de la littérature se trouve dans la vieille ville de Hà Nội, légèrement à l’écart de son cœur historique28 . Au sud de l’ancienne Citadelle, le site du Temple est composé de trois secteurs : le secteur du Temple en lui-même (partie monumentale), le jardin Giám et le lac Văn sur lequel se trouve l’île Châu. L’ensemble de ces trois secteurs sont gérés par le Centre de gestion du Temple de la littérature. 28 Composé de la citadelle de Hà Nội, quartier des « trente-six rues de métiers ». Carte 1 – Localisation du TL dans la province de Hà Nội. Les limites administratives de la province ont été élargies en 2008. Plan 1 – Localisation du TL dans la ville de Hà Nội (source : IMV, 2017) 26 La surface totale du site compte 54 331 m2 29 . Le Temple est composé d’une entrée principale et de cinq cours qui se suivent. Les premières cours introduisent le visiteur dans le Temple. Entre la deuxième et la troisième cour, le pavillon de la constellation de la littérature (Khuê Văn Các) ouvre sur le bassin des Constellations autour duquel se trouvent les stèles des Docteurs vietnamiens. Il s’agit là du patrimoine majeur du Temple. La quatrième cour, également nommée cour des Sages, accueille le Temple dédié à Confucius. La dernière cour est celle du Collège des enfants de la nation (Quốc Tử Giám), c’est-àdire de l’ancienne université impériale. 29 IMV, « Étude préparatoire », p. 9 Planche 1 – Vue aérienne des trois secteurs du Temple de la littérature (source photos : www.reds.vn) 27 Plan 2 – La partie monumentale du site du Temple et ses cinq cours (source : IMV, 2017) Planche 2 – Visiter la partie monumentale du Temple – vue piétonne depuis son entrée jusqu’à sa dernière cour. 28 Le terrain de recherche (périmètre auburn sur le plan) est composé des trois secteurs du site du Temple de la littérature (monument, parc, lac), ainsi que de ses rives immédiates (rues Nguyễn Thái Học au nord, Văn Miêu à l’est, Quốc Tử Giám au sud, et Tôn Đức Thắng à l’Ouest). Le site se trouve à cheval sur plusieurs limites administratives urbaines (à la limite entre deux districts et dans quarte quartiers). Dans cette recherche, l’expression « le quartier du Temple » désigne en réalité le quartier Cat Linh, le quartier Văn Miêu, le quartier Văn Chương, le quartier Quốc Tử Giám.
Le Temple de la littérature, un patrimoine majeur du Việt Nam depuis son origine ?
Sans une analyse historique approfondie, les risques de se méprendre sur le sens et la fonction du Temple de la littérature sont importants. Le nom du monument suggère qu’il s’agit d’un site culturel (littérature), cultuel voire religieux (Temple). En réalité, la traduction française (Temple de la littérature) ne permet pas de comprendre la complexité des fonctions du site. Le Temple de la littérature n’est pas considéré par les Vietnamiens comme un site religieux, bien que Confucius et ses disciples y soient vénérés sur des autels devant lesquels prier30 . Le temple et l’université sont dédiés à la littérature (Temple de la littérature), mais ils accueillirent également des cours de politique et de sciences. Si le nom complet du site reflète à peine sa dimension politique (Collège des enfants de la nation31), l’actuel centre de gestion du Temple de la littérature est sous le contrôle de l’État. Ces paradoxes interrogent : quelle rôle politique joue ce centre culturel ? Comment comprendre qu’un centre culturel soit l’objet d’un culte, sans être pour autant religieux ? L’équation ici posée entre littérature, politique et sacré n’est pas évidente : dans un contexte français, elle traduirait une confusion conceptuelle. Éclaircir cette association grâce aux lumières de l’histoire devrait permettre de mieux saisir les enjeux contemporains vietnamiens en évitant toute transposition maladroite. Par ailleurs, alors que les pratiques touristiques et l’apparition du temps libre sont récentes au Việt Nam, le Temple de la littérature connaît un regain d’intérêt spectaculaire, notamment de la part des Vietnamiens. Plusieurs discours occidentaux32, perplexes devant le délabrement des maisons coloniales par exemple, affirment que les Vietnamiens sont insensibles aux monuments historiques. Si cette affirmation est vraie, comment expliquer l’attrait du public pour le Temple de la littérature ? Afin de comprendre le sens des pratiques vietnamiennes, ainsi que les recompositions de ces dernières, il faut saisir les continuités et ruptures historiques dans lesquelles elles s’ancrent.
- Le Temple de la littérature, un centre intellectuel et culturel au cœur d’enjeux politiques
Le Temple de la littérature est considéré par l’État comme l’un de ses « vestiges historiques […] d’importance nationale » 33. Le vestige est pourtant un symbole du confucianisme, doctrine contre laquelle s’est fondé l’État communiste. Quel symbole politique est actuellement reconnu dans le Temple de la littérature par l’État ? Pour ébaucher une réponse, il faudra retracer l’évolution politique et symbolique du site. 1. 1070-1886 : le Temple de la littérature, centre névralgique du pouvoir confucéen34 Le Temple de la littérature est intimement lié à la formation de l’État vietnamien. Au XIe siècle, le Việt Nam prend son indépendance vis-à-vis de la Chine. La dynastie Lý fonde le Đại Việt 35 et dote le pays de son propre appareil administratif ; il se fonde toutefois sur le système chinois confucéen36. Le Temple de la littérature est l’un des appareils centraux de ce nouvel État : il le restera jusqu’en 1919. Comment le pouvoir politique se construit-il de manière pérenne par le biais d’une institution culturelle et intellectuelle ? Quels sont les effets de cette association entre politique et littérature ? Répondre à ces questions permet de mieux saisir les enjeux liés à l’éducation aujourd’hui. Le Temple de la littérature : lorsque la « littérature » devient un outil fondamental du politique Le confucianisme se caractérise par une vision du monde hiérarchisée et patriarcale au sommet duquel règne un souverain désigné par les Cieux. Autorité incontestable, le souverain gouverne pour le bien du peuple par l’intermédiaire des mandarins, les fonctionnaires d’État recrutés sur concours mandarinaux. Le Collège des enfants de la nation de Hà Nội fut la première université à former ces mandarins. Il resta au cours des siècles la plus prestigieuse des universités et le plus important centre de passage des examens mandarinaux. On comprend alors comment politique, littérature et sacré ont été associés au cours des siècles. L’université était le lieu de formation des agents du souverain, lui-même mandaté par les dieux pour assurer le bonheur de la nation. Une telle doctrine octroie une puissance de contrôle considérable au souverain et à l’État. C’est la raison pour laquelle elle fut choisie comme doctrine d’État par l’empereur Lý Thái Tổ, fondateur du Đại Việt lorsque les Vietnamiens s’affirmaient contre l’Empire chinois, l’ancienne puissance dominante37. De fait, le Temple de la littérature (Văn Miêu) puis le Collège des enfants de la nation (Quốc Tử Giám) furent créés à peine soixante-dix ans après l’indépendance du Đại Việt en 1010. Ces institutions nécessaires au fonctionnement de l’État confucéen se développèrent avec la consolidation de ce dernier. Sous la dynastie Trần par exemple38, pour effacer l’autorité des bonzes perçus contre des contre-pouvoirs à l’État, les épreuves de taoïsme et du bouddhisme furent supprimées. Seuls comptait la connaissance aiguë et par cœur des classiques confucéens. Les concours, ou simplement leur préparation, signifiaient pour des générations de candidats de se mouler au même cadre confucéen. Le Temple de la littérature permettait donc d’accéder au pouvoir à condition de s’être acculturé à la doctrine d’État. Il convient de préciser comment cette culture d’État s’étendit à l’ensemble du Đại Việt. Le Temple de la littérature, centre de diffusion du confucianisme à l’échelle nationale Le Temple de la littérature accultura progressivement mais efficacement la population à un même ensemble de valeurs. D’une part, les concours du Collège des enfants de la nation se sont périodiquement ouverts à l’ensemble des candidats du Đại Việt. D’autre part, les mandarins étaient envoyés ou renvoyés sur l’ensemble du territoire pour assurer sa gestion conformément aux décisions de la cour. Ce double mouvement vers un même lieu (le Collège des enfants de la nation), avec un même objectif (devenir mandarin), puis de ce même lieu (le Collège des enfants de la nation) vers l’ensemble du territoire diffusa efficacement le confucianisme jusqu’au moindre village. Sous la période Trần en particulier (1225 – 1400), les concours du Collège des enfants de la nation devinrent accessibles aux villageois. Afin d’augmenter les chances de sélection des candidats provinciaux, des écoles privées s’ouvrirent partout dans le pays. Pour la première fois en 1256, la nouvelle promotion de mandarins distinguait des lauréats venus de la capitale, du delta et des « bastions montagneux » (terres du sud aux marges du royaume)39. Si sous d’autres dynasties, telle celle des Lê, les concours du Temple de la littérature favorisèrent le recrutement de candidats hanoïens, on voit comment les examens mandarinaux purent devenir une expérience vietnamienne partagée, qu’ils aient été vécus dans la cour du Collège des enfants de la nation ou désirés au cours de parcours scolaires. Dans un mouvement parallèle au recrutement national des candidats, le Collège des enfants de la nation renvoyait sur l’ensemble du territoire ses mandarins. À la fin du XIVe siècle, les Trần nommaient dans chaque province un mandarin méritant pour en assurer la gestion. Nommé « envoyé chargé de maintenir l’ordre » (An Phu Su), ces mandarins diffusèrent la doctrine sur le territoire et lui donnèrent un visage concret. Devenir mandarin signifiait servir la nation et accéder au plus haut rang de la société, prestige ultime. Par conséquent, leur école, le Temple de la Littérature, et le moyen d’accès, les études, furent sacralisées.
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