L’introduction des langues nationales dans le système éducatif formel
Exploitation des données (grilles, guides, questionnaires et manuels)
Les informations du corpus nous ont permis de faire une étude qualitative de cette introduction des langues nationales. Pour ce faire, l’exploitation de ces données est basée sur une description exhaustive, objective et systématique des données. Ainsi, cette exploitation est effectuée sur les guides d’entretien, les questionnaires destinés aux enseignants et aux élèves, les grilles d’observations de classes et des informations recueillies de l’exploitation des manuels. Elles sont fondées sur le pilotage, la formation des enseignants, le matériel didactique et les enseignements-apprentissages.
Exploitation des données sur le pilotage du programme ELAN
Pour avoir des informations sur le pilotage, des membres du comité de pilotage et du comité technique, des enseignants et Directeurs ont été interrogés. C’est ainsi que, toutes les interrogations faites sur la question de l’introduction des LN dans le système éducatif formel et du modèle ELAN ont eu des réponses positives du côté des autorités comme du côté des enseignants et Directeurs d’école. Tous ont jugé opportun le bilinguisme, pour des raisons suivantes: du point de vue pédagogique, il permet de faciliter les enseignements du français, du point de vue didactique, il permet d’améliorer les enseignements-apprentissages et du point de vue culturel, il permet de donner aux apprenants un contact vivant avec leurs réalités et les enracines dans leurs cultures. Par contre, un parmi les autorités dit que le programme ELAN ne rend pas service au LN, car il intervient dans six langues seulement et les autres vont accuser de retard. Le comité de pilotage donne les orientations et prend les décisions; le comité technique s’occupe de la mise en œuvre des activités planifiées par le comité de pilotage. Pour la répartition des postes de responsabilités, les réponses recueillies ont fait savoir que chaque structure visitée lors de nos recherches est un organe de gestion dans ce programme. De ce fait, la DPRE est le point focal et le principal responsable de ce programme au niveau nationale et sert d’interface entre le ministère et l’OIF. La DEE qui assure la coordination technique est responsable de la mise en œuvre et du comité technique de ce programme. L’INEADE et la DALN sont des organes techniques qui assurent la mise en œuvre de cette initiative. Le CNRE gère les fonds du programme ELAN. Des rencontres périodiques sont organisées: pour le comité de pilotage, sont organisées dans chaque six mois par la DEE. Pour le comité technique, sont organisées dans chaque trois mois car il est plus sollicité. Cependant, la présence de tous les membres n’est pas obligatoire à cause de leur programme chargé ou des rencontres spécifiques. 116 Les décisions prises par les comités sont mises en œuvre par rapport aux activités planifiées et la réalisation est assurée par les différents services. Par contre, pour le suivi de ce programme au niveau des écoles, les enseignants qui ont fait trois ans (ou moins) d’expérimentation ont dit n’avoir jamais vu un agent du programme ELAN dans leurs écoles. C’est seulement ceux qui en ont fait plus de trois ans qui ont répondu par l’affirmation car ils ont eu une visite de leur IEF. Mais aussi, tous les enseignants et Directeurs ont répondu peusatisfait de l’exécution des taches de ce programme et accusent l’insuffisance de la durée de la formation, le manque de suivi et de documentation. Concernant les résultats de l’expérimentation, une partie des autorités dit peu-satisfait et donne comme argument le manque de suivi de ce programme. Néant moins, ils pensent tous à la généralisation du bilinguisme dans toutes les écoles primaires. Leur stratégie est de suivre le schéma directeur et avec l’appui des organisations partenaires. En outre, ils avancent l’idée que la documentation est disponible et les enseignants sont formés. Les enseignants et Directeurs ne disent pas le contraire pour la généralisation car pour eux le bilinguisme facilite et améliore les enseignements-apprentissages mais ils posent des conditions telles que; la documentation, la formation et le suivi. D’après les autorités, il est prévu de sanctionner ces apprentissages bilingues par un diplôme à la fin du cycle. Dans les écoles, les expérimentateurs disent le contraire, car pour eux, même avec les évaluations standardisées programmées par l’IEF, il n’est pas prévu une épreuve pour les LN. Pour les autorités, ces classes bilingues ouvrent en même temps que les classes classiques. Alors que, les enseignants et Directeurs se plaignent du retard de l’arrivée des documents et du démarrage tardif des enseignements bilingues. Pour certaines autorités, les enseignants sont rémunérés. Par contre, ces derniers veulent être motivés financièrement. D’après les autorités, avant l’introduction des LN une campagne de sensibilisation a été menée d’où la notion de «adhésion communautaire». Cependant, pour les enseignants et Directeurs cette sensibilisation n’avait pas concerné toute la population car une partie était réticente au point qu’elle retirait leurs enfants ou faisait des menaces.
Exploitation des données sur la formation des enseignants
Ces informations ont été collectées auprès des enseignants expérimentateurs et des Directeurs des écoles expérimentales à l’aide des questionnaires et des grilles d’observations de classes. Ainsi, les enseignants et Directeurs expérimentateurs ont comme diplômes académiques: le BFEM, le Bac ou Bac et plus. Ils ont tous fait plus de cinq ans d’enseignement et ont obtenu les diplômes professionnels, le CEAP pour les uns et le CAP pour les autres. Les enseignants expérimentateurs qui tiennent les classes de CM1 ont fait une durée de 3 à 4 ans d’expérimentation et ceux qui tenaient les classes de CE1 expérimentent depuis 1 à 2 ans. Tous les enseignants interrogés, parlent le pulaar (leur langue maternelle) mais le degré de compréhension, pour les uns, est moyen et pour les autres, est bon. Cependant, parmi les deux Directeurs, l’un ne parle pas le pulaar et a comme langue maternelle le mandinka. Concernant l’apprentissage de la langue pulaar, la majeure partie des enseignants ont répondu par la négation, ils n’ont jamais suivi un cours en langue nationale. Par contre, d’autres ont suivi des cours d’alphabétisation. D’après les autorités, le choix des enseignants expérimentateurs se base sur les critères de la maîtrise de la langue, de l’engagement et de ceux qui ont participé à l’expérimentation de 2002. Par ailleurs, le constat fait à travers les observations de séquences pédagogiques a confirmé ce manque de formation. Bien qu’ils maîtrisent la langue à l’oral beaucoup de problèmes se posent à l’écrit. Les enseignants comme les Directeurs disent qu’ils n’ont jamais suivi une formation en didactique des langues nationales durant leurs cursus ou leurs formations initiales en tant que maître. La seule formation qu’ils ont suivie, est celle organisée par le programme ELAN, dans laquelle, ils ont subi une formation en enseignement bilingue. D’ailleurs, tous les enseignants et Directeurs ne sont pas satisfaits de cette formation, car elle n’a duré que deux semaines et d’autres parlent même d’une durée de 7 à 10 jours. En effet, au cours des observations de séances pédagogiques, cette absence de formation a été notée au moment d’effectuer le transfert des connaissances du pulaar au français. Par exemple, après avoir bien déroulé un cours en pulaar, au lieu d’effectuer un transfert des acquis, parfois c’est une pure traduction des concepts pulaar en français.
Exploitation des données sur le matériel didactique et pédagogique
Ces données ont été collectées sur la forme et le fond des manuels, par un questionnaire soumis aux enseignants et à travers les cours déroulés par les enseignants expérimentateurs. Donc, les résultats obtenus sont: D’après les enseignants et Directeur, ils disposent des supports pédagogiques tels que: la fiche de transfert et la terminologie. Ils les jugent peu satisfaisant du point de vue de leur qualité et pas satisfait du point de vue de leur quantité. Les seuls supports didactiques dont ils disposent sont les manuels. Pour le matériel didactique, certains en disposent et d’autres n’en disposent pas. Mais, eux tous ont avancé les mêmes arguments; ils utilisent le matériel déjà disponible pour l’enseignement du français et ce matériel est peu satisfaisant pour leur qualité mais pas satisfaisant pour leur quantité. Concernant les manuels, la majeure partie des expérimentateurs est peu satisfaite de leur qualité et de leur quantité. Ainsi, ils disent que le pulaar qui se trouve dans les manuels est différent à certains niveaux du pulaar du milieu. Cependant, ils sont tous d’accord que les manuels sont en harmonie avec le CEB et les réalités socioculturelles des élèves. Certains enseignants disposent de dictionnaire bilingue (terminologie) et d’autres n’en disposent pas, car cette terminologie est insignifiante par rapport à leurs besoins et qu’ils ont du mal à se retrouver à cause de la pauvreté du lexique et le fait qu’ils ont du mal à décortiquer certains concepts exprimés dans les autres variantes. Les observations de classes ont été effectuées dans trois classes, deux classes de CM1 et une classe de CE1. Aux CM1, trois cours ont été déroulés dans les domaines de: ESVS, LC et Math et un cours de Math a été déroulé à la classe de CE1. Pour dérouler ces cours, les maîtres ne détenaient aucun document et n’ont présenté aucune fiche. Du côté des apprenants, une absence totale de documents est également notée durant tous les cours et aucun outil n’a été présenté pour dérouler ces cours. L’exploitation des manuels a été effectuée dans les écoles avec les manuels disponibles: les manuels de CI, CP et CE1 en LC et Math. Parmi les manuels trouvés sur place, seuls les manuels de CE1 en LC et leur guide ont été produits par ELAN. Au contraire, les manuels de CI, CP appartiennent à l’ONG ARED. Le nombre de manuels disponibles est insuffisant par rapport au nombre d’élèves des classes bilingues. La forme des manuels, autrement dit la distribution des leçons et la présentation des activités dans ces manuels sont en parfaite harmonie avec le CEB. Cependant, pour le fond des manuels, beaucoup de problèmes ont été notés du point de vue linguistique. Le premier constat fait, c’est que les discours oraux ont été transcrits directement 119 en discours écrits dans les manuels. Deuxième constat, il y a certains concepts empruntés du français qui existe en pulaar. Ils sont exprimés tantôt en pulaar, tantôt en français dans les manuels. Troisième constat, ce sont les erreurs orthographiques et grammaticales en pulaar retrouvées dans ces manuels et la traduction pure et dure des manuels français en pulaar.
Exploitation des données sur l’enseignement-Apprentissage
Pour recueillir ces données, une rubrique a été consacrée à l’enseignementapprentissage dans le questionnaire des enseignants, en plus du questionnaire destiné aux élèves, une observation de classe a été effectuée. C’est ainsi que, la langue pulaar n’est pas la langue maternelle ou première de tous les apprenants. Cependant, ils parlent tous le pulaar même si d’autres parlent plusieurs langues avec leurs amis ou parents. Les apprenants utilisent beaucoup plus le pulaar que le français même à l’école encore moins dans les classes pour s’adresser à leurs maîtres. Par contre, d’autres s’expriment en français en classe ou ailleurs. Concernant la compréhension des leçons en pulaar, il y a deux groupes qui se présentent: le premier groupe constitué de ceux qui ont une bonne compréhension du pulaar (la majeure partie comprend plus les explications du maître en pulaar qu’en français et les autres ont une bonne compréhension dans les deux langues). Pour le deuxième groupe, les uns ont du mal à comprendre les leçons en pulaar et pour les autres la compréhension est moyenne. Ce qui est à l’origine de ce manque de compréhension: pour certains, ils n’ont jamais fait les classes bilingues précédemment, car étant redoublants de la classe ou nouveaux venus dans l’école. Pour d’autres, c’est le fait qu’ils ont du mal à comprendre certains concepts dans les manuels. D’après les apprenants, ils n’ont aucun document en pulaar pour poursuivre les apprentissages à la maison. Ils n’ont reçu que des documents en français. Ils ont alors des difficultés en LC, en ESVS mais ont moins de difficultés en Math. L’introduction du bilinguisme se fait intégralement (en oral et écrit) à la deuxième année de l’étape1 et se termine à l’étape 3, c’est-à-dire, le pulaar est enseigné au CI jusqu’au CM1. Le français débuté au CI (au deuxième semestre en oral) continu au CM2. En réalité, l’expérimentation n’était plus pratiquée dans les classes de CM1. D’après les enseignants ayant le souci de ne pas terminer le programme par rapport aux classes monolingues avec des futurs candidats et l’incertitude que les élèves soient évalués en pulaar au CFEE, ils retournent au système classique (les enseignements en français). Les informations recueillies montrent que tous les maîtres expérimentateurs ont des difficultés dans l’enseignement du pulaar. En effet, les nouveaux maîtres disent avoir beaucoup plus de difficultés à la préparation des cours et qu’ils font recours aux autres 120 enseignant expérimentateurs. Ces derniers aussi ont d’énormes difficultés sur la grammaire du pulaar, à l’insuffisance de documents et de la pauvreté du document de la terminologie. Ils ont également des difficultés relatives à la transmission des connaissances. Ils posent encore le même problème du lexique dans les manuels du pulaar par rapport au pulaar parlé par les apprenants. En effet, dans ces situations, ils essaient d’adapter le lexique des manuels à celui du pulaar des apprenants et qu’eux même ont parfois du mal à comprendre certains termes des manuels. Mais encore, ils n’utilisent pas les mêmes méthodes de lecture ou d’enseignement pour dispenser leurs cours. Ils montrent alors la pertinence de chaque méthode. Après chaque séance, ils organisent des devoirs dans les classes bilingues. A travers les observations de séquences pédagogiques, les constats faits sont: – Les interactions maître-élèves étaient présentes. – Les interactions élèves-maître étaient absentes. – Les interactions élève-élèves étaient absentes. La méthode d’enseignement utilisée par les enseignants est la méthode active dans les deux langues. Le temps de la parole du maître est beaucoup plus supérieur à celui des apprenants. Ces derniers ne parlaient que pour répondre à des questions du maître qui répondait déjà à moitié et dégageait lui-même les règles. Le constat fait sur le passage du pulaar L1 et du français L2: – Le temps utilisé en L1 est égal au temps utilisé en L2. – Presque les mêmes phrases ou concepts sont utilisées en L1 et en L2. – Presque les mêmes questions sont posées par le maître en L1 et en L2. Au lieu d’effectuer un transfert des contenus, nous avons vu le plus souvent une traduction des éléments clés. Parfois même, nous avons l’impression que la leçon a été conçue premièrement en français pour être dispensée en pulaar. Pour les intrants: – Les outils pédagogiques étaient absents. – Les outils didactiques étaient absents. – Des séances d’expériences étaient absentes. Il n’y avait pas d’outils pour appuyer les explications du maître. Mais aussi, il n’y avait aucun référent (des images ou des expériences) ni avec les maîtres, ni avec les apprenants pour contextualiser les explications du maître. Par exemple: la leçon dispensée par un maître de CM1 en ESVS (IST) à comme titre les propriétés de l’air. Il a exprimé le besoin de dérouler ce cours avec un matériel tel que: un ballon, une balance, une pompe à bicyclette pour faire une expérience en pesant le ballon et faire une comparaison de poids entre chambre à air vide et une autre gonflée. En plus, il devait y avoir des documents ou des images pour montrer les matériels qui fournissent de l’air tels que le ventilateur, l’éventail, etc.
SOMMAIRE |