Définitions, typologies et prévalence
L’intimidation peut se définir par un comportement qui rencontre les trois critères suivants :
1) agression verbale, physique, relationnelle ou sociale
2) répétée dans le temps, et
3) impliquant une différence de pouvoirs (Centers for Disease Control and Prevention 2014; National Center for Injury Prevention and Control, 2016; Olweus, 1993).
L’agression physique peut inclure les coups et les jambettes dans le but de faire tomber. L’agression verbale inclut, par exemple, les injures et les mots dits dans le but d’agacer ou de taquiner et, finalement, l’agression relationnelle/sociale comprend des éléments comme les rumeurs et l’exclusion (National Center for Injury Prevention and Control, 2016). L’ensemble de ces formes d’agression sont assez fréquentes chez les adolescents puisque, selon une étude récente, un sur trois déclare avoir été victime d’intimidation (Statistique Canada, 2016). De plus, les adolescents considèrent que le poids est la principale caractéristique personnelle pour laquelle les jeunes sont le plus à risque de se faire intimider à l’école (Puhl, Luedicke & Heuer, 2011). Par exemple, au moins 84 % d’entre eux rapportent avoir été témoins de moqueries stigmatisantes sur le poids envers leurs pairs qui présentent de l’obésité (Puhl et al., 2011). Les résultats de l’étude de Puhl, Peterson et Luedicke (2013) montrent que 64 % des jeunes en surpoids ont vécu de l’intimidation liée à leur poids. Parmi ces jeunes intimidés, les deux raisons les plus fréquentes d’intimidation sont le poids (94 %) et l’apparence (89 %). Dans cette étude, les pairs (92 %) et les amis (70 %) étaient les intimidateurs les plus souvent rapportés. Puhl et al. (2013) n’ont pas évalué si l’intimidation pouvait être perpétrée par un amoureux.
Toutefois, comme l’intimidation se produit également dans le contexte amoureux (Offenhauer, 2015), il est possible de penser que le poids pourrait être relié à cette forme d’intimidation. Dans ce cas-ci, lorsque l’intimidation se produit dans le contexte où les deux personnes sont dans une relation intime, on parle de violence intime (Roberts, 2001). La violence intime à l’adolescence se définit par de la violence physique (pincer, frapper, pousser ou donner des coups de pied), émotionnelle (menaces, préjudices, injures, humilier, intimider) ou sexuelle entre deux personnes qui sont dans une relation intime (Centers for Disease Control and Prevention, 2015). En effet, les comportements inclus dans l’intimidation et la violence intime à l’adolescence sont similaires, bien que la relation entre l’intimidateur et l’intimidé soit dans un contexte d’intimité (Roberts, 2001). Dans le cadre du présent projet, le terme employé sera l’intimidation dans les relations amoureuses. L’intimidation sera évaluée sous forme verbale incluant les commentaires à l’égard du poids. Le choix du terme employé est basé sur la récente étude de Hertzog, Harpel et Rowley (2016) qui ont évalué la vision du personnel scolaire, des jeunes adolescents et des parents, afin de déterminer quels comportements constituent l’intimidation ou la violence intime.
Selon ces auteurs, malgré que la majorité des jeunes adolescents aient catégorisé 8 des 11 comportements proposés comme faisant partie à la fois de l’intimidation et de la violence intime, les jeunes étaient tout de même moins enclins que les adultes à classifier ces comportements comme faisant partie des deux catégories. Les auteurs expliquent ces résultats par le fait que les jeunes adolescents se retrouvent davantage dans le stade des opérations concrètes du développement cognitif (Piaget & Inhelder, 1969). Ainsi leur habileté à penser de façon hypothétique et abstraite peut être limitée et basée sur leur propre réalité. Les relations avec les pairs (qui peuvent les exposer à l’intimidation), peuvent refléter davantage les expériences des jeunes adolescents que les relations amoureuses (qui peuvent les exposer à la violence intime). De ce fait, puisque cette recherche implique des jeunes adolescents, le terme intimidation dans les relations amoureuses nous semble le plus adéquat pour les décrire. L’intimidation dans les relations amoureuses constitue un problème majeur sur lequel il est important de se pencher.
En effet, les chercheurs de l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011, réalisée auprès d’un échantillon représentatif des élèves québécois fréquentant l’école secondaire, ont observé une prévalence élevée de l’intimidation au sein des fréquentations amoureuses des adolescents (Pica et al., 2013). Les résultats révèlent des données inquiétantes : parmi ceux en couple durant la dernière année, 30 % des élèves rapportent avoir subi, de la part de leur partenaire, au moins une forme d’intimidation, soit psychologique (22 %), physique (12 %) ou sexuelle (10 %) et 11 % des jeunes qui rapportent avoir eu une relation amoureuse au cours des 12 derniers mois déclarent avoir subi deux ou trois de ces formes d’intimidation. Chez les intimidateurs, un sur quatre déclare avoir infligé au moins une forme d’intimidation, qu’elle soit de nature psychologique (17 %), physique (13 %) ou sexuelle (2,7 %). De plus, 7 % des jeunes engagés dans une relation amoureuse mentionnent qu’ils ont infligé à leur partenaire deux de ces formes d’intimidation ou les trois.
Satisfaction de l’image corporelle. La sous-échelle de satisfaction de son apparence de la traduction française du Body Esteem Scale for Adolescents and Adults (Mendelson, Mendelson & White, 2001) a permis d’évaluer la satisfaction des adolescents à l’égard de leur apparence. Cette mesure autorapportée comprend 10 items évaluant les sentiments généraux des participants envers leur apparence physique (p. ex., « J’aime mon allure en photos »). Un des items de cette échelle a cependant été retiré étant donné le jeune âge des participants (« Je crois que mon apparence me permettrait de décrocher un emploi »). Les réponses étaient indiquées sur une échelle de type Likert à cinq points, allant de 0 (jamais) à 4 (toujours). La version française du Body Esteem Scale for Adolescents and Adults (Mendelson et al., 2001) a été validée auprès des adolescents (Rousseau, Denieul, Lentillon, & Valls., 2014; Rousseau, Valls & Chabrol., 2015) et les qualités psychométriques sont jugées satisfaisantes. Dans le présent échantillon, l’outil présente une très bonne cohérence interne, avec un alpha de 0,92.
La satisfaction de l’image corporelle a aussi été évaluée à partir de l’échelle d’évaluation de la silhouette (Collins, 1991), qui consiste en une série de sept figures (ou silhouettes) de caractères simples, représentant, de face, le corps des adolescents et des adolescentes. Chaque série de corps (une pour chaque sexe) présente, du plus maigre au plus gros, les différences de corpulence entre les silhouettes allant d’une silhouette très maigre à une silhouette plus corpulente. Chaque participant est invité à indiquer, après visualisation des sept figures celle qui lui correspond le mieux (corps perçu) et celle qui correspond à ce qu’il/elle voudrait être (corps idéal). La différence entre corps idéal et corps perçu (soit entre les deux silhouettes choisies) ou bien la distance entre « l’idéal » et « la réalité » (Bruchon-Schweitzer, 1990) peut être interprétée comme une mesure de l’insatisfaction corporelle (Gardner, Friedman, & Jackson, 1999). Un score négatif indique un désir d’être plus « mince »; un score positif suggère un désir d’être plus « large/corpulent », alors que la valeur absolue de cette différence indique le niveau d’insatisfaction corporelle (allant de 0 à 7). Cette mesure a une bonne validité et fiabilité chez les enfants et les adolescents (Collins, 1991; Ledoux, Mongeau & Rivard, 2002). La version française du Fear of Negative Appearance Evaluation Scale (5 items) (Lundgren, Anderson, & Thompson, 2004) utilisée par l’Association de la santé publique et traduite par Maïano, Morin, Monthuy-Blanc, et Garbarino (2010), a aussi permis de mesurer les appréhensions à recevoir des évaluations négatives de l’apparence par autrui, l’évitement à être évalué physiquement et l’attente d’être évalué négativement physiquement. Cette échelle est de type Likert à 6 points (1 = Jamais à 6 = Je ne peux pas me prononcer). La version française de cette échelle a été validée auprès d’une population d’adolescents et les qualités psychométriques sont jugées satisfaisantes (Maïano, Morin, Monthuy-Blanc, & Garbarino, 2010). Cette mesure présente un coefficient de cohérence interne de 0,92 dans le présent échantillon.
Être en couple chez les jeunes de première et de quatrième secondaire Une analyse multivariée de la variance (MANOVA 2 x 2) a été effectuée pour évaluer l’effet d’être en couple et du sexe sur l’estime de soi, la satisfaction de son apparence et la peur de l’évaluation négative de son apparence par autrui, en contrôlant pour le niveau scolaire. Les résultats révèlent un effet d’interaction entre le sexe et le fait d’être en couple, Trace de Pillai, V = 0,01, F(3, 706) = 2,81, p < 0,05. Les résultats indiquent également un effet principal du sexe, Trace de Pillai, V = 0,15, F(3, 706) = 40,02, p < 0,001, et du niveau scolaire, Trace de Pillai V = 0,11, F(3, 706) = 29,54, p < 0,001. L’effet principal pour la variable couple est non significatif, Trace de Pillai V = 0,003, F(3, 706) = 0,82, p ˃ 0,05. Plus spécifiquement, les résultats des analyses univariées (voir Tableau 2 pour les tailles d’effet, η2; voir Tableau 3, p. 32 pour les moyennes) révèlent un effet d’interaction entre le sexe et le fait d’être en couple pour les trois variables dépendantes. Ces résultats indiquent que les garçons en couple n’ont pas une moyenne significativement plus grande d’estime de soi que ceux qui ne sont pas en couple.
Quant aux filles, la moyenne d’estime de soi est significativement plus faible chez celles en couple par rapport à celles qui ne le sont pas. De plus, les garçons en couple n’ont pas une moyenne significativement plus grande de satisfaction corporelle que ceux qui ne sont pas en couple, alors que chez les filles, la moyenne est significativement plus faible chez celles en couple par rapport à celles qui ne le sont pas. En ce qui a trait à la peur de l’évaluation négative de son apparence, les garçons en couple n’ont pas une moyenne significativement plus grande que ceux qui ne sont pas en couple, alors que chez les filles, la moyenne est significativement plus élevée chez celles en couple par rapport à celles qui ne le sont pas. L’analyse des données révèle également un effet principal du sexe. Ainsi, en comparaison avec les filles, les garçons obtiennent une moyenne plus élevée d’estime de soi et de satisfaction de son apparence et une moyenne plus faible quant à la peur négative de son apparence. Le fait d’être en couple n’a pas d’effet principal sur les trois variables dépendantes, malgré la présence d’une interaction sexe*couple. En résumé, ces résultats indiquent que les filles ont moins d’estime de soi, plus d’insatisfaction corporelle et ont une plus grande peur de l’évaluation négative de leur apparence que les garçons, et que ces différences sont plus élevées chez les filles en couple. En ce qui a trait au niveau scolaire, les élèves de 1re secondaire ont une meilleure estime de soi, une meilleure satisfaction de leur apparence et une moins grande peur de l’évaluation négative de leur apparence que les élèves de 4e secondaire.
Résumé |