L’INTERET DU SUIVI THERAPEUTIQUE DANS LES THERAPIES CIBLEES
L’avènement d’une médecine de précision a.k.a. 4P Médecine (i.e. Préventive, Prédictive, Participative et Personnalisée) en oncologie repose essentiellement, aujourd’hui, sur le démembrement de la biologie du cancer permettant, en fonction des particularités génétiques et moléculaires de chaque tumeur, d’affiner la stratégie thérapeutique à adopter en éclairant l’oncologue sur le meilleur choix des molécules ciblées à utiliser pour un patient donné. Toutefois, au-delà d’un meilleur rationnel quant aux choix des molécules, une médecine personnalisée en oncologie repose également sur une stratégie d’individualisation des schémas posologiques, intégrant la dimension de variabilité interindividuelle affectant les paramètres pharmacocinétiques de chaque patient. En effet, de nombreux facteurs (polymorphismes génétiques, non-respect des conditions de prise, interactions médicamenteuses, comorbidités, ..) sont susceptibles de modifier la relation dose-exposition des patients, et par là même la réponse pharmacodynamique (efficacité, toxicité). Le suivi thérapeutique, couplé à des approches de modélisation, devrait permettre une personnalisation des schémas posologiques des thérapies ciblées orales en s’émancipant de la prise en charge majoritaire actuelle, consistant à traiter les patients de manière uniforme, et ce, indépendamment de leurs caractéristiques individuelles.
Les thérapies ciblées orales ; une rupture technologique en oncologie.
Les premières thérapies ciblées orales sont apparues au début des années 2000 et ont connu un administrés par voie parentérale73–75. Les thérapies ciblées orales s’inscrivent dans une stratégie de « médecine de précision ». Ces nouveaux traitements sont développés dans le but de bloquer des anomalies moléculaires identifiées dans la tumeur afin d’annihiler les Le coût des thérapies ciblées est relativement important. Sur la base des prix faciaux, il faut débourser en moyenne 3 000 euros HT pour un mois de traitement (certaines spécialités dépassant les 6 000 euros HT), ce qui classe ces thérapeutiques dans la catégorie des médicaments onéreux.
Relation concentrations effet des thérapies ciblées
La quasi-totalité des médicaments anti-cancéreux suit une loi dose-exposition-effet. Il existe donc une relation directe entre la dose administrée, l’exposition plasmatique et la pharmacodynamie (toxicité, efficacité). Le médicament dont les relations PK/PD ont été le plus étudiées est l’imatinib qui fût le premier traitement de la classe des inhibiteurs tyrosine kinase. De nombreuses études ont ainsi démontré que des taux résiduels de l’ordre de 800 à 1000 ng/ml étaient associés à une réponse moléculaire complète chez les patients atteints de LMC et de GIST76,77. Houk et al., ont quant à eux montré qu’une augmentation de l’exposition plasmatique du sunitinib et de son métabolite actif était associée à une amélioration de la réponse clinique avec notamment une amélioration de la survie sans progression, de la survie globale ou encore ng/ml sont associés à un risque accru de perfusion pleurale avec le dasatinib80. Lacy et al. ont comparé l’exposition moyenne au cabozantinib lorsqu’il est administré à 60 mg par rapport à des expositions moyennes à 40 et 20 mg. Ils ont ainsi démontré que des expositions plasmatiques plus faibles en relation avec l’administration de doses plus faibles étaient associées à un risque plus élevé de progression de la maladie ou de décès, tandis qu’une exposition élevée au médicament était associée à un risque plus important d’apparition .
En raison de cette relation concentration-effet, l’augmentation de l’exposition est aussi liée à un plus grand risque de développer des effets indésirables potentiellement sévères. Des études complémentaires en situation de « vie réelle » ont permis de confirmer les relations PK/PD d’un grand nombre d’autres thérapies ciblées orales. Au-delà de ces relations, il a été souvent possible de préciser la fenêtre thérapeutique des diverses thérapies ciblées orales aujourd’hui présentes sur le marché75 ; c’est-à-dire d’identifier le niveau d’exposition, le plus souvent représenté par un taux résiduel associé à un bénéfice clinique sans entrainer de toxicités préjudiciables pour le patient. Cette connaissance quasi-exhaustive des cibles thérapeutiques ouvre la voie à des stratégies d’individualisation des posologies par la connaissance des paramètres pharmacocinétiques individuels de chaque patient, ces paramètres permettant de recalculer si besoin une dose pour atteindre un niveau d’exposition cible à un instant-t.
Elles sont généralement développées en dose unique (« flat-dose ») suite à des études d’escalade de doses effectuées lors d’essais cliniques de phase I, impliquant uniquement une petite population de patients hautement sélectionnés, homogènes, avec peu de comorbidités et un contrôle strict des co-médications et de l’hygiène de vie. Cependant, en situation de vie réelle, la population de patients est bien plus hétérogène (âge, taille, poids, sexe, Pour l’ensemble de ces raisons, il apparait peu probable qu’une dose unique issue d’une étude en situation contrôlée, puisse convenir à l’ensemble des patients à traiter. Le suivi thérapeutique pharmacologique (STP) associé à des stratégies d’optimisation de doses apparait alors comme une alternative intéressante permettant d’intégrer les problèmes de variation interindividuelle et d’améliorer la prise en charge, notamment des patients atypiques, en optimisant l’efficacité du traitement tout en minimisant le risque d’effets indésirables délétères pour la qualité de vie.