Dans la cour de récréation d’un centre de loisirs, Édouard, enfant en situation de handicap, participe à des combats acharnés de toupies Beyblade avec d’autres enfants. Ils sont tous des bladeurs. Un après-midi, Édouard refuse de jouer aux jeux de société malgré les sollicitudes des enfants et des animateurs. Il ne veut pas participer à ce jeu. Au sein du centre de loisirs, Édouard participe ou ne participe pas un jeu. Lors d’autres observations de terrain, nous avons remarqué des comportements similaires. Et c’est ainsi qu’est né le désir de comprendre les modalités de participation de l’enfant en situation de handicap à un jeu en nous penchant également sur les facteurs favorisant ou non cette participation. Notre terrain a conduit cette recherche.
Au départ notre travail de recherche avait pour vocation de comprendre comment le jeu peut contribuer à la fois à la construction du handicap par rapport à la norme dominante et être, par ailleurs, facteur d’acceptation de l’autre dans sa différence. L’enjeu était d’appréhender le rapport qu’entretiennent les personnes avec les altérités lors du jeu et de percevoir les tensions existantes chez les divers acteurs qui peuvent se situer entre pratiques stigmatisantes et pratiques inclusives. Le but de cette recherche était de comprendre les stratégies élaborées ou les situations sociales qui favorisent la déstigmatisation de la personne diagnostiquée handicapée; déstigmatisation qui favorise sa présence ou son retour dans l’espace social des normaux. Cependant, au fil de nos observations, la question même de la participation s’est imposée à nous en devenant centrale et essentielle dans notre travail de recherche. Il nous fallait l’analyser pour la comprendre.
Ce choix d’entreprendre une recherche autour de l’enfant en situation de handicap et le jeu est indéniablement en lien avec notre engagement professionnel au sein de l’éducation spécialisée depuis plus de vingt-cinq ans. En effet, en tant que professeur d’éducation physique et sportive en institut médico-éducatif, la question du jeu et de l’intégration de l’enfant en situation de handicap a toujours été centrale dans nos réflexions de praticien. De plus, elle fait suite à une démarche antérieure menée dans le cadre d’un Master de recherche en sciences de l’éducation qui portaient déjà sur jeu et l’enfant en situation de handicap. Ce travail a été une propédeutique à cette thèse où la question du jeu est centrale. La notion de participation n’était pas explicitement évoquée, mais présente en filigrane tout le long de ce mémoire de Master 2.
De plus, il nous semble également important de mettre en exergue que la notion de participation est centrale lorsqu’est évoquée la socialisation ou l’intégration/inclusion de l’enfant en situation de handicap . En effet, derrière ces notions, on retrouve l’idée que l’enfant en situation de handicap doit prendre part à un collectif et c’est dans sa participation au sein d’instances de socialisation qu’il se socialise, s’intègre/s’inclus. Il y a également la présence d’apprentissages acquis dans cette participation au travers de ce processus de socialisation, d’intégration/inclusion.
En outre, il nous fallait relater l’évolution législative (Chapitre 2) qui porte en elle des visions différentes de la personne en situation de handicap. Nous devons les appréhender et les comprendre pour mieux les percevoir. Ainsi, le législateur au travers des diverses lois prône de plus en plus la participation de l’enfant en situation de handicap dans les divers lieux, espaces de droit commun.
Au sein des sciences sociales ou humaines, les notions d’intégration ou d’inclusion de l’enfant en situation de handicap sont souvent présentes voire récurrentes, mais celle de la participation en tant que telle est peu abordée. En effet, d’un point de vue conceptuel, l’intégration est pensée du côté de l’enfant et de sa propre capacité à entrer dans un dispositif et l’inclusion est de la responsabilité de l’institution qui doit s’adapter à l’enfant en situation de handicap. Ces concepts n’abordent pas la question de l’engagement et de l’affordance de l’enfant dans un contexte social donné, pour nous le jeu, afin qu’il puisse s’inscrire dans la participation au sein d’un collectif.
En outre, les modalités de participation des enfants en situation de handicap à un jeu sont, elles aussi, absentes de la recherche en général. C’est pour ces raisons que nous voulons entreprendre cette recherche concernant la participation des enfants en situation de handicap à un jeu en nous servant de l’apport de Wenger (2005) sur la notion de communauté de pratique. Car, il nous semble essentiel d’aller regarder du côté de la participation ludique enfantine afin de comprendre les processus à l’œuvre.
La raison essentielle de notre recherche est d’analyser cette participation enfantine à un jeu, mais aussi de proposer un cadre conceptuel en nous interrogeant d’une façon plus générale sur les modalités de participation des enfants en situation de handicap à un jeu en mettant volontairement de côté les notions institutionnelles, pensées par l’adulte ou la législation que sont l’intégration ou l’inclusion. En d’autres termes, nous voulons appréhender la façon dont se mettent en place ou non des situations de participation où l’enfant en situation de handicap est membre d’un groupe ayant un but commun : le jeu.
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