L’intégration juridique et le développement économique

L’intégration juridique et le développement économique

 L’efficacité économique par l’usage « stratégique » des normes OHADA

En reformant substantiellement le droit des activités économiques, le législateur a proclamé avoir été inspiré par un souci d’efficacité économique et de compétitivité. Le recours à l’instrument juridique doit être justifié par la pertinence de ses effets, c’est-à-dire par son adaptation au problème posé ; il s’agit de faire en sorte que les actes uniformes produisent les résultats escomptés, en apportant une contribution positive à l’évolution socio-économique0 . L’analyse de l’efficacité économique des normes juridiques de l’OHADA montre substantiellement un effort adaptation et la structuration du commerce vers le progrès économique des Etats membres au regard même de l’objectif du traité constitutif qui vise la mise en place d’un dispositif ayant pour finalité de permettre aux bénéficiaires des normes d’entreprendre une activité économique et de réaliser des profits par l’exploitation d’une entreprise individuelle ou sociétaire dans l’environnement juridique aux contours précis. En effet, la vision économique, particulièrement le souci d’efficience et d’efficacité économique de la règle juridique, apparait même comme partie intégrante de certaines dispositions de certains actes uniformes, sans toutefois s’éloigner des valeurs fondamentales du droit que sont la justice, l’équité, l’éthique par la facilitation d’une interaction économique et commerciale dans l’espace (A), et la gestion juridique des impayés par des principes contractuels (B). A- La rationalisation des relations économiques et commerciales, facteur de réduction des risques juridiques dans l’espace OHADA Il apparait que le contenu des actes uniformes est moins un changement qu’une occasion pour reformer la façon de comprendre pratiquement le droit uniforme et sa philosophie. Est-ce parce que le législateur dit s’être inspiré des considérations économiques que le contenu des actes uniformes doit forcément se comprendre et s’appliquer selon les instruments de l’analyse économique du droit ? Les velléités législatives, voire doctrinales de lire concrètement le droit uniforme à travers le prisme de l’économie trouvent toutes un contrepoids dans l’analyse juridique classique. En réalité, le problème des valeurs économiques des actes uniformes mute. 0J. CHEVALLIER, « Peut-on rationaliser la production du droit ? », in « L’union européenne et l’idéal de la meilleure législation », op.cit., p. . 95 La pratique commerciale et économique ne dissocie pas les différences quant au droit uniforme, et apprécie la relation commerciale dans l’ensemble, sous l’éclairage de l’avantage économique qui en est espéré. Du point de vue de l’activité économique, en effet, les actes de commerce ont pour finalité la création de richesses et leur partage entre les parties. L’acte économique par excellence, l’OHADA s’est préoccupée d’actes économiques spécifiques tels que le contrat de vente entre professionnels, le bail à l’usage professionnel, le courtage, la commission, le contrat de transport. Mais il en est bien d’autres1 à règlementer pour en harmoniser le régime juridique dans l’espace communautaire. Ces références explicites et visibles à des concepts économiques paraissent bien vouloir faire pencher la balance en faveur d’une appréciation économique des normes OHADA. Ainsi pour les théoriciens de l’analyse économique du droit, l’efficacité d’une norme n’est pas celle qui répond à la plus rigoureuse technique juridique mais plus simplement et plus utilement celle qui en maximise la création de valeur ajoutée et donne aux parties le sentiment que chacune y trouve une utilité commerciale, économique ou entrepreneuriale2. Désormais, la contrepartie prend la place et suggère une appréciation plus quantitative que qualitative. La notion davantage est elle aussi directement issue de l’analyse économique du droit et notamment du gain de Pareto. Il faut que chaque partie réalise un gain, qu’elle obtienne, ce qu’elle désire3. Cette inversion de la perspective permet de mettre en exergue la gestion juridique de l’activité économique, et commerciale dans l’espace OHADA. De cet aspect s’en déduit un autre auquel le gestionnaire est particulièrement sensible par nature et dont le juriste d’affaires doit tenir compte par destination. Il s’agit du caractère épiphénoménal des problèmes juridiques soulevés par la vie de l’entreprise. Pour les gestionnaires, une augmentation de capital, par exemple, n’est qu’accessoirement une opération juridique. Primordialement, c’est une restructuration du bilan, une opportunité fiscale ou l’élément d’un « montage financier4». Une vente c’est une affaire bonne ou mauvaise et ses aspects juridiques ne sont que des facteurs de sa qualité économique. Dans le même ordre idée le professeur CHAMPAUD souligne que, dans la vie des affaires « le droit 1Ainsi en est-il du crédit-bail, du franchising, du factoring, du contrat de concession exclusive, de tous les contrats de distribution. Ils n’ont fait l’objet d’aucune manifestation d’intérêt de la part de l’OHADA jusqu’à présent. 2G. DEHARO, « Ingénierie contractuelle et performance de l’entreprise : perspective économique et dynamique du droit des contrats » est une technique de gestion et d’organisation au service des finalités économiques, sociales, politiques et culturelles de l’entreprise5 ». La rationalité de la relation économique est un facteur important de réduction des risques juridiques. La centralisation de la gestion des risques liés aux activités économiques permet à l’opérateur économique (commerçant), d’anticiper les risques les plus courants et de mettre en place les moyens idoines de règlement des risques juridiques. Pour le commerçant, l’objectif de la gestion du risque juridique est de réduire les coûts liés à l’application du droit, qu’il s’agisse d’une mise en conformité ou d’un risque de procédure contentieuse6. A l’instar de tous sujets de droit, elle est « libre de se placer par un acte régulier dans telle ou telle situation légale, d’employer telle ou telle forme juridique et n’a pas à rendre compte des motifs qui lui font préférer une situation ou un acte déterminé7 ». Il en résulte que l’opérateur économique peut envisager une utilisation proactive des règles de droit dont le montage habile permet de parvenir licitement à un résultat économique favorable. Une telle optimisation de la règle juridique ne devient pour le commerçant une situation défavorable que lorsqu’il a pour finalité de se soustraire à la règle de droit uniforme. La volonté d’appuyer cette construction didactique sur une référence constante à l’entreprise afin de marquer l’approche gestionnelle du droit est évidente. Ainsi, par l’exemple, l’élaboration d’un droit se prêtant à une interaction proactive grâce à l’intermédiation commerciale dont les contours s’adaptent à la spécificité de la relation commerciale africaine qu’à celle de l’activité de l’entreprise. Les intermédiaires de commerce jouent un rôle de tout premier plan dans la vie économique. Du point de vue économique, ces agents de la distribution ont occupé une place primordiale dans le développement du commerce et de l’industrie dans les Etats. Bien que l’importance sociale de leurs fonctions régresse du fait des mutations qui affectent les structures du commerce, le rôle qu’ils jouent dans la mise en place des mécanismes économiques explique les statuts juridiques avantageux que le législateur les a accordés. Certains relèvent de la condition de commerçant. Il s’agit tout d’abord de « commission commerciale ». Le commissionnaire a sa propre clientèle à laquelle il propose les marchandises du commettant (fabricant, grossiste ou importateur par exemple) pour le compte de ce dernier. Ce très ancien contrat a peu évolué et sa place s’est considérablement rétrécie durant cette période faste pour les intermédiaires de commerce. Ces professionnels de la vie économique présentant la caractéristique commune de ne pas agir de façon autonome mais dans le cadre général d’un produit ou d’un type de service8 . L’objectif de la modernisation du commerce montre le souci du législateur communautaire d’ajouter ou de préciser en prenant en compte des activités économiques ou encore des opérations commerciales qui occupent sans doute une place de choix dans la vie économique. C’est ainsi que le législateur précise à l’article 2 de l’AUDCG des actes de commerces9 dont son importance dans les opérations commerciales est inestimable surtout dans le contexte africain. 

LIRE AUSSI :  Cours introduction à la common gateway interface (Exécution de programmes externes)

L’optimisation de la gestion juridique des impayés par les principes contractuels

Le contrat est le support technique de la réalisation d’une attente sociale légitime juridiquement protégé. Il peut toutefois être utilisé comme un instrument préventif ou curatif dans la perception et le traitement du risque d’impayé6. D’un point de vue conceptuel le contrat se définit comme une convention génératrice d’obligation7. La rigueur théorique de la matière conduit à définir un bon contrat comme celui dont l’exécution n’est pas menacée dès lors que les conditions de sa formation sont réunies8. L’analyse économique du droit se prête bien à une application au contrat, instrument par excellence d’un échange économique9. L’économie peut ainsi prétendre être une justice réelle, la justice du marché e du juste prix, et par extension des justes relations contractuelles. Elle combinerait cette justice avec l’utilité, repartie selon des principes de réciprocité, de gain, d’efficience et de recherche du meilleur coût. Le but final est alors la maximisation de l’utilité pour le plus grand nombre et en définitive un esprit d’augmenter le bonheur de tous. De même un auteur constatait que le « contrat est un élément de richesse, un élément de valeur pour l’exploitation0 ». L’exécution du contrat est alors renvoyée à un autre champ théorique analysant le paiement et les alternatives offertes par le droit en cas d’inexécution. C’est une dimension de la sécurité juridique qui montre sa flexibilité dans la prise en compte des circonstances affectant l’exécution des obligations. Car l’attitude initiale du créancier devant le risque d’impayé est plutôt un réflexe conservateur : être payé immédiatement. Le paiement étant le mode normal d’extinction de l’obligation, un mode d’extinction satisfactoire. Dès lors, privilégier ce mode d’extinction, tout en accordant des facilités à cette fin, ne peut qu’être approuvé1 . Dépassant les situations juridiques formelles, il convient de saisir les situations économiques concrètes : l’observation de la pratique met en exergue une utilisation rationalisée des techniques contractuelles de gestion de risque impayé par un affinement des procédures de recouvrement simplifiées qui viennent au plus près des circonstances concrètes, par les recours cumulés des voies d’exécution, qui sont elles-mêmes autant de garantie permettant aux créanciers de conserver la maitrise des risques qu’ils peuvent prendre2. Une telle maitrise de la gestion du risque, à l’avantage d’éteindre l’obligation et par voie de conséquence réaliser la prévision du créancier, car il serait économiquement illusoire de prétendre qu’un tel commerçant proposant ses services sans prévision des coûts de transaction. Outre la réduction des coûts liés au risque d’impayé, le législateur a uniformisé un cadre unique, permettant un pilotage juridique centralisé du projet économique qui est encadré et géré du début jusqu’à la fin de l’opération commerciale.

Table des matières

PREMIERE PARTIE : UNE INTEGRATION JURIDIQUE AU SOUTIEN DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DANS L’ESPACE OHADA
TITRE I : La perspective économique à travers l’origine des normes OHADA
CHAPITRE I : La perspective économique dans la conception des normes OHADA
CHAPITRE II : La spécificité économique des normes OHADA
CONCLUSION DU TITRE I
TITRE II : La perspective économique dans l’application judiciaire des normes OHADA
CHAPITRE I : La perspective économique dans la fonction judiciaire du juge communautaire
CHAPITRE II : La garantie de l’exécution des décisions judiciaires communautaires
COMCLUSION DU TITRE II
SECONDE PARTIE :UNE INTEGRATION JURIDIQUE INSUFFISAMMENT MISE
EN ŒUVRE DANS L’ESPACE OHADA
TITRE I : La problématique de l’effectivité des normes OHADA
CHAPITRE I : L’ambiguïté de la cohabitation du droit OHADA avec les droits nationaux
CHAPITRE II : Les insuffisances du système judiciaire de l’OHADA
CONCLUSION DU TITRE I
TITRE II : Les insuffisances liées à la cohabitation des organisations communautaires dans l’espace OHADA
CHAPITRE I : Les insuffisances liées à la cohabitation des normes communautaires
CHAPITRE II : Les insuffisances liées à la cohabitation des juridictions communautaires

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *