L’INTÉGRATION DE LA PRÉVENTION DU RISQUE D’INONDATION
Vers une gestion intégrée du risque d’inondation
Au cours des 25 dernières années, la politique française de prévention du risque d’inondation s’est progressivement articulée autour de trois axes forts (Roy, 2000): – le développement d’actions sur l’ensemble du cycle de la gestion des risques, avec en particulier l’association de mesures structurelles et non structurelles (Pottier, 1998) ; – une plus grande intégration de la prévention du risque tant avec l’aménagement du territoire qu’avec la gestion intégrée de l’eau et des milieux aquatiques (Scarwell & Laganier, 2004); – une approche multiscalaire de la prévention des risques en associant de plus en plus planification stratégique à l’échelle du bassin versant et action à l’échelon local (Ghiotti, 2007).
Cette politique publique, fortement influencée par l’évolution de la gestion de l’eau ainsi que par une tendance lourde de territorialisation de l’action publique se nourrit en fait du caractère composite voire systémique du risque (Laganier, 2006). Ainsi en 30 ans, le traitement du risque d’inondation s’est déplacé d’une lutte contre l’aléa à l’aide de mesures structurelles à une prévention de ce risque intégrant en particulier le traitement de la vulnérabilité. Aujourd’hui, les politiques publiques de prévention du risque d’inondation tendent de plus en plus vers ce qu’on qualifiera une gestion intégrée du risque à même de traiter de façon globale cet enjeu transversal.
Ce glissement s’est traduit en particulier par une évolution des textes réglementaires et des outils disponibles pour faciliter l’intégration de la prévention des risques dans les documents d’urbanisme, ou de la prévention des inondations dans la gestion de l’eau. Certains de ces outils traitent également de la gestion du risque comme un objet de politique publique à part entière. Néanmoins, cette complexification à la fois de l’objet considéré et des dispositifs pour le traiter finit par rendre leur appréhension difficile même pour les acteurs concernés. Elle renforce la pertinence de la problématique sur la mise en œuvre locale de stratégies globales de gestion intégrée du risque d’inondation. Cette partie de notre thèse reprend un certain nombre d’éléments présents dans la bibliographie en particulier dans les ouvrages de R. Laganier (Scarwell & Laganier, op.cit. ; Laganier, 2006#2) ou les écrits de G. Hubert (Hubert, 2001). Elle a néanmoins deux ambitions : – apporter des éléments complémentaires de nos participations à différentes études et recherches connexes ; – souligner l’importance des interactions et du mouvement dans l’articulation effective des différents outils pour une plus grande intégration de la prévention du risque même lors des phases de mise en œuvre.
La complexification du concept de risque d’inondation
Pour reprendre les termes employés dans notre introduction, le risque d’inondation correspond à la conjonction d’un aléa, les crues, avec une vulnérabilité, elle-même résultante de la présence d’enjeux potentiellement soumis à l’aléa et de leur sensibilité à celui-ci. Il convenait donc de resituer le concept de vulnérabilité avant de rappeler comment sa prise en compte avait permis de passer d’une lutte contre les inondations à une prévention du risque d’inondation (l’objet à traiter passant d’un phénomène physique à un objet social). Mais cette approche classique a été souvent question durant notre recherche, dès lors que nous étions confrontées à la problématique de la mise en œuvre (cf. partie III). Ceci nous a conduits donc à poser la gestion intégrée comme « horizon » d’une intégration croissante de la prévention du risque d’inondation.
La problématique de la vulnérabilité
Si durant notre recherche en Loire moyenne, la caractérisation de l’aléa n’a pas été un élément conflictuel particulier, la définition de la vulnérabilité a posé plus de problèmes tant les approches affichées par les interlocuteurs rencontrés pouvaient différer. Et le concept de vulnérabilité nous est apparu plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Ainsi, on distingue classiquement deux approches de la vulnérabilité. Une première approche analytique correspond à la définition donnée précédemment. La vulnérabilité de chaque enjeu (hommes, biens, milieux) ou d’un groupe d’enjeux peut être ainsi évaluée au regard d’un aléa donné (Dauphiné, 2001).
Il existe une autre approche plus complexe de la vulnérabilité qui peut parfois être contradictoire : « à l’approche classique de la vulnérabilité […] semble s’opposer celle qui considère la vulnérabilité des sociétés à travers leur capacité de réponse à des crises potentielles. Cette capacité est elle-même liée à un ensemble de facteurs structurels et contingents qui peuvent être analysés séparément, mais dont les interrelations s’avèrent complexes » (ibid., p.8).
Classiquement, cette contradiction peut être traduite comme ceci : qu’est-ce qu’une société vulnérable ? Une société considérée comme fragile car cumulant ou produisant des enjeux de grande valeur et donc en cas de catastrophe subissant des dommages d’autant plus importants ? Ou une société, qui indépendamment des enjeux qu’elle regroupe et produit, est considérée comme fragile car elle n’est pas en mesure de surmonter la crise provoquée ?