L’intégration au marché du travail
L’entrée des jeunes en milieu de travail est remplie d’obstacles et correspond pour plusieurs à une période d’incertitude et d’instabilité. Un grand nombre de ces jeunes vivent à ce moment une situation intolérable. Ceci est d’autant plus difficile pour les décrocheurs qui arrivent sur le marché du travail sans diplôme. Le taux de chômage est un ; des principaux indicateurs des difficultés que les jeunes rencontrent lors de leur passage au milieu du travail.
D’autres indicateurs sont aussi importants tels: la durée de la semaine de travail, le travail à temps plein vs le temps partiel, le salaire et les autres conditions d’emploi; le contenu de la tâche et le statut socio-économique de l’emploi sont aussi à considérer lorsqu’on essaie de cerner les difficultés des jeunes à intégrer le marché du travail. Girard, Gonthier et Vinet (1978) énumèrent d’autres obstacles à l’intégration professionnelle:
«Face à de faibles taux de salaire, les jeunes sont fortement incités à effectuer de longues semaines de travail. Les jeunes vivent souvent des conditions physiques de travail difficiles … Les quarts de nuit sont en général confiés aux jeunes et aux nouveaux arrivants qui sont la plupart du temps des jeunes … Les jeunes, en raison de leur vitalité, occupent aussi, plus souvent qu’à leur tour, des postes de travail aux cadences accélérées .. .Ils sont aussi surreprésentés chez les accidentés du travail qui ont été indemnisés… Sur le plan des avantages sociaux, les jeunes sont particulièrement démunis… Ceux-ci acceptent fréquemment des emplois saisonniers ou temporaires qui, par définition, conduisent inévitablement à des mises à pied. Même dans les emplois à caractère permanent, les jeunes sont les plus exposés à être les premiers licenciés au moindre ralentissement.»(l978, p.JJJ-134).
Le système éducatif et son impact sur les difficultés des jeunes à intégrer le milieu du travail
Selon Coleman et Husen (1985), les employeurs en sont venus à accorder une grande importance à la scolarité et aux diplômes comme critères de sélection pour les emplois. Cette tendance a contribué à accentuer la fonction de sélection du système d’enseignement, qui est basée sur une conception méritocratique de l’école. Celle-ci est amenée à accorder plus d’attention à l’identification des élèves plus doués, aux procédures de sélection et aux notes obtenues par les élèves lors de l’évaluation des apprentissages.
Enfin, le certificat de fin d’études secondaires tend à être perçu comme une exigence sociale minimale à l’entrée sur le marché du travail. Celui qui en est dépourvu est souvent considéré comme un « taré » au plan social et professionnel. Selon Schwartz (1981):
«Ces derniers quittent l’école dans les plus mauvaises conditions: Ils n’ont souvent pas achevé une formation générale ou professionnelle complète, ils se sentent exclus, ils vivent cette exclusion comme un échec, et se présentent sur le marché du travail sans qualification et sans diplôme. Leur situation leur paraît d’autant plus difficile qu’ils ont le sentiment de se situer en deçà de la norme de scolarité socialement acceptée.» .
Le système productif et les difficultés des jeunes à intégrer le milieu du travail
Les jeunes sont donc confrontés à plusieurs difficultés reliées aux transformations du système productif. Pour mieux comprendre le rôle du système productif, nous allons regarder ce système sous quatre angles différents: 1.3.1) la conjoncture économique, 1.3.2) l’apparition de nouvelles technologies, 1.3.3) l’internationalisation de l’économie, 1.3.4) la réglementation du travail.
La conjoncture économique
On pourrait être porté à croire que le chômage élevé chez les jeunes se pose surtout depuis la crise économique du début des années ’80. Toutefois, il semblerait que la conjoncture économique récente n’explique que partiellement les problèmes d’emplois que rencontrent les jeunes à la sortie de l’école. Rose (1984) estime que la crise économique n’a eu qu’un « effet amplificateur limité » à cet égard. Il situe l’origine de la détérioration de l’emploi des jeunes dans les phénomènes de restructuration du système productif, mis en oeuvre dès le début des années ’60. Cette opinion est partagée par Fortin (1986) qui affirme que cette détérioration tiendrait principalement aux tentatives successives des pouvoirs publics de maîtriser l’inflation, suite notamment à la guerre du Viêt-nam et à la cartellisation mondiale du pétrole. Pour contrer l’inflation, on a eu recours à la restriction progressive de la monnaie et du crédit. Cette tendance, qui a atteint son point culminant en 1981-1982, expliquerait l’aggravation du chômage. Les jeunes auraient été les premiers à être mis à pied et les derniers réembauchés, soit généralement à cause de leur manque d’expérience, soit à cause de leur faible niveau de scolarité.
L’apparition de nouvelles technologies
Dans la mesure où l’introduction des nouvelles technologies est à l’origine de la disparition de certaines entreprises (perte d’emplois), les jeunes qui entrent sur le marché du travail sans spécialisation sont d’autant plus pénalisés qu’ils n’ont pas accès aux nouveaux emplois créés par ces nouvelles technologies. Bien plus, la formation que les jeunes reçoivent au secondaire pourrait avoir un caractère désuet avant même qu’ils n’aient eu la chance de la mettre à profit.
L’internationalisation de l’économie
Les traités de libre échange entre le Canada et les Etats-Unis, et entre le Canada et le Mexique, conclus récemment, et l’internationalisation de l’économie viennent quelque peu changer les données. Coleman et Husen (1985) considèrent que l’expansion des échanges mondiaux et les mouvements de travailleurs des pays faiblement développés qui émigrent vers les pays développés sont deux indicateurs qui ne sont pas sans affecter l’entrée des jeunes dans le monde du travail. En effet, les travailleurs des pays développés doivent entrer en compétition avec ceux des pays en voie de développement. Cette compétition est encore plus grande pour les emplois qui exigent peu de qualifications parce que les biens et les services importés des pays en voie de développement sont des produits fabriqués par une main d’oeuvre moins qualifiée et peu scolarisée, donc des produits moins chers pour nous.
La compétition internationale a aussi contribué à accélérer le processus d’automatisation des tâches manuelles. Dans ce contexte, certains emplois auxquels les jeunes avaient facilement accès sont supprimés, et une partie des emplois nouveaux qui sont créés dans le sillage de l’automatisation exigent des qualifications techniques qui nécessitent un niveau de scolarisation plus élevé (Hardy et Trottier, 1988).
La réglementation du travail
Une autre transformation du système productif qui a eu un rôle déterminant pour accentuer les difficultés des jeunes à intégrer le monde du travail est la réglementation de celui-ci. Elle impose un ensemble de contraintes qui créent des « rigidités sociales » qui peuvent jouer contre les jeunes lorsqu’ils entrent sur le marché du travail (S. Langlois, 1986). Ces contraintes de réglementation sont par exemple: l’âge des travailleurs, la qualification en terme d’ex:périence et de carte de compétence, les règles d’ancienneté et le salaire minimum. Pour Hardy et Trottier (1988), la primauté accordée à l’ancienneté peut ainsi concourir à l’instabilité en emploi et au chômage des jeunes (derniers embauchés, premiers mis à pied).
Ceux-ci mentionnent également que les difficultés auxquelles les jeunes sont confrontés ne sont pas liées uniquement au taux de chômage, à l’équilibre entre l’offre et la demande de travail, mais renvoient aussi à la nature et aux types d’emplois (précaires et instables) auxquels ils ont souvent accès. De plus, leurs difficultés ne tiennent pas exclusivement à la conjoncture économique du début des années ’80, ni à l’inadaptation » du système éducatif. La transformation du système productif a aussi son rôle à jouer pour rendre encore plus problématique l’intégration des jeunes au marché du travail.
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