L’insuffisance rénale aiguë (IRA) se définit comme une baisse brutale (survenue dans 1 à 7 jours) et soutenue (persistante ≥ 24h) de la fonction rénale, traduite par une élévation de la créatinine plasmatique. Elle est associée à l’incapacité des reins à excréter les déchets du métabolisme azoté avec une élévation de l’urée sanguine et à maintenir l’équilibre hydroélectrolytique de l’organisme. Ces anomalies de survenue brutale sont potentiellement réversibles. L’IRA peut être anurique, oligo anurique ou à diurèse conservée.
La situation du NN est particulière : in utero, la filtration glomérulaire est très faible, l’épuration du fœtus étant effectuée par la mère, grâce aux échanges placentaires. Après la naissance, la filtration glomérulaire est de l’ordre de 20 ml/min/1,73 m chez le NN à terme, et augmente progressivement au cours des premières semaines. À la naissance, la créatinine de l’enfant est la même que celle de sa mère (70 à 90 μmol/l) quelle que soit sa fonction rénale, y compris en cas d’agénésie rénale. Elle baisse normalement au cours de la première semaine pour atteindre 25 à 35 μmol/l. En cas d’IRA, cette décroissance ne se fait pas, puis la créatinine s’élève. Chez un NNé, une créatininémie supérieure à 80 μmol/l à la fin de la première semaine est pathologique. La décroissance de la créatinine est plus lente chez le petit prématuré en raison d’une réabsorption passive de celle-ci au niveau du tubule. Par ailleurs, la diurèse s’installe dans les 48 premières heures et dépend des apports hydriques : 30% des NN émettent leurs premières urines lors de la délivrance ou immédiatement après, 90 % dans les 24 premières heures et 99 % dans les 48 premières heures. La diurèse est de 15 à 75 ml/kg/j la première semaine et atteint 25 à 120 ml/kg/j à 1 mois.
Le diagnostic de l’IRA est important ; son pronostic dépend de l’étiologie initiale et de la prise en charge précoce, rendue possible grâce aux progrès réalisés dans le traitement de cette affection, représentés par les méthodes actuelles de suppléance extra-rénale .
Chez l’enfant, deux étiologies dominent : les IRA secondaires à une hypo-perfusion rénale, et les syndromes hémolytiques et urémiques (SHU). Cependant, les causes possibles sont multiples, en particulier chez le grand enfant, chez qui certaines étiologies ne sont reconnues que grâce à une enquête soigneuse.
Définition de la maladie
L’insuffisance rénale aiguë se définit comme une baisse brutale (survenue dans 1 à 7 jours) et soutenue (persistante ≥24h) de la filtration glomérulaire, ou du débit urinaire ou des deux. [Accord professionnel]
Classiquement, l’IRA se définit par une « baisse brutale et soutenue de la fonction rénale » responsable d’une rétention des produits du catabolisme protéique. Selon la sévérité et la durée de la dysfonction rénale, cette accumulation est accompagnée de désordres métaboliques, comme l’acidose métabolique et l’hyperkaliémie, de déséquilibres hydriques et de retentissement sur de nombreux autres organes. Le rein a de nombreuses fonctions (excrétion, équilibre hydro-électrolytique et acidobasique, fonctions endocrines,…), mais en pratique clinique, il est admis que les seules fonctions spécifiques au rein, facilement et régulièrement mesurées, sont la production d’urine et l’excrétion des déchets du métabolisme protéique. Ainsi, l’IRA pourrait être définie comme une « baisse brutale et soutenue de la filtration glomérulaire, ou du débit urinaire, ou des deux ».
Critères diagnostiques
L’IRA est retenue devant un des éléments suivants :
– Une augmentation de la créatininémie ≥5 mg/l par rapport à la valeur initiale;
– Une augmentation de la créatininémie ≥50% par rapport à la valeur initiale;
– Réduction ≥25% du débit de filtration glomérulaire par rapport à la valeur initiale;
– Diurèse < 0.5 ml/kg/h pendant plus de 6h ;
– Apparition de complications rendant nécessaire le recours à la dialyse.
[Accord professionnel]
L’une des principales difficultés dans la définition de l’IRA est l’usage de différentes méthodes d’évaluation de la fonction rénale et de différents degrés d’anormalité comme limites pour le diagnostic. On répertorie plus de 35 définitions de l’IRA publiées dans la littérature. Dans une enquête sur les profils des pratiques dans la prise en charge de l’IRA, près de 200 définitions différentes de l’IRA ont été rapportées par 560 participants. [1] Dans une revue systématique de la littérature, les définitions les plus populaires de l’IRA ont été une augmentation de la créatininémie de plus de 5 mg/l (44 μmol/l) ou de plus de 50% par rapport à la valeur basale, une réduction de 50% du débit de filtration glomérulaire (DFG), et l’apparition de complications rendant nécessaire le recours à la dialyse. Quand le débit urinaire (DU) était inclus dans la définition, la diurèse requise était inférieure à 400 – 500 ml/j ou à 0,5 ml/kg/h.
Le besoin d’une définition universellement acceptée de l’IRA, a conduit un groupe international et multidisciplinaire d’experts, à organiser des conférences de Consensus (Acute Dialysis Quality Initiative, ADQI). L’objectif était d’aboutir à des recommandations consensuelles sur les bonnes pratiques cliniques de prise en charge de l’IRA, particulièrement par les méthodes continues d’épuration extrarénale Selon l’ADQI group 3,10, la définition de l’IRA devrait :
– tenir compte de la variation du DFG à partir d’une valeur basale. Elle doit être brutale (1 – 7 jours) et soutenue (> 24h) ;
– inclure les IRA surajoutées à une insuffisance rénale chronique (IRC),
– être d’utilisation facile et largement applicable (clairance de la créatinine, créatininémie, DU)
– et inclure un système de classification à plusieurs niveaux de dysfonctionnement rénal. Ainsi, l’IRA (ou « l’atteinte rénale aiguë ») correspondrait à une baisse brutale (1– 7 jours) et soutenue (> 24h) de la fonction rénale définie par un des trois éléments suivants:
– Une augmentation de la créatininémie >50%;
– Une baisse du DFG < 25%;
– Une oligurie < 0,5 ml/kg/h x 6 heures. Le constat, depuis la publication des recommandations de l’ADQI group (classification RIFLE9), que de modestes variations du taux de la créatininémie soient associées à un mauvais pronostic chez les patients hospitalisés, a justifié l’organisation de conférences sous l’égide de différentes sociétés de Néphrologie et de Réanimation dans le cadre du réseau AKIN (Acute Kidney Injury Network, Réseau de l’Agression Rénale Aiguë). Le groupe AKIN propose désormais de retenir le terme « Acute Kidney Injury » (Agression Rénale Aiguë) qui reflèterait mieux la totalité du spectre du syndrome de l’IRA et évoquerait mieux la « patho-biologie » associée. Ainsi, selon le groupe AKIN, l’insuffisance rénale aiguë (ou « l’agression rénale aiguë ») correspond à une baisse brutale ( 48h) de la fonction rénale définie par un des trois éléments suivants:
– Une élévation absolue de la créatininémie ≥3 mg/l (25 mmol/l);
– Une augmentation de la créatininémie≥50%;
– Une oligurie < 0,5 ml/kg/h x 6 heures .
Mesure du débit de filtration glomérulaire
Quand la créatininémie initiale est inconnue, la baisse proportionnelle du débit de filtration glomérulaire doit être calculée à partir d’une valeur de référence de 75 ml/min/1,73 m² [Accord professionnel]
Même si, pour les besoins cliniques, le seul monitorage de la créatininémie permet l’appréciation de l’évolution (amélioration ou aggravation) de la fonction rénale, il est néanmoins important d’évaluer l’importance du déficit de la fonction rénale en estimant le DFG par la clairance de créatinine.
Il faut toutefois noter que la précision de la mesure de la clairance de créatinine (même si la collection d’urine est complète) est limitée en raison de l’augmentation de la sécrétion tubulaire de créatinine de façon parallèle à la baisse du DFG, rendant l’élévation de la créatininémie moindre. Le résultat potentiel est une large surestimation du DFG (jusqu’à 2 fois). Pour mieux rendre compte de la relation créatinine plasmatique/filtration glomérulaire d’une part, et tenir compte de la masse musculaire d’autre part, tout en évitant les erreurs liées au recueil urinaire, il a été proposé d’estimer la clairance de la créatinine à partir de La formule de Cockcroft et Gault tenant compte de l’âge, du poids et de la créatininémie plasmatique.
INTRODUCTION |