LES CAUSES ANTHROPIQUES
Les inondations perpétuelles dans lesquelles vivent de nombreuses communautés à Dakar découlent de la combinaison de plusieurs facteurs naturels et humains. Suite à la forte pluviométrie de 1989, on a assisté à une présence et à une occupation permanente des eaux pluviales dans la zone des cuvettes où les altitudes sont très basses.
En effet, depuis 2005 le phénomène des inondations a pris une tournure dangereuse et a occasionné de nombreux cas de sinistrés dans la localité. L’observation de l’évolution des inondations depuis 2005 montre une recrudescence du phénomène liée à la conjugaison de plusieurs facteurs notamment l’aspect démographique, l’occupation des zones de cuvettes, la situation pluviométrique devenue de plus en plus favorable et l’augmentation des surfaces bâties réduisant le taux d’infiltration des eaux de pluie.
Nous tenterons à travers les enquêtes de terrain que nous avons mené et les études de certains spécialistes engagés dans la lutte contre les inondations d’amener des éléments de réponsessur la survenue du phénomène.
Par conséquent, les catastrophes d’inondations hivernales récurrentes survenues ces dernières années dans la région de Dakar (1985, 1989, 1996, 1998, 2005, 2008, 2009) sont dues à une combinaison de facteurs naturels et anthropiques5.
La remise en eau des bas-fonds qui s’étaient asséchés pendant les années de pluviométrie déficitaire ;
L’installation des quartiers spontanés dans les bas-fonds ;
Le retour, suite à une pluviométrie déficitaire des années 1970 à une pluviométrie normale, caractérisée par de fortes averses ;
La remontée de la nappe phréatique ;
La nature des sols et le défaut de planification des infrastructures d’urbanisation et d’assainissement, face à la pression démographique. Au Sénégal et à travers le Sahel, des années 1970 à la fin des années 1980 une longue sécheresse a sévi, desséchant champs et pâtures et plongeant le monde rural, ainsi que l’économie nationale dans une agonie certaine.
Après ces dures années, le niveau de la nappe ayant baissée, et avec l’accroissement de l’exode rural, la zone de Dalifort a été transformée en zone habitable sans aucun projet d’urbanisme viable. A l’arrivée des migrants ruraux à Dakar, ils ne trouvèrent pas d’endroit au cœur de la ville. Ils investissent alors les zones périurbaines. Ces terres où ils s’installèrent années après années, étaient des zones sèches, gratuites (où à prix abordables). Ces zones vierges à la périphérie de la ville non planifiées pour l’occupation humaine, ni assainies et dépourvues d’infrastructures de base devinrent les banlieues de Dakar. Le quartier de Dalifort en est ainsi un parfait exemple.
En réalité les endroits où s’installèrent les migrants ruraux étaient naguère d’anciens cours d’eau, taris par les longues années de sécheresse. L’occupation de ces zones non aedificandi a atteint son paroxysme au milieu des années 1990 et au début des années 2000, périodes durant lesquelles des prometteurs immobiliers véreux, se sont mis à construire sans respecter les règles fondamentales d’urbanisme et de l’environnement.
L’installation de ces pauvres migrants fut spontanée et effectuée sans pensée pour l’appartenance des terres, un concept étranger dans la réalité rurale selon le Dr Adrien COLY6 dans son article qui a pour thème : Les inondations et processus d’urbanisation publié en 2001. Il n’y eut aucune supervision publique, ni régulation de ces installations ; les banlieues grossirent sans planification urbaine ni installation d’infrastructures publiques. Ceci continua pendant plusieurs décennies avec comme résultante des densités fortes de populations pauvres, marginalisées et sans éducation dans les zones inondables à la périphérie des centres urbains (Bourdreau 2009).
Par ailleurs au milieu des années 2000 les pluies revinrent à Dakar, surprenant les populations installées confortablement sur des bassins et zones à basse élévation, anciens cours d’eautaris.
Ce retour des pluies a causé des difficultés majeurs pour les habitants de ces endroits à basse altitude, constitués de populations pauvres et de prolétaires. De manière générale, les inondations résultent d’une absence d’infiltration dans les espaces urbains soumis à des précipitations que les conditions accidentelles soient d’ordre géomorphologique, hydrologique, topographique, météorologique ou anthropique.
L’une des causes principales des inondations dans la commune de Dalifort demeure l’occupation anarchique des zones marécageuses En effet, avant la sécheresse des années 1970 cette localité était presque entièrement occupée par l’eau à l’exception du quartiertraditionnel. A partir des années 1970, le Sénégal comme partout ailleurs dans les pays du sahel a connu une sécheresse qui a provoqué une stagnation de l’économie locale.
Pour faire face à cette fragilisation de l’économie la migration interne s’est alors imposée aux populations des zones rurales.
Dakar du point de vu de sa position de ville côtière, et jouant un rôle économique sans précédent dans le pays a eu à accueillir ses premiers migrants venus pour la plupart du monde rural. Ces populations ont ainsi investies pour la plupart les localités de la banlieue dakaroise parmi lesquelles Dalifort. Depuis lors son taux urbanisation n’a cessé d’augmenter. La région de Dakar occupe 0,3% de la superficie du territoire national abrite 22% de la population totale du pays avec une concentration d’en moyenne 400 habitants/km².
La ville de Dakar se développe sous les effets combinés de sa propre croissance naturelle et de l’exode rural. La structure urbaine est caractérisée par le phénomène de la capitale nationale qui concentre à elle seule plus du quart de la population nationale et plus de 54 % de la population urbaine. Selon les projections, le taux d’urbanisation atteindra probablement 56% en 2018 (PDU horizon 2025).
En effet, au niveau de la commune de Dalifort, l’explosion urbaine s’est exacerbée du fait d’une forte ruée pour l’occupation de l’espace en logements, ce qui s’est traduit par le développement d’habitations spontanées. Mieux, cette occupation du sol souffre le plus souvent d’irrégularités et d’illégalité des terrains, de vices de formes dans les procédures juridiques d’attribution et d’affectation des parcelles, des difficultés d’application des instruments de planification d’urbanisme, d’entorses aux normes d’urbanisation. Dans la commune de Dalifort, le taux de construction a énormément réduit la capacité d’absorption du sol pendant que les chenaux de ruissellement naturels sont anarchiquement bloqués par le développement de l’immobilier. Il en résulte une création de lacs artificiels dans les zones à basse topographie.
L’installation des populations au niveau des cuvettes
Depuis 2005, la commune de Dalifort est confrontée à des inondations inquiétantes et dangereuses. En effet, comme partout ailleurs dans la banlieue Dakaroise, sa population augmente de manière significative engendrant ainsi des difficultés d’accès au logement et le développement d’habitations irrégulières.
En, effet partant de ce constat, on peut dire que les inondations de cette localité ne sont pas liées à une pluviométrie favorable mais plutôt à une urbanisation anarchique et fulgurante.
Les photos ci-après constituent une illustration de constructions anarchiques au niveau d’une zone de cuvette dans la cité soleil.
L’absence de réseau d’assainissement
La commune de Dalifort-foirail est aujourd’hui confrontée à une pression démographique sans précédent. En effet, l’urbanisation de cette zone s’accélère d’années en années sans mesure d’accompagnement. Par ailleurs, ce poids démographique pose des problèmes réels d’assainissement.
Nos enquêtes nous ont permis de constater que la commune ne dispose que d’une seule canalisation à ciel ouvert pour une population de plus de 35000 habitants. Cette canalisation sert à évacuer aussi bien les eaux usées domestiques que les eaux pluviales. Cet ouvrage a été construit suite aux inondations de 2009 afin de soulager les populations victimes des eaux de pluies.
L’occupation anarchique de l’espace aggravée par la non couverture d’un réseau d’assainissement viable a exposé la commune de Dalifort aux risques réels d’inondations.
Lorsqu’il y a urbanisation, il y a généralement entrave à l’écoulement naturel des eaux. Il faut alors mettre sur pied un système d’écoulement artificiel sachant que les coûts y afférents sont loin d’être négligeable surtout pour ce qui concerne la maintenance.
L’insuffisance ou l’inexistence d’ouvrage de drainage des eaux pluviales constitue une véritable contrainte et aggrave ainsi les inondations dans la localité. A noter qu’un réseau d’assainissement est destiné à évacuer rapidement les eaux pluviales et les eaux usées vers l’aval et les empêcher de stagner. Celui-ci doit être convenablement dimensionné au départ car la vitesse des eaux véhiculées vers l’aval, au point d’évacuation des eaux peut augmenter et si l’infrastructure d’accueil des eaux est sous dimensionnée, il peut y avoir accumulation et remontée des eaux en amont, accentuant donc le phénomène des inondations.
Il faut donc dimensionner le réseau d’assainissement en tenant compte de toutes les réalités du terrain. Un réseau d’assainissement dans la zone est de ce fait indispensable en raison des caractéristiques naturelles du terrain (topographie, hydrologie….).
Par ailleurs l’absence d’un réseau d’égouts dans la commune entraine un envahissement du seul et unique existant (canalisation à ciel ouvert) par les eaux pluviales et usées.
Certains ménages situés loin de l’ouvrage font appel à des camions pour évacuer leurs boues de vidanges.
Le développement des habitations irrégulières
La sécheresse dés années 1970 marque le point de départ du développement des quartiers anarchiques dans la région de Dakar. Rappelons que cette sécheresse a été l’une des plus grande catastrophique de l’histoire du Sénégal et remettant en cause les équilibre déjà fragiles.
L’accentuation de ce phénomène naturel a ainsi contraint les habitants du monde rural à améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs familles car l’économie locale ne pouvait plus assurer convenablement leur survie.
Cette sécheresse a provoqué une diminution de la production arachidière et céréalière. « Ainsi un cycle de bonne pluviométrie entraine un renouveau de l’activité agricole, une remontée de la courbe démographique. Un cycle de pluviométrie défavorable entraine une baisse de l’activité agricole, une baisse de la courbe démographique » Bara MBOUP9 , Thèse de troisième cycle Université Cheikh Anta DIOP de Dakar 2006. Les conséquences de cette sécheresse sur la vie des populations et leur économie ont été désastreuses : dégradation descultures pluviales, famine, troupeaux décimés, rupture dans l’alimentation en eau des agglomérations.
Ajoutons à ce bilan un certain nombre d’effets qui se feront sentir pendant de nombreuses années : accélération de la dégradation du couvert végétal, épuisement de la nappe phréatique.
C’est toute l’économie locale qui s’est écroulée en même temps. De 1970 à 1973, l’hivernage fut caractérisé par un déficit pluviométrique sur l’ensemble de la zone rural du pays. Les pluies sont arrivées avec un retard allant fréquemment jusqu’à trois semaine et se sont arrêtées plutôt que d’habitude. L’hivernage utile a été donc notablement réduit par rapport à la normale. IL fallait dés lors prendre la direction des grandes villes pour améliorer le niveau de vie personnes restées dans les villages. C’est à partir de ce moment que les ruraux ont commencé d’essaimer la ville de Dakar et plus particulièrement sa banlieue.
Avec l’occupation durant ces quarante dernières années des zones naturelles de captage des eaux de pluie par l’habitat, il suffît que quelques millimètres d’eau tombent sur la capitale pour qu’elle patauge. Selon l’économiste Kadialy GASSAMA10 « Même en saison sèche, dans nombre d’endroits sur la presqu’île du Cap-Vert, les eaux stagnantes ornent en permanence le décor de quartiers populeux à cause des nappes affleurantes. C’est dire qu’en substance des raisons économiques furent à la base des déplacements massifs de populations à partir des années de sécheresse des années soixante-dix, de l’intérieur du pays vers une presqu’île non extensible et dont le biotope naturel intègre l’existence de mangroves ; ces mêmes populations fuyant le calvaire des terres devenues arides du Baol, du Ndiambour et même, à la limite, de certaines parties du Saloum. » L’exode rural est le cancer du Sénégal situé dans la zone soudano-sahélienne, au sens où cette migration des populations anéantit sa vocation économique agricole.
La progression de l’habitat dans la commune
Comme partout ailleurs dans la région de Dakar la question de la progression de l’habitat devient de jour en jour inquiétant. En effet, après les dures sécheresses des années 1973-1974 qui a occasionné la baisse du niveau de la nappe phréatique et contribué à l’accroissement de l’exode rural, les zones inondées de Dalifort ont ainsi été transformées en zones sans aucun projet d’urbanisme viable et sous la complicité des autorités étatiques. Ceci a atteint son paroxysme à partir des années 1990 et 2000, périodes durant lesquelles les prometteurs immobiliers véreux se sont mis à construire sans aucun respect des règles fondamentales d’urbanisme et de l’environnement. Il s’en suivra alors une forte imperméabilisation des sols et l’occupation anarchique des zones jadis occupées par l’eau.
En effet, depuis presque deux décennies la commune de Dalifort enregistre un développement fulgurant du bâti notamment avec l’implication des prometteurs qui ont investis parfois les zones inondables. Cette situation a occasionné de nombreuses difficultés aux populations qui s’étaient engagées à leur côté.
LES CAUSES NATURELLES DES INONDATIONS DANS LA COMMUNE
Les inondations dans la commune de Dalifort sont le fruit des changements climatiques constatés dans le pays plus particulièrement dans la capitale. En effet, après les dures sécheresses des années 1970 à la fin des années 1980, un retour pluviométrique a été constaté à patir des années 2000 bouleversant ainsi les populations installées confortablement dans les zones de cuvettes de la banlieue Dakaroise.
L’imperméabilité des sols
L’imperméabilité des sols dans certains quartiers de la commune empêche l’infiltration des eaux de pluie qui ne peuvent plus rejoindre rapidement la nappe phréatique (qui joue naturellement le rôle de bassin de rétention). Toutefois ces modifications ne peuvent être tenues comme seules responsables des inondations de très forte ampleur que traversent annuellement la commune mais constituent par conséquent un facteur déterminant du phénomène. Quand aux remblaiements, ils sont très fréquents et créent des perturbations des voies d’eau allant jusqu’à leur colmatage total. Par ailleurs toute intervention sur la voie publique doit faire l’objet d’une autorisation préalable des autorités administratives ou locales, mais on assiste dés fois à la mise sur pied par les populations digues de protection anarchiques sur des voies naturelles d’eau bloquant ainsi l’écoulement normal des eaux pluviales.
Ces pratiques perturbatrices du système de ruissellement des eaux sont courantes dans notre zone d’intervention. En raison de pressions démographiques, économique, sociale, foncière politiques les voies d’eau ont souvent été remblayées, aménagées, déviées et habitées augmentant ainsi les risques inondation dans la commune. Ainsi, le professeur Mohamadou Mawloud DIAKHATE de l’ Université Gaston Berger de Saint Louis11 déclare « l’incapacité à maîtriser simultanément l’urbanisme et l’urbanisation dans une mégapole en constante croissance, c’est-à-dire l’affectation du foncier en fonction des aptitudes intrinsèques et de la (capacité de charge des milieux naturels, a provoqué les dysfonctionnements du modèle réseau d’évacuation rapide des écoulements par le biais d’un système de conduites ou de caniveaux en direction d’un exutoire ). Cette situation a été exacerbée par intensité des averses enregistrées cette dernière décennie, colorée aux facteurs multiplicatifs comme l’augmentation des surfaces imperméabilisées à savoir les nombreuses constructions d’immeubles, la densification des réseaux de communication terrestre, le dallage et le pavage ».