Le profil nutritionnel
Comme le souligne la Politique nationale de nutrition, les aspects nutritionnels constituent un problème particulièrement critique en matière de sécurité alimentaire à Madagascar. Ainsi, on considère que la malnutrition constitue un véritable problème de santé publique qui entrave le développement humain et handicape le développement socio–économique du pays. Les données de l’Enquête permanente auprès des ménages (EPM) permettent d’estimer que la proportion de la population qui consomme moins de 2 300 calories par jour était de 62% en 1999. La récente Enquête démographique et de santé4 conclut pour sa part que 45% des enfants de moins de trois ans souffrent d’un retard de croissance (malnutrition chronique) et 22 % de malnutrition sévère. Par ailleurs, la malnutrition est estimée affecter 42 % des femmes enceintes et allaitantes, ce qui conduit à la naissance et la croissance des enfants eux– mêmes atteints de dénutrition. On estime ainsi que la malnutrition est associée à plus de 50% de la morbidité et de la mortalité des enfants de moins de 5 ans. Une autre dimension essentielle de l’insécurité alimentaire réside dans les déséquilibres nutritionnels; des sources d’information supplémentaires sont fournies par le Plan national de nutrition.
De façon générale l’analyse des rations moyennes indique de graves déficiences en lipides et en protides (surtout dans les provinces de Toliary, Toamasina et Fianarantsoa), ainsi qu’en micronutriments (Vitamine A, fer, fluor) dans la plupart des régions. En effet, la ration alimentaire est peu diversifiée, en moyenne elle est actuellement composée de céréales (361 g/personne/jour) et de tubercules (331g/personne/jour); le troisième groupe est constitué par les fruits (240g/personne/jour). La consommation journalière de protéines est faible, de l’ordre de 45 g/personne/jour; celle des lipides est très faible, d’environ 20g/personne/jour. En 2001, les disponibilités énergétiques alimentaires (DEA) sont évaluées à 2 048 kcal/per capita/jour, disponibilités insuff antes pour couvrir les besoins énergétiques de la population (2 129 kcal/personne/jour)5.En moyenne nationale la consommation serait ainsi de l’ordre de 115/120 kg de riz, et de 2,8/3,0 kg d’huile par habitant et par an. La malnutrition est d’autant plus grave que l’on s’éloigne des villes et des côtes, et que la pauvreté augmente. L’alimentation reste donc insuffisamment diversifiée. La persistance d’un régime de mauvaise qualité nutritionnelle est à mettre en relation avec les catastrophes naturelles que subit périodiquement le pays : cyclones, inondations et sécheresses, mais aussi avec les crises sociales qu’a traversé le pays en 2002 et 2009.
Accessibilité à la nourriture L’accessibilité à la nourriture est probablement la caractéristique de la sécurité alimentaire qui s’est le plus dégradée. L’extension de la pauvreté et la dégradation du pouvoir d’achat des ménages sont largement à la base de l’insécurité alimentaire; La diminution des revenus réels par habitant explique entre autres que le niveau de satisfaction des besoins énergétiques soit passé en moyenne de 2 490 à 2 000 kcal/habitant/jour entre 1975 et aujourd’hui. On distingue habituellement l’accès physique et l’accès socio–économique; ils sont parfois étroitement liés et les défauts d’accès combinés peuvent conduire à des situations particulièrement graves d’exclusion. L’accès physique est principalement relatif aux conditions de transport terrestre; l’accès se révèle insuffisant notamment dans le cas de zones enclavées (il s’agit souvent d’enclavement temporaire ou saisonnier), et dans le cas de dysfonctionnements du système de commercialisation (peut–être plus fréquent), qui n’assure pas son rôle régulateur d’approvisionnement. De telles situations d’accès difficile (voire impossible) existent surtout au niveau de certaines communes (zone forestière, Sud et Ouest) alors qu’au niveau du district la disponibilité pourrait se révéler suffisante.
Ces difficultés sont accentuées souvent par la vente hâtive au moment de la récolte (déplacement des produits vers les centres urbains) et par l’achat au moment de la soudure (les produits reviennent alors vers les producteurs). L’accès au marché pose également la question du pouvoir d’achat, notamment en période de soudure lorsque les aliments habituellement consommés viennent à manquer ou vendus à des prix exorbitants. Si le système de production n’engendre pas une variété et une quantité suffisante de denrées alimentaires, seul l’achat sur le marché peut garantir un certain droit à la nourriture. Or dans de nombreux cas, les ressources monétaires des ménages ruraux, elles–mêmes relativement faibles et d’origines peu diversifiées, ne permettent pas l’accès au marché (particulièrement lorsque les prix sont élevés, en période de soudure). Cette situation concerne plus particulièrement les groupes sociaux les plus démunis, tels que femmes chefs de ménage en zone forestière, population de certaines communes du Sud aride (Androy), les ménages fortement endettés, les groupes suburbains,… Cette question de l’accès socio–économique rejoint directement celle de la pauvreté, et dans ce cas, seules des actions fortement ciblées peuvent améliorer la situation alimentaire; c’est la justification dans des cas extrêmes de la mise en place de « filets de sécurité ».
L’insécurité alimentaire et la pauvreté à Madagascar
Madagascar est un pays essentiellement rural, où plus des trois quarts des habitants vivent essentiellement de l’agriculture. Malgré les importants atouts du pays tant en ressources agricoles qu’en ressources halieutiques ou minières, 76,5% de la population malgache vit actuellement sous le seuil de pauvreté. En milieu urbain, l’incidence de la pauvreté est de 54,2% contre 82,2%7 en milieu rural. La pauvreté touche les deux tiers des malgaches. Associée aux catastrophes naturelles, à une baisse des disponibilités alimentaires et à un accès limité aux aliments, la pauvreté a pour conséquence une forte insécurité alimentaire des ménages. La pauvreté est avant tout rurale; en effet environ 85% des pauvres se situent en zone rurale, alors que la population rurale représente 80% de la population. Les causes de l’amplitude et de la périodicité des déficits varient cependant selon les régions agro écologiques et les groupes sociaux. Dans certaines zones, ce sont les groupes à risque ayant des difficultés d’accès aux ressources, qui sont soumis à ces difficultés de couverture de leurs besoins vitaux : l’accès inégal à la terre, par exemple, handicape les jeunes paysans ou les femmes chefs de ménage.
L’insécurité et la pénurie alimentaire sont les formes les plus extrêmes des aspects multidimensionnels de la pauvreté qui touche la population malgache. Des analyses récentes sur les liens entre pauvreté et sécurité alimentaire apportent quelques informations intéressantes. L’insécurité alimentaire peut être due à l’insuffisance de la disponibilité alimentaire, à l’insuffisance du pouvoir d’achat, à des problèmes de distribution ou à une consommation alimentaire non adéquate au niveau familial. Elle peut être chronique, saisonnière ou temporaire. Environ 1,6 million de malgache sont victimes d’insécurité alimentaire chronique, l’insécurité alimentaire saisonnière touche près de la moitié de la population et se manifeste suivant le rythme de la production agricole. L’insécurité alimentaire saisonnière est beaucoup plus sévère entre le mois de Novembre et le mois de Mars, c’est-à-dire pendant la période de soudure.
Pendant cette phase on enregistre une diminution des stocks alimentaires des ménages, une hausse saisonnière du prix des denrées de base et la chute de production des cultures de rente. Comme la période de soudure coïncide avec la saison cyclonique, l’insécurité alimentaire saisonnière est aggravée par l’impact des cyclones et des inondations. Selon les estimations du Recensement des Communes de 2001(L’enquête ILO, CORNELL UNIVERSITY) plus de la moitié de la population malgache est victime de l’insécurité alimentaire de manière chronique ou temporaire.
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