l’imposture du décret de 1848 à l’incendie de la daara

l’imposture du décret de 1848 à l’incendie de la daara

Mendicité des enfants dans le Sénégal et Dépendances

Après la création du comptoir de Saint Louis en 1659, la France s’y installe définitivement à partir de 1816. Le Sénégal et Dépendances était constitué de Saint Louis et des dépendances comme Gorée, les établissements de la Petite Côte, Rufisque, Joal, Portudal. L’arrivée du chef de bataillon Louis Faidherbe en 1854 à la tête de la colonie marque le début des opérations militaires par la pacification du Fleuve ainsi le début de « la réglementation de l’enseignement coranique ». Dans ces unités pédagogiques, la mendicité des enfants subsiste à partir de la dégradation du contrat socio-pédagogique qui liait les collectivités aux écoles coraniques. Sous les coups de boutoirs d’une administration française hégémonique, l’école coranique afficha ses premières formes de métastases. Plusieurs de ses enfants, au-delà de leur statut ndongo daara embrassèrent une « mendicité délictuelle156 » et deviennent alors à juste titre, les fils de parents catalogués et en rupture de banc avec l’administration coloniale par le simple choix qu’ils portèrent sur l’école coranique. Malgré tout, les dispositifs de prise en charge de cette mendicité furent orientés dans l’absorption des enfants mendiants en errance et issus de l’affranchissement. 1. Le Sénégal : principal point d’appui colonial au Soudan occidental Le Sénégal a été pendant longtemps une réalité somme toute difficile à cerner157. C’est pourquoi, l’imposture du décret de 1848 se situe dans l’observance de l’ensemble des formes de régulation sociale dans le cadre d’une partition territoriale sans précédent du territoire, progressivement en construction. En ce moment, le Sénégal référait exclusivement à la ville de Saint-Louis, premier comptoir français et plaque tournante pour les négociants européens remontant le fleuve à la recherche d’esclaves, mais aussi de gomme arabique, d’or, de peaux et autres produits. Le principe que le sol français affranchit l’esclave qui le touche est appliqué à Saint-Louis158, entourée en conséquence, de territoires non encore colonisés où l’esclavage sévissait assez remarquablement. À ce titre voyons la présentation du décret en question et les trois premiers articles qui le régissent. Décret du 27 avril 1848, portant abolition de l’esclavage dans les colonies et possessions françaises Au nom du Peuple Français Le gouvernement provisoire, considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; qu’en détruisant le libre arbitre de l’homme, il supprime le principe naturel du droit et du devoir ; qu’il est une violation flagrante du dogme républicain : Liberté, Egalité, Fraternité, décrète : Article premier. L’esclavage est entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises Art. 2. Le système d’engagement à temps établi au Sénégal est supprimé. Art. 3. Les gouverneurs et commissaires généraux de la République sont chargés d’appliquer l’ensemble des mesures propres à assurer la liberté à la Martinique, à la Guadeloupe et dépendances, à l’Ile de la Réunion, à la Guyane, au Sénégal et autres établissements français de la côte occidentale d’Afrique, à l’Ile de Mayotte et dépendances et en Algérie159 . Cette grande initiative juridique avait entrainé des conséquences démographiques majeures à Saint-Louis. Pour cette raison, vers 1888, la prescription coloniale frappa tout individu non domicilié dont la présence est réputée dangereuse pour la sécurité de l’établissement colonial. Cependant en devenant un espace d’accueil des maîtres coraniques et des esclaves affranchis, Saint-Louis se transforme en un centre religieux160 où les enfants ndongo daara dans la masse des enfants en situation de rue ou issus de famille servile. La proximité du Fouta, du Walo et de la rive droite du fleuve Sénégal participe à faire de Ndar161 , un foyer islamique de tout premier plan. En septembre 1855, Faidherbe exhorta les rois du Khasso à former une confédération avec laquelle, il signa un traité de protection du commerce français et l’appui militaire de la France à la coalition162 . Ce contexte de surenchère politique, entre pouvoir colonial, ordres maraboutiques et aristocraties traditionnelles, annonce l’éventualité d’un affrontement inéluctable. La prééminence de la survie des uns et des autres sème des alliances contre nature sur le dos des populations. À la suite de la dynamique guerrière toorodo et des almamis163, l’administration coloniale de Saint-Louis continua à manier la politique du bâton et celle de la carotte. L’élite intellectuelle symbolise ainsi pour les populations une véritable bouffée d’oxygène164. En effet, « l’idéologie musulmane, dont l’institution repose sur l’égalitarisme, leur offrait un cadre serein de refuge et de sécurité. Cette ruée vers les marabouts était doublée à SaintLouis d’une revendication des musulmans de la ville qui demandaient à être jugés conformément à leur conviction religieuse165». C’est dans cette perspective que Faidherbe posa les premiers jalons d’une réorientation de la politique musulmane de la France une première fois entre 1854 et 1859 et une seconde fois entre 1863 et 1865.

Les dépendances à la colonie du Sénégal: des points d’appuis secondaires

Les dépendances étaient constituées de Gorée, les établissements de la Petite Côte, Rufisque, Joal, Portudal et de quelques escales où l’autorité de l’administration de Saint-Louis était de vigueur. L’année 1854, en marquant l’arrivée du chef de bataillon Louis Faidherbe à la tête de la colonie, occasionne les opérations militaires qui débutèrent par la conquête des régions, le long du Fleuve185. Pour sécuriser davantage ces emprises coloniales, tout individu non désirable pouvait être immédiatement expulsé, et ce pouvoir s’étendait aux citoyens même de la colonie. La grande majorité des marabouts qui s’séjournaient dans ces contrés était venus à la recherche de connaissances plus approfondies des percepts coraniques. Une fois imbibés de connaissances religieuses, ils créaient à leur tour et souvent dans des zones plus éloignées leurs propres centres islamiques186 . En voulant restaurer la paix sociale afin de promouvoir le développement de relations commerciales le long du Fleuve Sénégal, le gouverneur Duchâteau lança une campagne de guerre contre les actes flagrants d’hostilité de peuplades peulhs du Fouta Toro. Les deux bourgades dans ce no man’s land fluvial furent Médine et Bakel. Ces deux villes stratégiques assuraient à l’existence coloniale une présence renforcée par la mise en place des forts. Distant de plus de 900 km de Saint-Louis par voie fluvial, Médine fut à l’établissement de la liberté du commerce, l’un des points de traite les plus éloignés de ce qui fut l’arrondissement de Saint-Louis. À cette époque, s’établir au-delà de Bakel était une aventure périlleuse car, il s’agissait d’évoluer sur un terrain encore peu connu à la sécurité précaire et au climat particulièrement hostile. Médine était une localité qui donnait de grandes espérances par ses réserves abondantes de sables aurifères, ses forêts de bois dur encore peu exploitées et sa bonne production de riz, de mil et d’arachide187 . La ville devient tout à tour un grand carrefour de rencontre et d’échange mais également d’éducation avec la mise en place de plusieurs structures d’éducation coranique. À la suite de la réception de vagues maraboutiques et de leurs effectifs talibés venus du Djolof et du Fouta, des menaces de dissolution de communautés entières pesaient sur Bakel. C’est pourquoi le fort avait connu des modifications pour garantir la sécurité et la quiétude des populations. Par ailleurs la sédentarisation de ces mouvements migratoires joua pour beaucoup dans la consolidation de l’islam dans cette région. Cette dernière avait connu la religion musulmane grâce à l’action 187 DIOP, M. I. A., op. cit., pp. 99-100. 68 des commerçants venus du Soudan occidentale. C’est pourquoi, Bakel constituait un point d’appui à renforcer pour l’administration française.

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Table des matières

 Première partie . : Racines historiques de la mendicité des enfants et partition territoriale au Sénégal entre 1848 et 1895
Introduction
CHAPITRE I :Esclavage, islamisation et traite négrière : stratégies d’enrôlement et facteurs d’émergence de la mendicité des enfants (1848-1869)
I. Archéologie des liens de causalités
1. Tares et avatars dans le processus d’implantation des écoles coraniques
2. Finalités de l’école coranique et pratiques d’assujetissement
II. Mendicité des enfants dans le Sénégal et Dépendances
1. Le Sénégal : principal point d’appui colonial au Soudan occidental
2. Les dépendances à la colonie du Sénégal: des points d’appuis secondaires
III. Mendicité des enfants dans les territoires dits« indigènes » et le monde ceddo
1. Les territoires dits« indigènes » : un monde en crise et en recomposition
2. Le monde ceddo face à la double équation du principe du « sol libérateur » et de l’influence maraboutique
Conclusion du premier chapitre
CHAPITRE II : Islamisation et dynmique administrative française (1869-1895)
I. De la résistance à l’accommodation des chefs maraboutiques et coutumiers
1. L’éducation traditionnelle face à l’immixtion des écoles coraniques et françaises
2. Le système d’éducation coranique et ses corolaires
II. Errance juvénile et mendicité des enfants dans les villes coloniales
1. Le rôle des instances de la réaction sociale
2. Le cadre urbain colonial et ses réalités d’emphase
3. L’assistance sociale coloniale : une politique transitoire dans la prise en charge de la question de l’enfance en danger
Conclusion du deuxieme chapitre
Deuxième partie : Perversion de la mendicité des enfants et ordre colonial entre 1895 et 1958
Introduction
CHAPITRE I : Le schéma d’exploitation et d’exclusion de la puissance coloniale (1895-1939)
I. L’armature territoriale coloniale
1. Les dispositions administratives et les contingences juridiques
2. La politique de décongestionnement des centres urbains
II. Les instruments du processus de gestation hégémonique
1. Leurres et lueurs de la politique sociale coloniale
2. Les difformités de l’école coloniale et les formes de représentation socioculturelles
Conclusion du premier chapitre
CHAPITRE II : Le cadre politique de la prise en charge de la mendicité des enfants (1939-1958)
I. La double articulation d’une altérité instrumentalisée
1. Les dispositifs éducatifs classiques et leurs relations aux cadres hégémoniques
2. Intrusions « indigènes » et gestion urbaine colonial
3. Surveillance accrue des enfants mendiants et contrôle des écoles coraniques
II. « L’enrôlement » des enfants et dynamique de protection sociale
1. Evolution de la législation sociale
2. La mendicité des enfants pendant et après la guerre
3. L’Etat colonial face à la mendicité des enfants 1
Conclusion du deuxième chapitre
Conclusion de la deuxième partie
Troisième partie : Mendicité des enfants et atomisation structurelle entre 1958 et 2013
Introduction
CHAPITRE I : Postures et dispositifs relatifs à la mendicité des enfants (1958-1981)
I. Discours et dispositifs institutionnels
1. Le discours institutionnel
2. Le dispositif institutionnel
II. La difficile homologation de dispositifs officieux
1. L’école coranique : une opposition historique à l’école officielle
2. Survivances et poursuite des restrictions .
III. Le désengagement de la puissance publique des secteurs sociaux
1. La faillite de la sécurité sociale
2. La crise de la famille au Sénégal
CHAPITRE II : Invariances et évolution des discours et des programmes de lutte contre la mendicité des enfants (1981-2013)
I. Entreprenariat religieux et lobbies maraboutiques
1. L’industrie de la mendicité des enfants
2. Crise du système éducatif et descolarisation massive des enfant
3. De la problématique de la modernisation de l’enseignement coranique
II. Le compromis social sur la mendicité des enfants
1. La crise de la compromission collective autour de la mendicité des enfants
2. De la complicité et de la complexité des acteurs intervenants
3. Aumône, offrande, sacrifice et mendicité ou comment se « décharger » sa
mauvaise conscience sur les enfants mendiants
Conclusion du deuxième chapitre
Conclusion de la troisième partie
Conclusion générale
Documentation Erreur ! Signet non défini.
I. Instruments de travail
II. Sources
1. Sources d’archives
2. Sources imprimées
3. Sources orales
a. Entretiens individuels
b. Entretiens de groupes
III. Références bibliographiques
1. Mémoires
2. Thèses
3. Articles de revues scientifiques et chapitres d’ouvrages collectifs
4. Ouvrages
a. Ouvrages généraux
b. Ouvrages sur l’enfance
Tables des tableaux, des cartes, des pièces iconographiques et des annexes
Index général

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