L’AJUSTEMENT STRUCTUREL A MADAGASCAR
Suite à la mauvaise coordination de la politique de développement autocentré et d’investissement à outrance aux structures productives existantes et aux appareils de production disponibles, l’économie malgache a connu, au début des années 80, de graves difficultés et perturbations d’origines interne et externe. En effet, le programme d’investissement public massif lancé entre 1978 et 1980, financé principalement par l’emprunt extérieur malgré la stagnation des recettes intérieures, a creusé considérablement le déficit budgétaire et a alimenté l’inflation. De même, la dégradation des termes de l’échange a pénalisé les secteurs des exportations nationales et a diminué, en conséquence, les recettes en provenant.
Toutefois, le début des années 80 est marqué par la mise en oeuvre d’un nouveau programme destiné à aider les économies victimes d’un fort déséquilibre interne et externe.
Etant défini comme un processus continu qui consiste à modifier les structures d’une économie, afin de réduire les effets négatifs ou afin de profiter de nouvelles possibilités, l’ajustement structurel est considéré comme le seul moyen permettant de retourner vers l’équilibre. De ce fait, il permet de stopper la dépréciation de la situation économique et de stabiliser les éventuels indicateurs d’appréciation de l’économie tels que la monnaie et l’inflation. A plus forte raison, il permet d’ajuster les structures macroéconomiques qui ont entraîné leur détérioration. Mais afin de pouvoir mettre en évidence l’utilité de l’ajustement structurel pour le cas de l’économie malgache, il est essentiel de traiter, dans la première section de notre chapitre, les problèmes de déséquilibres de l’économie malgache, qui ont nécessité, d’abord, l’établissement du programme de stabilisation pour atténuer le déficit.
C’est seulement à partir de la seconde section que nous allons déterminer l’importance de l’ajustement structurel pour l’économie malgache, pour pouvoir continuer dans la troisième section, par la mise en oeuvre de l’ajustement structurel à Madagascar.
Les problèmes de déséquilibres économiques à Madagascar et le programme de stabilisation
Pour le cas de Madagascar, les problèmes de déséquilibres économiques sont apparus sous différentes formes telles que, le déséquilibre structurel et le déséquilibre conjoncturel, dont l’instabilité des indicateurs d’appréciation de l’économie constitue l’essentiel des effets. L’établissement d’un programme de stabilisation est considéré comme un moyen permettant d’atténuer le déficit et de retourner vers l’équilibre. Mais pour commencer, nous allons effectuer une analyse des déséquilibres économiques à Madagascar tels que, le déséquilibre conjoncturel (paragraphe I), et le déséquilibre structurel (paragraphe II), avant de continuer sur la mise en application du programme de stabilisation (paragraphe III).
Le déséquilibre conjoncturel
Avant de présenter les différentes sources du déséquilibre conjoncturel, il nous faut définir ce qu’est un déficit conjoncturel. Ainsi, après avoir donné la définition du déséquilibre conjoncturel (I), nous allons, ensuite, préciser ses différentes sources telles que: la politique d’investissement à outrance, la politique de développement autocentré et la politique de nationalisation (II) ainsi que leurs incidences économiques (III).
Qu’est – ce que le déficit conjoncturel ?
Selon le FMI1, le déficit conjoncturel se présente sous trois aspects différents :
– les déficits auto – réversibles susceptibles de se résorber d’eux – mêmes, que leurs origines soient internes (mauvaises récoltes ou catastrophes naturelles) ou externes (chocs extérieurs affectant la balance des opérations courantes ou chutes des cours des exportations affectant les recettes d’exportations) ;
– les déficits dûs à un excès de demande intérieure provoquant une hausse insupportable des importations par rapport aux recettes extérieures ;
– les déficits résultant d’un déséquilibre fondamental dû à un taux de change de la monnaie inadapté à la suite, par exemple, d’une forte inflation des coûts qui gêne les exportations et favorise les importations.
D’après cette définition, le déficit conjoncturel est un phénomène passager, auto – réversible ou un déséquilibre dû à un excès de demande ou à un taux de change inadapté.
Ainsi, il est important de montrer son origine afin d’évoquer les solutions entreprises pour la résorption du problème.
La politique d’investissement à outrance, la politique de développement autocentré et la politique de nationalisation
Pendant les années 70, le pays a suivi une stratégie de développement autocentrée qui conférait un rôle primordial au secteur public. Dans ce cas, la direction de toutes les activités de production ainsi que toute décision concernant le programme de relance de l’économie appartenaient à l’Etat. L’objectif central était de faire de l’industrie la principale source de croissance et de développement. En effet, la priorité pour l’industrialisation a été soutenue par de puissants arguments tels que la baisse séculaire des rendements agricoles, face à un taux élevé de croissance démographique, s’opposant aux rendements croissants de l’industrie, et l’impossibilité de prévoir la production agricole, due aux aléas climatiques, s’opposant à la planification de la production industrielle. De plus, la conjoncture durant les années 1970 a été favorable à la planification industrielle et à un vaste programme de relance économique car, elle a été marquée par la grande disponibilité financière provenant du processus de recyclage des pétro – dollars suite à la hausse des prix du pétrole.
Toutefois, les efforts consacrés pour mener à terme les objectifs d’industrialisation, la forte présence de l’Etat dans tous les domaines de l’activité économique ont perturbé l’initiative privée. Ceci résulte du fait que la nationalisation de presque toutes les entreprises, depuis détenues par les étrangers, a entraîné des imperfections, d’abord au niveau des structures de production (production planifiée) puis, au niveau de la commercialisation (prix fixé). Le monopole de la production et de la commercialisation a été attribué à l’Etat et, cette absence de libéralisme dans le fonctionnement du système productif et commercial, a affecté considérablement la situation économique globale.
Incidences économiques de ces différentes politiques
A travers un tableau montrant l’évolution comparée des taux de croissance du PIB et du PIB par habitant, nous allons déterminer les effets de ces politiques sur le PIB réel et sur le PIB par habitant.
Durant toutes les années 70 et même au début des années 80, l’économie malgache a été victime de l’insuccès de la politique de nationalisation suivie. Le PIB réel diminuait fortement (de 2,8% à – 3,6% par an) et, on assistait ensuite à une baisse continuelle du revenu réel par habitant. Tous les secteurs souffraient des contraintes administratives dues à la mauvaise application de la politique de développement autocentré. Ainsi, face à la rigidité de la structure productive existante, aucun effet à moyen terme ne peut être réalisé sur la capacité de production du pays. Au contraire, le programme d’investissement de grande envergure, lancé vers la fin de la décennie, qui s’est accompagné d’une politique financière d’expansion dont les principales ressources proviennent de l’extérieur, a entraîné l’augmentation de la demande intérieure globale. Et, cette dernière a provoqué un alourdissement du déficit des transactions extérieures courantes qui est passé de l’équivalent de 5% environ du PIB en 1978 à plus de 17% en 1979 et 1980. En outre, du fait de la politique d’expansion des années 70, ainsi que d’une politique de taux de change rigide pratiquée, la monnaie nationale s’est trouvée fortement surévaluée. Une telle situation a perturbé en conséquence la production et surtout les exportations mais favorise les importations. En effet, Madagascar, pays traditionnellement exportateur de riz, est devenu importateur. Par contre, les débouchés extérieurs des produits traditionnels d’exportation comme le café, le clous de girofle, la vanille et le poivre se sont trouvés rétrécis, ce qui ont rendu insuffisante les recettes d’exportations (286 millions de DTS seulement en 1982)2.
Au niveau conjoncturel, la politique d’investissement à outrance, la politique de nationalisation et la politique de développement autocentré se sont donc traduites par des importants déséquilibres intérieurs et extérieurs tels que : une évolution rapide des prix passant de 6,6% en 1978 à 14% en 1979 et 18% en 1980, un déficit budgétaire énorme dû à l’importance des subventions (18,4% du PIB en 1980), un accroissement de l’endettement extérieur et un lourd déficit de la balance des paiements (de 2,5 millions de DTS en 1978 à 158,6 millions de DTS en 1979)3. Le recours au programme de stabilisation est devenu primordial pour atténuer l’ampleur des problèmes générés par les déséquilibres internes et externes. Mais devant le caractère permanent du déséquilibre, il nous apparaît essentiel de déterminer les origines du déséquilibre structurel et de présenter ses différentes manifestations.
Les origines du déséquilibre structurel et ses différentes manifestations
Pour Madagascar, le déséquilibre structurel est devenu un problème fondamental qui limite toute perspective de relance économique et perturbe les efforts déjà entrepris pour améliorer la croissance de l’économie du pays. Dans ce cas, nous allons, premièrement, déterminer les origines du déséquilibre structurel, avant de passer à la présentation de ses différentes manifestations.
Les origines du déséquilibre structurel
Le caractère permanent du déséquilibre suppose avant tout une certaine analyse de ses origines afin de pouvoir expliquer, comment se manifeste le déséquilibre structurel à Madagascar ? Nous pouvons déterminer que la principale origine d’un déséquilibre structurel est la rigidité des structures productives ainsi qu’une détérioration des termes de l’échange.
Les rigidités structurelles ont porté atteinte à la production car elles ont entravé l’aboutissement du programme d’investissement à outrance, ensuite, perturbé une orientation des ressources vers les secteurs et les industries qui offrent les meilleurs avantages possibles.
Par exemple, l’échec du programme d’investissement public de grande envergure lancé, accompagné d’une politique financière d’expansion, est d’avoir entraîné la demande à la hausse alors que la capacité de production n’a pas pu permettre à l’offre d’y répondre efficacement. Ceci a eu pour conséquences: une forte inflation, une baisse de volume des exportations, une augmentation des importations et un déficit de la balance commerciale (cf Chapitre I, Section I, §I, III, p 23). Aussi, les mesures prises pour favoriser les entreprises d’Etat n’ont-elles pas produit d’effets favorables. D’abord, la fixation des prix n’a pas encouragé la production parce qu’elle diminue la marge commerciale recherchée par chaque producteur; ensuite, le recours au protectionnisme pour freiner les importations compétitives afin de protéger les industries nationales compromettrait du même coup une part importante des marchés d’exportation du pays, ce qui a eu pour effet de réduire les recettes d’exportations. De ce fait, nombre d’industries ont dû être soutenues à coups de subventions budgétaires au prix d’une forte détérioration des finances publiques. L’importance des besoins de financement du secteur public a provoqué le recours excessif au financement extérieur.
Ainsi, la politique d’expansion budgétaire appliquée a creusée un déficit au niveau des finances publiques, c’est-à-dire que contrairement à ce qui a été attendu, les résultats se sont trouvés décevants. En effet, un fort déficit extérieur qui se manifeste sous diverses formes est apparu.
Les différentes manifestations du déséquilibre structurel à Madagascar
Le déficit structurel est caractérisé par une croissance économique lente et une position de balance des paiements intrinsèquement faible qui empêche la poursuite d’une politique active de développement. D’une façon générale, les déséquilibres économiques que le pays a rencontrés se sont présentés sous diverses formes tels que le déséquilibre entre la production et la consommation, le déficit budgétaire, le déséquilibre extérieur, la forte inflation et la dépréciation monétaire, et finalement les distorsions du marché de l’emploi.
Déséquilibre entre production et consommation
Au niveau du secteur agricole, l’abandon de la politique agricole coloniale après l’indépendance a amplifié la crise agro – alimentaire. Comme le système productif colonial était basé sur la culture de rente destinée à l’exportation, les producteurs se sont consacrés à cette culture.
