Autonomisation et évaluation, principes du vivant
Les données des entretiens et des observations suggèrent que l’autonomisation (ou l’autonomie) et l’évaluation sont des notions dont chacun a une représentation issue de l’expérience de vie et/ou « professionnelle ». Les données des entretiens permettent de faire ce constat du point de vue des enseignants. Celles des observations en autorisent la projection du point de vue des apprenants. De cette manière, ces deux notions ne sont étrangères pour aucun des acteurs de l’enseignement (enseignants et apprenants). Si dans les classes observées en contextes indifférents, des comportements autonomes et un aspect de l’activité évaluative sont toujours actualisés même sans une planification réfléchie de l’enseignant, c’est bien parce que ces processus ne sont pas à apprendre. Ils relèvent de l’autopoïésis. Ce principe cellulaire peut être étendu à l’individu puisque certaines de ses actions (sauf celles qui relèvent de la routine, dernier stade d’une compétence) sont souvent le résultat d’une évaluation de la situation rencontrée, d’une évaluation et du choix des moyens (compétences, capacités, connaissances, outils, personnes, etc.) afin de produire une réponse adaptée. Il peut être aussi appliqué à la situation d’apprentissage car dans une classe un apprenant doit fréquemment répondre à des stimulations de l’environnement (camarades, professeur, supports, etc.) et pour ce, sélectionner les moyens dont il dispose. La sélection est rendue possible par le choix, lui-même rendu possible par une prédisposition à l’évaluation et à l’autonomie. Il est à noter que lorsqu’un apprenant choisit l’aide de ses camarades ou de son enseignant pour répondre, le processus d’autonomie n’est pas interrompu puisque les personnes qui l’entourent sont autant de ressources qu’il peut utiliser. D’où les affirmations selon lesquelles l’autonomisation n’est pas un processus solitaire mais au contraire complexe et que l’autonomie ne désigne pas un état mais plutôt une construction perpétuelle de l’individu puisqu’il aura à faire face à diverses situations inconnues. Ainsi, un individu est certes autonome mais dans certains domaines et il s’agit entre autres, dans le cadre de nos propos, de remarquer ce qui peut construire son autonomisation dans celui de l’apprentissage. Il semblerait que ce qui construit l’autonomisation de l’apprenant, soit le principe d’autopoïésis mettant en relation autonomisation et évaluation au travers de la notion de Evaluation>Les modalités de l’évaluation>Evaluation et connaissance des critères, objectifs et contenus ; Evaluation>Les modalités de l’évaluation>Evaluation comme pratique subjective. synthèse sur le fonctionnement du MARCAA par le croisement des données issues des entretiens et des observations de classe choix , notion qu’il faut considérer comme le résultat et l’expression de la dynamique de ces deux processus. C’est donc en les perfectionnant dans le cadre de l’apprentissage que l’apprenant pourra faire des choix, les bons autant que faire se peut sous le regard bienveillant de l’enseignant
L’enseignant et ses pratiques
Les données des entretiens (cf. la catégorie « Autonomisation et plan d’enseignement », dans le thème « Autonomisation ») et des observations de classes, indiquent l’actualisation des variables du MARCAA par le rôle de l’enseignant (ses pratiques et son utilisation des supports -manuel, etc.). Ce constat rappelle son importance dans le processus d’évaluation et d’autonomisation des apprentissages et ce parce que d’abord il incarne le plus souvent dans la classe le référent ou la référence nécessaire à l’activité évaluative et qu’ensuite c’est à lui que peut revenir la possibilité de créer ou non les conditions d’acquisition de l’autonomie. Cette possibilité existe car certes, un enseignant peut être obligé de suivre les choix en matière de pédagogie ou d’andragogie de l’établissement où il enseigne (cf. par exemple, Classes de français, le collège et le lycée Caritas) mais peut, malgré ces choix, favoriser ou limiter les variables du MARCAA par ses pratiques (cf. les classe 5.LS et 10.BF). Par « pratiques », il faut comprendre les activités qui composent le plan d’enseignement mais aussi les actions que l’enseignant fait dans la classe. Les données des entretiens (cf. les sous-catégories Autonomisation et fonctions de l’enseignant144, Autonomisation et ZPD145 ; Autonomisation et mimétisme146) et des observations (critères concernant la co-construction) se rejoignent pour insister sur l’aide et les conseils qu’il peut apporter mais aussi sur le fait qu’il se doit d’être une source, une ressource des connaissances (plutôt que leur transmetteur) et un modèle. Quoiqu’il en soit, et c’est ce qu’ont montré les observations en contextes favorables, il est fondamental que l’enseignant faisant le choix de l’autonomisation des apprentissages, soit lui-même autonome. Un enseignant autonome n’est pas uniquement un individu à qui sa hiérarchie aurait donné une certaine liberté dans la conduite de ses classes. C’est aussi un 142 Relation entre (auto-)évaluation et autonomisation> les relations envisagées>Le choix ; Autonomisation> Autonomisation et plan d’apprentissage> Autonomisation et décisions de l’apprenant Autonomisation>Autonomisation et plan d’apprentissage>Apprendre à Apprendre ; Autonomisation>Autonomisation et plan d’apprentissage> données AUTO_PLA 15-1 et AUTO_PLA-15-2 ; Autonomisation>Autonomisation et interactions>Autonomisation et ZPD 144 Autonomisation>Autonomisation et plan d’enseignement> Autonomisation et fonctions de l’enseignant Autonomisation>Autonomisation et interactions> Autonomisation et ZPD Autonomisation>Autonomisation et interactions> Autonomisation et mimétisme enseignant qui peut faire des choix didactiques en connaissance de cause et qui n’est pas enfermé dans des procédés routiniers. Une formation pourrait l’y aider.
Synthèse sur la confirmation des variables du MARCAA
Les classes ont été le terrain de la réalisation des variables dont différentes formes ont déjà été recensées. Le croisement des données de confirmation des variables du MARCAA issues des observations et des entretiens signale que : a. l’autopoïésis est assimilable à un processus d’apprentissage dont les moteurs sont un besoin, une erreur ou une remédiation, étant entendu que les erreurs comme les remédiations sont des sources d’apprentissages ; b. une auto-éco-organisation favorable est soutenue par une ergonomie de classe particulière 148 , des technologies numériques, des supports 149 , des interactions (APS(s)-AP(s), AP(s)-ENS, ZPD) et l’enseignant (fonctions, activités)150 ; c. la co-construction désigne à la fois un processus interne d’(auto)apprentissages produit (poièsis) par l’action conjuguée de l’autonomisation et de l’évaluation (autopoïétique) mais aussi et c’est ce qu’ont indiqué les données des observations de classe, un processus d’apprentissage en relation lorsque les apprenants collaborent ou coopèrent avec leurs camarades et que l’on pourrait désigner par syn-poïétique (du grec, syn, avec, ensemble) ; d. l’autorisation est le plus souvent envisagée dans la gestion d’objectifs (acquisition des savoirs, activités) hétéronomes. Or selon les observations de classe, l’autorisation peut aussi concerner le contenu du plan d’enseignement.
L’importance du contexte d’enseignement /apprentissage
Les analyses des données des entretiens laissent penser que le contexte d’enseignement/apprentissage aussi bien que la culture d’enseignement/apprentissage influent sur l’autonomisation des apprentissages et leur (auto-)évaluation. Pourtant, conformément aux analyses des données des observations, les contextes indifférents n’ont pas toujours une influence déterminante dans le fonctionnement du MARCAA et, comme cela l’a été précisé plus haut, c’est plutôt l’enseignant qui dans ce cas est un facteur notable. Certes, des établissements peuvent avoir une politique éducative encadrant fortement les pratiques des professeurs au point de faire passer au second plan leurs préférences en matière de pédagogie (cf. la classe 6.LS) mais de manière générale, ceux-ci possèdent toujours une certaine liberté. Le collège et le lycée Caritas d’un côté et Classes de français de l’autre, forment deux extrêmes intéressants car les variables du MARCAA y ont été tout de même actualisées avec, il est vrai, plus de prégnance dans le troisième établissement. Cela montre que les contextes peuvent ne pas être déterminants mais que les contextes favorables le sont assurément et ce parce que la situation d’enseignement/apprentissage a été produite par une ingénierie (supports, formations des enseignants) pensée pour l’autonomisation. C’est ainsi que le contenu des propos des deux enseignants 1.M et 1.ELE font très souvent écho aux notions d’autonomie et d’(auto- )évaluation telles qu’elles ont été décrites dans le cadre théorique de cette recherche montrant ainsi leur forte sensibilisation en la matière. Cependant, une question se pose : Est-ce que dans ces contextes favorables, tel que Classes de français, des pratiques hétéronomes seraient possibles (voire acceptées par la hiérarchie) comme c’est le cas dans des contextes indifférents tels que les lycée et collège Caritas ? En somme, est-ce que les contextes favorables aux principes du MARCAA ne seraient pas plus contraignants en ce qui concerne les pratiques d’enseignement/apprentissage que ceux qui y sont indifférents mais qui permettent des comportements autonomes de l’enseignant ? L’absence d’engagement pédagogique en matière d’autonomisation limite les effets de ce processus mais ne l’empêche pas ; son exclusivité n’aurait-elle pas pour effet de l’imposer et donc de favoriser une situation hétéronome d’apprentissage ou le seul choix serait celui de l’autonomisation ? Quoiqu’il en soit, si les discours sur l’influence du contexte d’enseignement/apprentissage divergent des réalités observées cela vient sans doute du fait de la représentation de la notion d’autonomisation qui pour beaucoup d’enseignants interviewés, n’était pas avant tout un principe du vivant et donc souvent réalisé.