LA SEXUALITÉ DES ADOLESCENTS
Depuis plusieurs années, l’éducation à la sexualité retient l’attention de nombreux intervenants (chercheurs, spécialistes, enseignants, et autres) préoccupés par le développement des jeunes au plan de la sexualité et ce, tant au Québec que dans d’autres provinces ou pays (Allen, 2009, 2004; Bourrassa, 2009; Desaulniers, 2001, 1995, 1990a, 1990b; Duquet, 2007, 2006a, 2004, 2000, 1996; Duquet et Quéniart, 2009; Faucher, 2008; Kirby, 2001, 2000, 1999; Langille, Mackinnon, Marshall et Graham, 2001; Maticka- Tyndale, 2008; MELS-MSSS, 2008; MEQ-MSSS, 2003; Milton et coll., 2001; Rondeau, 2009; Sauvé, 2009; Scales et Kirby, 1983; Timmerman, 2009; Tousignant, 1985; Westwood et Mullan, 2007; Yarber et McCabe, 1981). Cette préoccupation a été longtemps attribuée au fait que l’adolescence est marquée, entre autres, par l’arrivée de la capacité de reproduction et les inquiétudes que cela occasionne quant à un agir sexuel potentiel. Et, malgré le fait que la moyenne d’âge des premières relations sexuelles semble stable depuis les 10 dernières années (Blais et coll., 2010), certains s’inquiètent tout de même à l’effet qu’on observerait chez les adolescents, et ce, depuis quelques années, une entrée plus prématurée dans la vie sexuelle active (Bouchard et Bouchard, 2007; Bouchard, Bouchard et Boily, 2005). À ces préoccupations se joignent également les inquiétudes concernant la violence amoureuse et sexuelle chez les jeunes (Bourrassa, 2009; Fernet, 2005; MSSS, 2010a, 201Oc), les agressions à caractère sexuel (MSSS, 2001), l’incidence de certaines infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) qui a doublé depuis 1996 (Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2007; Marchand, 2009; Maticka-Tyndale, 2008; MSSS, 2009) et celui des grossesses non désirées à l’adolescence (Bourrassa, 2009; Dufort, Guilbert et St-Laurent, 2000; MEQ, 2002a; MSSS, 201Ob, Statistique Canada, 2005).
Certains auteurs considèrent que la société occidentale est devenue hypersexualisée (American Psychological Association, 2007; Bouchard et Bouchard, 2007; Bouchard, Bouchard et Boily, 2005; Duquet, 2007; Poulin et Laprade, 2006). Et que les enfants et les adolescents sont bombardés de toutes sortes de messages implicites et explicites concernant la sexualité et l’agir sexuel (Duquet, 2006b; Duquet et Quéniart, 2009; MEQ-MSSS, 2003). Sans compter l’apparition de nouveaux phénomènes sociosexuels dans l’univers des jeunes notamment les amitiés sexuelles (juckfriends) (Duquet, 2006b; Duquet et Quéniart, 2009), l’arrivée d’Internet et son influence sur la sexualité des jeunes (Duquet et Quéniart, 2009; Maticka-Tyndale, 2008; Salmon et Zdanowicz, 2007), la cyberpornographie (Dionne, 2005; Duquet, 2006b; Duquet et Quéniart, 2009; Freeman-Longo, 2000; Greenfield, 2004), le c1avardage sexuel (Duquet, 2006b; Duquet et Quéniart, 2009; Maticka-Tyndale, 2008; Subrahmanyam, Smahel et Greenfield, 2006), l’hypersexualisation des vêtements chez les jeunes et la sexualisation précoce des jeunes filles (American Psychological Association, 2007; Bouchard, Bouchard et Boily, 2005; Bouchard et Bouchard, 2007; Duquet, 2007; Duquet et Quéniart, 2009; Poulin et Laprade, 2006; Sauvé, 2009). Ces réalités entourant la’ sexualité des adolescents mettent en évidence l’importance d’une démarche d’éducation à la sexualité auprès des jeunes.
L’IMPORTANCE DE L’ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ
Dans le but de favoriser l’émergence d’une sexualité same et responsable et de prévenir des situations indésirables au plan de la sexualité (ex: grossesse non désirée, infections transmises sexuellement et par le sang, agression à caractère sexuel, violence dans les relations amoureuses, etc.), une démarche d’éducation sexuelle semble être une solution d’une grande importance (Allen, 2009; Duquet, 2000, 1996; Haglund, 2006; Kirby, 2000; Langille et coll., 2001; MELS-MSSS, 2008; MEQ-MSSS, 2003; Milton et coll., 2001; Santé Canada, 2008, 2003, 1994). Dans le cadre de sa mission éducative (instruire, socialiser, qualifier) établie par le MELS (2007b) et en complément du rôle de premier plan joué par les familles, l’école a un rôle significatif à jouer dans le développement et l’éducation des jeunes y compris au niveau de l’éducation à la sexualité (Desaulniers, 2001; Dupras, 1985; Duquet, 2006b, 2000, 1996; Kirby, 1992; MELS-MSSS, 2008; MEQ-MSSS, 2003). En effet, l’école est un milieu de vie qui permet aux jeunes, de façon formelle et parfois informelle;« [ … ] d’échanger entre eux avec des intervenants sur différents aspects, et ce, en tenant compte de leur niveau de développement» (MSSS, 2007 : 6).
L’école est aussi le seul lieu commun à tous les jeunes et souvent « [ … ] la seule chance pour les jeunes qui ne sont pas accompagnés dans leur développement par les adultes de leur milieu familial et social, d’avoir droit à une éducation et en particulier à une éducation sexuelle» (Desaulniers, 1995 : 21). L’éducation à la sexualité scolaire permet, certes, d’augmenter le nIveau de connaissances des jeunes sur différents sujets liés à la sexualité, mais aussi de développer leur jugement critique par le biais de diverses méthodes pédagogiques telles que travaux d’équipes, jeux de rôles, analyses de cas, mises en situation, discussions de groupe, etc. (MELS-MSSS, 2008; MEQ-MSSS, 2003). L’éducation à la sexualité offre également aux jeunes la possibilité de réfléchir sur les éléments indispensables à une sexualité saine et favorise le développement de valeurs, d’attitudes et d’habiletés essentielles à l’émergence d’une sexualité épanouissante (McKay, 2004; MEQ-MSSS, 2003; Milton, 2003). Au Québec, on se préoccupe depuis plus de 40 ans à ce qu’il y ait des démarches formelles d’éducation sexuelle en milieu scolaire.
L’ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ SCOLAIRE AU QUÉBEC
Le programme de «Formation personnelle et sociale» Au Québec, les premlers pourparlers sur l’éducation sexuelle scolaire ont pns naissance en 1964 avec la venue du rapport Parent (MEQ, 1963-1965). L’apparition d’un premier programme d’éducation sexuelle formelle, le programme de «Formation personnelle et sociale» ou FPS, nes1est cependant fait qu’en 1986 au secondaire et en 1988 au primaire (MEQ, 1984a, 1984b, 1984c). Il voulait favoriser chez les jeunes une plus grande liberté, autonomie et responsabilité. Ce programme comportait cinq volets: santé, sexualité, consommation, vie en société, et relations interpersonnelles. Chacun de ces volets représentait, en principe, cinq heures obligatoires par année (MEQ, 1984a, 1984b, 1984c). Et bien qu’il ait été obligatoire dans toutes les écoles primaires et secondaires du Québec, rares sont celles qui l’ont dispensé de façon intégrale, et ce, particulièrement dans les écoles primaires (Duquet, 2006b). Suite à la tenue des états généraux sur l’Éducation en 1995-1996 (Proulx, 2006), un certain réaménagement de la grille-matière des écoles a été suggéré, et ce, de façon à se centrer davantage sur les matières essentielles (MELS, 2007b). Bien que les objectifs du programme de FPS étaient jugés pertinents, plusieurs critiques ont été faites à son égard tel le fait qu’il y aurait eu trop de chevauchements et de redondances d’année en année (MELS, 2007b). Le programme de FPS est maintenant officiellement retiré des écoles primaires et secondaires avec la venue du nouveau programme de formation de l’école québécoise (Duquet, 2006b; MEQ-MSSS, 2003).
LES RÉSISTANCES ET LES OBSTACLES DU MILIEU SCOLAIRE À FAIRE L’ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ
Au Québec, malgré le fait qu’il existe une panoplie de ressources didactiques pour mener à bien une démarche sur le sujet, les enseignants éprouvent aussi certaines réserves associées au mandat d’éducation à la sexualité (Donovan, 1998; Duquet, 2006b, 2004, 2000, 1996; MEQ-MSSS, 2003). Il semble qu’il y aurait des liens à faire entre ces résistances et le manque de formation du personnel enseignant (Donovan, 1998). Assurément, le fait de ne pas savoir par où commencer, de ne pas savoir ce qui doit être abordé et quand le faire (Morris, 1986), la peur d’en dire trop et de heurter la sensibilité du jeune, le fait d’avoir à traiter de sujets parfois délicats ou même controversés, le sentiment de manquer de stratégies, de manières de faire (Duquet, 1996; MEQ-MSSS, 2003) font partie des limites exprimées par les enseignants. De même, ils craignent de ne pas posséder suffisamment de données sur le sujet et ainsi d’afficher leur manque de connaissances devant les élèves (Duquet, 1996; MEQ-MSSS, 2003). Les enseignants, étant incertains des limites de la matière à enseigner, craignent également les plaintes et les litiges des parents (Duquet, 1996; Morris, 1986; Westwood et Mullan, 2007). D’ailleurs, il y a plus de 20 ans, Morris (1986) démontrait que les enseignants (66,7 %) craignent que les cours qu’ils enseignent ne rencontrent pas les attentes des parents. De plus, les enseignants affirment que cette situation a un impact sur la qualité de l’éducation livrée en matière de sexualité (Westwood et Mullan, 2007). Ces craintes provenant du personnel enseignant démontrent leur manque de repères en la matière, mais il importe aussi de considérer également les niveaux de connaissances et d’aisance des enseignants en ce qui concerne l’éducation à la sexualité.
Les niveaux de connaissances et d’aisance des enseignants en matière d’éducation à la sexualité Force est de reconnaître que pour aborder les thèmes liés à une démarche d’éducation à la sexualité, les enseignants doivent posséder les connaissances appropriées (Allen, 2009; Cohen, Byers, Sears et Weaver, 2004; Cozzens, 2006; Hilton, 2003; Juhasz, 1970; Langille et coll., 2001; MEQ-MSSS, 2003; Milton, 2003; Milton et coll., 2001; Tirnrnerman, 2009), non seulement sur les sujets qu’ils abordent, mais aussi sur la façon d’enseigner l’éducation à la sexualité (Desaulniers, 1995; Gaudreau, 1985; Gaudreau et Ste-Marie, 1988; MEQMSSS, 2003; Timmerman, 2009). Ils doivent aussi être à l’ aise pour intervenir à ce niveau (Buston, Wight et Scott, 2001; Byers, Sears, Voyer, Thurlow, Cohen et Weaver, 2003; Cohen et coll., 2004; Donovan, 1998; Faucher, 2008; Hilton, 2003; Kehily, 2002; Langille et coll., 2001; Milton et coll., 2001; Timmerman, 2009; Walker et Milton, 2006), et ce, tant au plan verbal que non verbal (Desaulniers, 1995, Duquet, 2006b). Or, la littérature nous démontre que dans les faits, il n’y aurait que peu d’enseignants qui auraient les connaissances appropriées pour intervenir en éducation sexuelle à l’école (Faucher, 2008; Price et coll., 2000; Rodriguez et coll., 1996; Veiga et coll., 2006) et le niveau d’aisance de ces derniers serait plutôt variable (Buston et Wight, 2004; Buston, Wight et Scott, 2001; DiCenso, 2001; Donovan, 1998; Duquet, 1996; Faucher, 2008; Hamblett, 1994; Morris, 1986; Rodriguez et coll., 1996).
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