L’implication dans la profession ou le secteur d’activité (implication professionnelle)

L’implication dans la profession ou le secteur d’activité (implication professionnelle)

Cet objet d’implication reste pour l’instant très peu exploré dans le cadre du travail intérimaire. Nous n’avons relevé aucune étude empirique traitant de l’implication professionnelle des intérimaires. Seuls quelques articles conceptuels mettent l’accent sur les ambiguïtés de cet objet d’implication appliqué aux salariés intérimaires [ex : Mac Lean Parks & Gallagher – 2001 p.197]. Nous distinguerons l’implication dans le secteur d’activité de l’intérim du « métier » exercé par les salariés intérimaires.

L’implication dans le secteur d’activité

Dans notre cadre d’étude, le secteur d’activité peut s’entendre de plusieurs manières : il peut s’agir de l’intérim en tant que secteur ou bien d’un secteur particulier dans lequel le travail peut s’exercer par la voie de l’intérim (ex : la santé pour une infirmière intérimaire). Etant donné que notre réflexion porte sur le travail intérimaire, le secteur d’activité envisagé comme objet d’implication sera celui du travail temporaire. Si nous nous référons aux travaux de M. Thévenet [2004 p.97], pour qui l’implication dans un secteur d’activité ou un produit fabriqué concerne surtout les secteurs qui véhiculent une image sociale positive (ex : la santé, l’éducation ou les médias), ou bien sont susceptible d’engendrer des vocations (ex : l’automobile, l’aéronautique97), la notion d’implication dans le secteur de l’intérim paraît peu pertinente. Les enquêtes dont nous disposons montrent en effet que, si le travail intérimaire est aujourd’hui généralement considéré positivement par ceux qui l’exercent98, il ne représente pas encore un secteur qui suscite des vocations : les enquêtes montrent par exemple que la grande majorité des intérimaires souhaitent en effet intégrer des formes d’emploi typiques [ex : Manpower – 1999, FPETT – 2003]. L’implication dans le secteur de l’intérim envisagé comme une forme de « vocation » nous apparaît donc trop peu répandue pour être prise en compte dans une étude empirique…même si un certain nombre d’intérimaires déclarent préférer cette forme d’emploi. Certains extraits de nos entretiens exploratoires sont sans ambiguïté sur ce sujet .

L’implication dans le « métier » : un concept ambigu

L’implication dans le métier/profession peut prêter à confusion. Deux approches sont en effet possibles : les intérimaires peuvent se considérer comme des « professionnels intérimaires » (par exemple des comptables ou des maçons engagés dans l’intérim) ou alors comme des « intérimaires professionnels » (se définissant avant tout comme exerçant le métier de travailleurs temporaires). La première approche est la plus évidente en première analyse : l’intérim est simplement considéré comme une modalité particulière d’exercice d’un métier, et l’intérimaire est susceptible de développer une implication dans le métier/profession « classique », indépendamment de la relation d’emploi. Ce profil « professionnel » apparaît régulièrement dans les entretiens menés auprès d’intérimaires qualifiés : /06 Moi, J’ai commencé à travailler à l’âge de 15 ans…et aujourd’hui j’en ai 40. Je n’ai fait que plombier…..Je n’ai pas fait comme certains intérimaires… un peu ci, un peu là. Non, moi je ne fais que le plombier : c’est mon métier. . Et le problème sur les chantiers, c’est qu’ils m’envoient soi-disant des aides-plombiers. Le problème c’est qu’un aide de plombier, qu’est-ce que c’est ? C’est tout simplement un manœuvre. Il n’a que dalle comme diplôme. Il vient, il connaît un peu les tubes, il connaît, mais s’il me dit qu’il est plombier, je répond « non, t’es pas plombier mec ». …

Les professionnels de l’intérim ont tout intérêt à abonder dans ce sens, puisque cela concourt à améliorer l’image de marque du secteur de l’intérim et l’éloigner de l’image de « marchand d’hommes ». Les agences de travail temporaire souhaitent aujourd’hui apparaître comme des « gestionnaires de parcours professionnels, (…) qui accompagnent les intérimaires, et sont en mesure, à grande échelle, de convertir une succession de missions en emplois à temps plein. » [Prisme – rapport d’activité 2006, p.34] : il s’agit pour elles de fidéliser et « professionnaliser » une partie de leurs salariés, en essayant de leur donner la possibilité de mener une carrière dans l’intérim99. Cette stratégie de fidélisation doit s’appuyer sur la sélection de salariés susceptibles de s’engager sérieusement, sinon durablement, dans le travail temporaire, ainsi que sur la construction d’une image positive de l’intérim comme carrière envisageable pour un « vivier » de collaborateurs sélectionnés [Lefèvre & al. – 2002 p 69]. Ces préoccupations de la profession trouvent leur échos dans certains travaux de chercheurs en sociologie ou économie du travail : il apparaît en effet que l’intérim est considéré comme une forme à part de travail : le terme « intérimaire » désigne alors davantage un salarié exerçant une forme de « travail » particulier, doté d’un statut particulier dans l’entreprise et possédant des compétences particulières, plutôt qu’un salarié en contrat de travail atypique, comme peuvent l’être les employés en CDD ou le contrat à temps partiel. Les témoignages recueillis par exemple par Beaud [1993], Beaud & Pialoux [1999], Jourdain [2002] font apparaître quelques tendances générales, permettant d’esquisser un portrait contrasté de « l’intérimaire » : L’intérimaire apparaît d’abord comme un salarié à part. La discrimination entre intérimaires et permanent est un phénomène constant, relevé dans plusieurs études sociologiques en milieu industriel [ex : Gorgeu & Mathieu – 1995 ; Beaud & Pialoux – 1999]. Cette discrimination conduit à une catégorisation entre intérimaires et permanents qui amène progressivement les intérimaires à s’identifier comme tels. Les tâches qui leur sont confiées sont d’autant plus variées qu’ils sont peu qualifiés : leur identité dans l’entreprise est finalement celle d’intérimaire (« le petit bonhomme à tout faire » ou le salarié « kleenex » cité par Joudain [2002, p.15] ). Cette identité, même si elle est jugée peu enviable, semble exister dans l’industrie. Au cours de leur enquête dans les usines de Sochaux, Beaud & Pialoux [1999] remarquent que les intérimaires sont identifiés de manière particulière par les permanents (on les appelle « les intérims »). De manière plus positive, certains intérimaires estiment que l’exercice de leur activité requiert des qualités spécifiques, qui fondent en partie leur « valeur intérimaire ». Ces qualités, relevée par C. Jourdain [2002 p.20], et que nous avons pu retrouver lors de nos entretiens sont principalement l’adaptabilité, la réactivité et le goût du travail .

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