L’implication au travail une approche multidimensionnelle

 L’implication au travail une approche multidimensionnelle

Le concept d’implication en GRH : une approche multidimensionnelle Il existe une littérature abondante sur l’implication en GRH, qui s’est beaucoup développée depuis le milieu des années 1980, à la suite de certains travaux de synthèse (ex : la méta analyse de P. Morrow sur les divers objets de l’implication en 1983, ou l’ouvrage de synthèse de R. Mowday et ses collègues sur l’implication organisationnelle en 1982). L’implication est une notion complexe : la preuve en est que l’un des ouvrages majeurs dans le domaine, écrit par Paula Morrow7 ne définit tout simplement pas ce qu’est l’implication. L’auteur utilise une approche indirecte, en indiquant en introduction que l’absence d’implication est la cause de comportements problématiques dans les organisations (absentéisme, turnover, absence d’effort, vol, insatisfaction au travail….), avant de s’intéresser aux divers objets de l’implication au travail8 . Maurice Thévenet, dans un ouvrage plus récent (« Le plaisir de travailler » – 2004), remarque que certains auteurs (il cite Jeffrey Pfeffer) « ne s’épuisent pas à définir le concept d’implication pas plus que ne le font les dirigeants qui cherchent désespérément à créer ou augmenter l’implication de leurs salariés ». M. Thévenet lui-même propose une voie « phénoménologique », en s’intéressant prioritairement aux manifestations (ou symptômes) de l’implication, dans une perspective méthodologique qualitative qui nous paraît proche des « théories ancrées » (Glaser & Strauss – 1967 ; voir Duchene & Savoie-Zajac – 2005 pour une application au domaine de l’implication dans la profession). Nous tenterons dans cette première section de faire le point sur les différentes conceptualisations et typologies de l’implication (1), avant d’en proposer une définition (2), puis de présenter un modèle synthétique de l’implication au travail, inspiré des travaux récents de J.P Meyer et L. Herscovitch (3).

L’implication : une approche attitudinale

La vision de l’implication la plus usitée en GRH prend sa source dans les travaux de psychologie sociale. Ces approches mobilisent les concepts d’attitude ou d’engagement pour étudier le lien entre un sujet et un objet (le travail ou ses composantes). Le concept même d’attitude doit donc être envisagé rapidement, avant de mettre l’accent sur la façon dont il est mobilisé dans l’étude de l’implication.

Le concept d’attitude

Il est généralement admis que les attitudes comportent trois dimensions (affective, cognitive et conative), ainsi résumées dans une définition courante : « Les attitudes correspondent à des tendances à évaluer une entité avec un certain degré de faveur ou de défaveur, habituellement exprimées dans des réponses cognitives, affectives et comportementales » [Eagly et Chaiken, 1993 p1]. Les entités dont il est question peuvent être des objets, des évènements, des personnes ou des institutions ; elles sont par essence inobservables, et doivent être inférées à partir de réponses mesurables [Ajzen – 2005, p3]. Cette distinction entre les trois composantes des attitudes, due à Rosenberg & Hovland [1960] a été progressivement enrichie par des auteurs qui ont mis en évidence un aspect dynamique et séquentiel dans leur articulation. Selon le modèle théorique de l’action raisonnée [Ajzen & Fishbein – 1980], on considère par exemple que les intentions d’action des individus par rapport à une entité sont déterminées par les attitudes (degré d’affect vis-à-vis de l’entité) et les croyances portant sur cette entité. L’intention d’action (dimension conative de l’attitude) est ici considérée comme la résultante d’une combinaison entre affects et croyances.

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L’implication au travail comme attitude particulière face à des « objets » liés à la sphère professionnelle de l’individu

Envisager l’implication au travail comme une attitude nous amène naturellement à lui attribuer les trois composantes habituellement associées au concept [voir Brasseur & Mzabi – 2003]. On constate pourtant que très peu d’auteurs traitant de l’implication au travail comme une attitude mobilisant simultanément les composantes affective/cognitive/conative pour les intégrer à leur définition (il existe quelques exceptions : Blau – 1985 ; Bijeire– 1996 ). Il existe certes plusieurs conceptualisations tri-dimensionnelles de l’implication professionnelle [Meyer & Allen- 1991, O’Reilly & Chatman- 1986 , Penley & Gould – 1988, Jaros & al. 1993] qui seront détaillées plus loin, mais aucune d’entre elles n’est explicitement fondée sur la combinaison affectif/cognitif/conatif. Certains auteurs [Neveu – 1993, précédemment cité ; Mc Caul & al – 1995 ; Cohen – 2003 p.116] nous paraissent éclairer le débat, en se référant explicitement à la théorie de l’action raisonnée d’Ajzen & Fishbein [1975] dans le domaine de l’implication au travail pour considérer que l’intention d’action dérive de l’attitude générale envers l’objet considéré. Ce positionnement permet de définir l’implication en utilisant les dimensions affectives et/ou cognitives, et d’utiliser des variables d’intention comme indicateurs de cette implication. Une telle approche semble pertinente dans notre cadre d’étude de l’implication, car elle permet d’éviter un problème méthodologique propre à certains travaux empiriques portant sur l’implication au travail : On peut en effet noter que de nombreuses études portant sur l’implication dans l’organisation, la profession ou le travail en général cherchent à mesurer les conséquences (variables dépendantes) de l’implication (considérée comme variable indépendante). Parmi ces variables indépendantes, on trouve des construits décrivant des comportements effectifs comme l’absentéisme [ Mowday & al. – 1982], l’effort [Randall & al – 1991], ou les comportements de citoyenneté organisationnelle [Gregersen – 1993]. On trouve également des variables décrivant des intentions : intention de quitter l’organisation [ Mowday & al. 1982], ou intention de quitter la profession [ Blau – 1988]. Or, comme le font remarquer T. Pittinsky & M. Shea dans une étude récente sur la mobilité et l’implication, si on utilise une définition et un outil de mesure de l’implication incorporant une dimension conative (ex : intention de rester membre de l’organisation), on se retrouve alors dans une situation de chevauchement entre variables dépendantes et indépendantes lorsque l’on étudie des variables d’intention (ex : intention de rester) comme conséquence de l’implication. Autrement dit, les chercheurs incorporent l’intention de rester dans leur définition de l’implication, puis essaient de prédire l’intention de rester à partir de l’implication [Pittinsky & 25 Shea – 2004]. Ce chevauchement, déjà noté par Reichers [1985] et Thévenet [1992], peut par exemple être constaté dans les études qui utilisent la définition et l’outil de mesure de l’implication de R. Mowday et ses collègues (Organizational commitment questionnaire – Mowday, Porter & Steer – 1979) pour essayer de prédire l’intention de départ [ex : Mowday & al. – 1982 ; Angle & Perry – 1981]. Notons cependant que cette difficulté concerne uniquement les travaux dans lesquelles l’outil de mesure de la variable indépendante incorpore la variable dépendante, ce qui n’est pas toujours le cas. 

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