L’implication au travail des salariés intérimaires les paradoxes de la flexibilité

L’implication au travail des salariés intérimaires les paradoxes de la flexibilité

Salariés contingents et emplois atypiques

Les emplois atypiques : définition et contours

Les contours du travail atypique en France

Plusieurs expressions sont utilisées pour désigner les formes d’emploi non standard. Si l’on se réfère à la terminologie officielle, l’INSEE utilise le terme de « formes particulières d’emploi » (FPE) pour désigner les relations d’emploi qui ne sont pas organisées par un contrat à durée indéterminée : il s’agit de l’emploi à temps partiel, l’intérim, les contrats à durée déterminée, l’apprentissage et les contrats aidés La notion de contrats atypiques est largement utilisée également dans les travaux de l’INSEE et des organismes de recherche liés au ministère du travail (ex : la DARES), avec une signification identique à celle des formes particulières d’emploi. On trouve également plus rarement les expressions d’emplois flexibles [ex : Allouche – 1981 ; Henriet – 1982 ; Charles-Pauvert – 2002], ainsi que la notion juridique « d’emploi sous statut différencié ». Le terme de « contrats précaires » est aussi largement utilisé en France [ex : Castel – 1995 ; Paugam – 2000 ; Cingolani – 2005] malgré une connotation négative et des contours plus étroits que ceux de l’emploi atypique : il s’agit principalement ici, selon les sources officielles (INSEE et DARES) des salariés en contrat à durée déterminée (CDD) et en contrats de travail temporaire (CTT), ainsi que des empois aidés. Nous analyserons en détail la notion d’emploi précaire au paragraphe suivant En Grande-Bretagne et dans plusieurs pays européens, le terme d’emploi précaire (précarious employment) existe (ex : Bryson & Blackwell – 2006], mais le terme d’emploi flexible (flexible employment) est privilégié (ex : Guest & al. – 2006). Il est peu à peu concurrencé par l’expression d’emploi contingent (contingent work), qui a été proposé par deux chercheurs américains du Bureau 89 National des Statistiques [Nardone & Povlika – 1989] et qui sera détaillé dans le paragraphe suivant. Les chercheurs anglo-saxons utilisent également souvent le terme de travailleurs périphériques (peripherical workers) pour désigner les salariés en contrats flexibles, en référence aux théories économiques de la segmentation, qui distinguent entre les salariés du « cœur » bénéficiant d’une certaine continuité d’emploi et ceux de la « périphérie », sous contrat flexibles [ Piore & Doeringer – 1971]. Si l’on en reste au cas de la France, les formes d’emplois particulières sont nombreuses : le contrat à durée indéterminée à temps plein constitue toujours la norme de référence49 , en comparaison de laquelle se définissent les relations atypiques. Ces formes d’emplois sont le plus souvent issues d’aménagements et d’allègement de certaines contraintes propres au CDI. Ces aménagements peuvent porter sur la durée du contrat (ex : CDD, contrat de chantier), le temps de travail (ex : travail à temps partiel, contrat d’alternance), ou les obligations des parties (ex : contrat d’apprentissage). Les différentes formes de travail non standard doivent être distinguées, car elles conduisent à des modes d’exercice de l’activité salariée très diversifiées, et leurs impacts sur les attitudes peuvent être différents. L’une des principales différences dans le contenu de ces contrats réside dans le nombre et le statut des employeurs du salarié. Le tableau suivant résume les principaux dispositifs existant en France, qui ont été significativement remaniés depuis le vote de la loi du 19 janvier 2005 dite de cohésion sociale. Nous avons fait figurer dans ce tableau certaines formes de contrats qui n’appartiennent pas à la catégorie des formes particulières d’emploi définie par l’INSEE, mais qui constituent des modes atypiques d’exercice d’une activité rémunérée (comme par exemple le contrat de chantier ou le travail en « free lance »), afin d’obtenir une vue globale des modalités d’exercice d’une activité rémunérée.

Les salariés « contingents », une vision anglo-saxonne de l’emploi atypique

Le terme de « contingent work » est devenu aujourd’hui dominant dans la littérature anglo-saxonne lorsqu’il s’agit de décrire les situations d’emplois atypiques à durée limitée. Un emploi « contingent » est un emploi pour lequel le salarié ne bénéficie pas d’un contrat implicite ou explicite de long terme, ou un emploi pour lequel le nombre d’heures travaillées peut varier de manière non systématique [Nardone& Povlika – 1989]. Sous cette acception sont donc regroupées des formes d’emplois dont le point commun est la présence d’un terme fixé pour la fin du contrat. A. Povlika & P. Nardone tentent de donner des limites précises à la notion de travail contingent : ils ne considèrent donc pas comme faisant partie des salariés contingents les salariés à temps partiels employés en contrat à durée indéterminée, lorsque ce temps partiel est organisé et stable (les heures ne varient pas), non plus que les salariés sous-traitants travaillant au sein d’une firme cliente. Cette approche présente l’intérêt d’opérer une distinction fondée sur un critère objectif : les emplois contingents sont objectivement précaires par rapport aux autres formes d’emplois flexibles, car le salarié sait que leur durée est limitée. Les intérimaires, qui constituent notre objet de recherche, sont donc un exemple-type de salariés contingents 

L’emploi précaire : une notion typiquement française ?

Il est fréquent que les formes particulières d’emploi soient définies dans les études françaises comme des « emplois précaires ». Nous avons vu précédemment que le terme d’emplois précaires est en principe réservé aux contrats temporaires (intérim CDD et certains contrats aidés). Il arrive cependant fréquemment que soient ajoutés à ces contrats temporaires les salariés en temps partiel subi, c’est-à-dire les contrats dans lesquels le salarié souhaiterait augmenter son temps de travail, mais n’en a pas la possibilité54. En terme d’image sociale, ces contrats hors CDI sont définis comme précaires, car ils apparaissent encore souvent comme « en marge » : ils sont peu valorisés et véhiculent une image « d’insécurité sociale « [Castel – 2003]. Comment approcher précisément cette notion de précarité professionnelle, que Nicole Drancourt [1992] qualifie de « concept omniprésent, mais introuvable » car non défini de manière rigoureuse ? 

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