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CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE
Dans ce chapitre, il sera question, dans un premier temps, de procéder à une approche notionnelle devant nous permettre de faire un usage pratique et opérationnel mais aussi adapté des termes et expressions clefs inhérents à notre sujet et objet d’étude.
Dans un second temps, ce chapitre va nous servir de cadre d’analyse moyennant un certain nombre de théories et de théorisations pour orienter l’objet d’étude. En effet, ces modèles théoriques (nous y reviendrons plus bas) à élucider sont cumulatifs et complémentaires et non antithétiques, contradictoires et antagoniques. Enfin, dans un troisième temps, ce chapitre nous servira de prétexte pour faire l’exposé des savoirs livresques et d’écrits documentaires divers concoctés en vue d’un débat pluriel d’appréciation et d’appréhension d’auteurs lié à nos différentes thématiques.
Elucidation et opérationnalité conceptuelles :
Il s’agit, ici, d’une sorte de clarification conceptuelle permettant de nous édifier et d’édifier nos interlocuteurs sur le lexique et la signification des vocables usités dans le libellé du sujet. C’est en ce sens que l’éminent sociologue français E. DURKHEIM (1858 – 1917), recommanda ceci : « La première démarche du sociologue doit donc être de définir les choses dont il traite afin que l’on sache et qu’il sache bien de quoi il est question7 ».
Pour ce faire, nous apportons des éléments de définition aux termes suivants : Entreprise, psychosociologie, conditions de travail, condition de vie, motivation.
– Entreprise :
Du fait de la récente apparition de ce vocable dans le champ sociologique, on ne le trouve pas dans des dictionnaires classiques de sociologie (par exemple Boudou et Bourricoud l’ont occulté dans Dictionnaire critique de Sociologie). Cependant, avec l’évolution et l’élargissement progressif de la sphère sociologique qui a investi l’entreprise sous l’appellation de la « sociologie de l’organisation » ou la « sociologie des entreprises » pour parler comme Philippe Bernoux, des écrits très récents ont adopté la notion d’entreprise et l’ont explicitée.
Pour Pierre ANSART et André AKOUN, l’entreprise est une « entité ou organisation autonome de production de biens ou de services à finalité marchande »8. Toujours dans ce même sillage, Jean Michel Morin considère que l’entreprise est comme « un réseau ou des entrepreneurs proposent des produits à des clients, en réalisant cette offre par recours à des travailleurs, en mettant en oeuvre des moyens financiers, d’abord par des propriétaires, ceci dans des conditions ou chacun tire avantage des efforts qu’il consent. »9. On déduit de ces deux acceptions qu’elles sont restreintes du fait qu’elles ne voient dans l’entreprise qu’un agent de production économique et financier, en un mot, une finalité d’efficacité et de rationalité économiques, s’apparentant à l’homo oeconomicus, au mépris des fonctions humaines et sociales de l’entreprises ; laquelle est aussi « un laboratoire social », avec des processus sociaux internes s’apparentant à l’homosocietatis c’est – à – dire l’évolution de la personne humaine dans une société, dans une organisation avec ses sensations, ses émotions, ses désirs, ses préoccupations…, en un mot sa personnalité spécifique. C’est en ce sens que P. Bernoux affirme : « L’entreprise n’est pas seulement un lieu où ses membres doivent coordonner leurs actions, mais un lieu où se crée un lien social particulier, où existent des identités, des accords, un bien commun. L’entreprise peut donc être traitée comme un sujet sociologique, capable d’autonomie et créatrice de social : au sens fort du terme, ce qui lie les individus et fait une société. (…) ce qui est créé est cependant bien au-delà des moyens et des instruments : l’entreprise n’existe pas sans reconnaissance mutuelle, sans affectio-societatis, comme disent les juristes, sans une certaine communauté, sans relations privilégiées entre ses membres, même si elles peuvent être conflictuelles (…). Ainsi définie, l’entreprise peut devenir un lieu d’apprentissage de la coopération, tout en restant conflictuelle (…). L’entreprise est à la fois une organisation formelle, une culture, un ensemble d’acteurs, un système de liens sociaux, un lieu d’apprentissage de la coopération… »10. Ainsi donc Bernoux a prolongé la réflexion sur l’entreprise en insistant plus sur ses fonctions sociales, sans méconnaître son aspect économique.
Nous nous souscrivons à l’approche de Bernoux car nous étudions l’entreprise non pas sous son angle purement économique et productif, mais sous l’angle de ses caractéristiques sociales, humaines, psychosociologiques.
– Psychosociologie :
Elle est la forme composée de psychologie sociale et est définie par le Petit Larousse comme une « étude psychologique des faits sociaux ». Mais cette définition est très banale et simpliste. Ce qui nécessite une approche scientifique de la notion. Et Jean Maisonneuve de préciser que la psychosociologie est une science, un ensemble de connaissances dont l’émergence et le développement relèvent de la complexité d’une zone interférentielle dans les conduites humaines concrètes que ni la seule psychologie ni la seule sociologie ne parviennent à éclairer convenablement. En ce sens, l’on peut dire donc que la notion est une conjonction de deux démembrements des sciences sociales à savoir la psychologie et la sociologie.
Lesquelles doivent aller de pair, coexister simultanément dans l’étude des conduites sociales concrètes. Maisonneuve poursuit : « les relations entre les hommes sont partiellement conditionnées par des structures écologiques et sociales indépendantes de leur personnalité, ou encore par des coutumes ou divers modèles de leur personnalité, ou encore par des coutumes ou divers modèles collectifs »11. Ce qui signifie que la psychosociologie suppose des processus interactionnels qui sont irréductibles à une seule analyse des structures institutionnelles et des régulations collectives ou à une seule analyse du psychisme humain. Dans ce sillage, Claude Levi-Strauss indique qu’il y a une complémentarité dynamique du psychique et du social : « nous ne pouvons jamais être sûrs d’avoir atteint le sens et la fonction d’une institution si nous ne sommes pas en mesures de revivre son incidence sur une conscience individuelle. »12
En somme, la psychosociologie est admise comme une science des interactions individuelles et collectives. Elle est définie, en outre, comme étant la science qui étudie toute les médiations interindividuelles, collectives et groupales qui influencent la perception, la pensée, le raisonnement ou la conduite des hommes. Autrement dit, elle nous montre en quoi et comment l’individu est influencé dans ses perceptions et dans ses comportements par les autres individus et groupes d’individus qui l’environnent. Ces processus interindividuels sont observés aussi bien dans la vie sociale banale que dans la vie ergonomique. Le sens de la psychosociologie lié à l’entreprise suppose l’intégration des individus et des groupes, l’établissement et le maintien d’une coriace dynamique groupale cohésive en vue de bonnes relations de travail. De ce point de vue, Enriquez souligne : « comme tout groupe humain l’entreprise est un lieu de l’articulation de l’individuel et du social. Hors de cette articulation, il n’y a pas de connaissance de l’entreprise. »13. En ce sens on peut dire que l’entreprise incarne une vie groupale dans laquelle l’individu n’agit jamais seul, mais interagit avec le groupe global mais aussi simultanément avec ses membres pris individuellement.
En somme, la psychosociologie du travail tend à connaître les profils psychologiques dans un contexte des rapports sociaux de l’entreprise pour de meilleures conditions de travail.
– .Conditions de travail :
Nous ne saurions donner un contenu à cette expression sans définir au préalable le concept générique de travail.
Entre autres des définitions attribuées par le Petit Larousse, à la notion de travail, nous retenons celle-ci : « activité de transformation de la nature, propre aux hommes, qui les met en relation et qui est productrice de valeur ». Ce qui fait que le travail est une activité qui s’effectue et s’exécute dans un cadre social. Dans la continuité du Petit Larousse, Claude Louche le définit comme « une activité consistant à mobilier de l’énergie pour produire un bien ou délivrer des services et qui est contrainte par un cadre sociale et technique14 ». Cette définition du travail nous semble pertinent et adaptée d’autant qu’elle prend en compte les modalités socio-techniques du travail. Dans cette perspective, la notion de travail ne peut être bien comprise sans mesures d’accompagnement c’est-à-dire une élaboration et un respect des conditions de travail.
Pour octroyer un contenu définitionnel aux conditions de travail dans l’entreprise, nous nous focalisons sur la triade de Claude Louche à savoir : la relation homme (ou le collectif) et la tâche, la relation entre l’homme et l’organisation, les relations interpersonnelles en relation avec les tâches et les structures15
– La relation homme (ou le collectif) et la tâche : les éléments suivants sont considérés : la nature de la tâche, les conditions matériels diverses, les horaires, la performance, les charges physique et mentale, la fatigue, l’organisation du travail, l’adaptation de la machine à l’homme…
– La relation entre l’homme et l’organisation : il s’agit de l’établissement de la relation entre l’individu et l’organisation (recrutement, socialisation organisationnelle), de son développement (formation, motivation, implication, développement de carrière…) ainsi que de sa fin (départ à la retraite).
– Les relations interpersonnelles en relation avec les tâches et les structures : (relations hiérarchiques, dynamique de groupe, prise de décision, structures, coopération et conflit…)
Ainsi donc, ce triptyque d’appréhension des conditions de travail de Louche requiert notre adhésion et nous permettra de jauger les conditions de travail des agents de Colgate Palmolive Sénégal. Car il contient presque tous les aspects liés aux conditions de travail dans une entreprise : de la hiérarchisation à la communication, en passant par les conditions matérielles, la formation, l’implication, les carrières, la motivation entre autres. Ces conditions de travail influent sur les conditions de vie des agents.
– Conditions de vie :
Elles renvoient à l’état, à la situation d’existence des acteurs que leur fonction leur confère. Elles font allusion à la satisfaction des besoins matériels et économiques, biologiques et physiologiques des travailleurs dans l’exercice de leur métier et l’accomplissement de leur rôle et fonction dans l’entreprise. D’autant plus qu’il est indubitable et indéniable que la finalité cardinale de toute entreprise est la production et l’accroissement de performances économiques. Ces rendements économiques sont la résultante de besogne abattue et d’efforts physique et mental consentis par l’ensemble des travailleurs. Ce qui entraîne une création de richesses, donc de chiffres d’affaires ; et en contrepartie les travailleurs reçoivent les fruits de leurs efforts matérialisés par une rémunération appelée salaire.
Ainsi donc, la nature des conditions de vie et d’existence des travailleurs est liée au ratio contribution / rétribution si l’on sait que l’ouvrier ou le travailleur monnaie sa force de travail ou ses idées à l’entreprise. Donc son salaire et autres avantages sociaux (primes, gratifications, récompenses, indemnités, allocations…) mis en place par l’entreprise pour le motiver permettent aux travailleurs de vivre en assouvissant leurs besoins vitaux et satisfaisant leurs préoccupations existentielles.
Ainsi donc, tout ce qui précède constitue des éléments vitaux directement liés à la fonction du travailleur. Et une tendance de l’entreprise à satisfaire les conditions de vie de ses acteurs sociaux, via une politique sociale avantageuse serait une véritable source de motivation.
– Motivation :
La notion de motivation est au cœur de nos recherches et constitue un des concepts clefs de notre intitulé. De ce fait, il importe qu’on lui accorde des acceptions spécifiques par rapport à nos préoccupations et objectifs.
Le Petit Larousse définit la motivation comme l’ensemble des motifs qui expliquent un acte, un facteur conscient ou inconscient qui incite l’individu à agir de telle ou telle façon. Ce sens attribué au vocable est très générique, et nous appelons à son renforcement pour l’adapter au système organisationnel et à l’entreprise.
Dans un ouvrage commun, Hellriegel, Stoncoum, Woodman considèrent qu’elle « sert à désigner les forces qui agissent sur une personne ou en elle même pour le pousser à se conduire d’une manière spécifique, orientée vers un objectif »16. Ce qui suppose que les objectifs de production d’une entreprise ne peuvent être atteints que s’il existe une force, une action stimulatrice envers les agents. Dans cette foulée, P. Bernoux, après avoir taxé la motivation de « concept chewing-gum » du fait que son sens est vague, donne sa conception :
« La motivation est un phénomène individuel (…). La motivation est un concept d’origine psychosociologique. En première approximation, on peut dire qu’ elle désigne à la fois les raisons que les individus se donnent pour agir et la mobilisation de leur énergie individuelle pour atteindre ces buts. Tout individu qui agit est motivé, sauf dans le cas des actes machinaux non réfléchis. Il peut l’être plus au moins, et, dans la perspective de l’entreprise, la recherche de la motivation consciente des individus est associée à l’idée de mobilisation intense pour obtenir des comportements très actifs (…). Enfin l’individu se motive si sa situation sociale relative, son identité professionnelle, c’est – à – dire, la manière dont il se sent regardé par les autres, évolue dans un sens favorable à ses yeux, c’est – à – dire s’il se sent valorisé et reconnu dans sa fonction »17. Cette approche de Bernoux a fait montre du caractère ambiguë et relatif du sens de la motivation car il l’assimile par rapport à des variations individuelles. Mais puisque les individus sont envahis par la société dans laquelle ils évoluent, leur motivation a un sens aussi psychosociologique. Ce qui exhorte Roch Loick à la concevoir comme un processus psychophysiologique responsable du déclenchement, de l’entretien, de la cessation d’une action, ainsi que la valeur appétitive ou aversive conférées aux éléments du milieu sur lequel s’exerce cette action.
Ainsi donc les aperçus de Bernoux et de Loick du concept de motivation nous paraissent adaptés car ils renferment tous les deux des considérations psychosociologiques typiquement pratiques plaidant en faveur de la simultanéité et de l’équilibre des tendances sociologiques groupales et celles psychologiques individuelles.
A notre sens, nous les résumons ainsi ; la motivation est un besoin psychosociologico-affectif qui met en mouvement et fait agir des individus, des groupes en vue de la réalisation et de la concrétisation d’objectifs de production dans le cadre de l’entreprise.
Analyse théorique
Ce cadre d’analyse contient des modèles théoriques qui s’assimilent à des instruments d’analyses théoriques destinés à appréhender l’objet d’étude. Ils doivent être pertinents et appropriés. C’est ce que Ahmadou Lô Guèye18 tente d’expliquer lorsqu’il écrit : « Toute théorie scientifique, concerne au prime abord, un phénomène réel ou un problème réel. Une théorie est donc un schéma intellectuel conçu comme l’instrument de compréhension d’un phénomène ou de solution d’un problème. Elle puise ses certitudes dans un modèle, c’est – à – dire une représentation schématique simplifiée de la réalité. Elle doit préciser la correspondance entre les grandeurs du modèle et le monde réel auquel on entend l’appliquer». Dans ce sens, notre cadre théorique comporte les modèles suivants que nous adoptons à notre objet d’étude.
La théorie des relations humaines
C’est une théorie explicative qui bouleversa l’analyse des organisations du fait de son caractère réfractaire contre les analyses classiques axées sur une finalité organisationnelle orientée uniquement vers des logiques de coût et d’efficacité. Plus précisément, la théorie des relations humaines issue des travaux expérimentaux de Mayo en réaction contre la rationalisation taylorienne (infra, revue de la littérature, p…) découvrit le facteur humain dans l’entreprise. Cette théorie, assujettie à une méthodologie psychosociologique, met l’accent surtout sur les considérations groupales et l’attention affective et reconnaissante à l’endroit des acteurs, à la défaveur des conditions physiques de travail et d’autres avantages. La déduction qui en est faite est que la production et la performance industrielles ne dépendent pas seulement des rationalités scientistes et économistes comme l’a préconisé le management scientifique de Taylor. Par contraste, l’entreprise, selon la théorie des relations humaines est un système social dans lequel les relations internes et la vie de groupe ont une influence directe et importante sur la production de chacun de ses membres. Cette théorie voit en entreprise un système d’activités individuelles au sein de relations sociales privilégiées. Donc il faut tenir compte de ce système, connaître son fonctionnement pour mieux l’intégrer aux plans et aux prévisions de la direction. C’est dans ce sens que nous avons décidé d’adhérer à cette théorie pour pouvoir jauger son degré d’effectivité au niveau de CPS / NSOA qui est une filiale américaine et l’on sait que l’organisation à l’américaine repose sur un système ouvert.
Ce que l’on appréciera plus tard dans la troisième partie de notre texte qui traitera de l’exploitation, de l’analyse et de l’interprétation des données empiriques collectées sur le terrain.
La théorie structuro-fonctionnaliste :
Le structuro-fonctionnalisme ou le fonctionnalisme structuraliste est un paradigme qui a vu le jour dans les années 50-60 et dont les principaux précurseurs sont les sociologues américains, Robert King Merton (1910) et Talcott Parson (1902-1979).
Le premier, dans son ouvrage traduit de l’anglais, Eléments de théorie et de méthode sociologiques (1949) voit dans les comportements des acteurs la résultante des informations et des motivations induites par la structure sociale. Tandis que le second, dans structure sociale et personnalité (1964) a fondé une sociologie définie comme une science de l’action dans une organisation sociale.
Ainsi, ces deux chantres du fonctionnalisme structuraliste considèrent qu’il y a une corrélation et une interdépendance inextricables entre l’acteur et le système, l’individu et l’organisation.
En effet, les cadres organisationnels sont des systèmes sociaux tendant à la réalisation de certains buts. Pour y parvenir, l’organisation se structure via une division du travail et des tâches, une distribution des rôles et des fonctions, un système d’autorité, un système de communication et un système de contribution/rétribution. Ce caractère structurel de l’organisation n’est pas antinomique avec sa fonctionnalité du fait qu’autant une organisation est hiérarchique, autant elle constitue une unité fonctionnelle grâce à l’intégration de ses différentes parties et à leurs ajustements mutuels. Ce qui fait qu’aucun élément ne peut se dissocier de l’ensemble. Sur ce, une organisation, d’après notre paradigme, ne saurait être comprise par une analyse de la somme de ses différentes parties prises individuellement, néanmoins elle se conçoit dans son tout, dans sa totalité, dans son entièreté et son intégration fonctionnelle.
L’ensemble de ces caractéristiques du structuro-fonctionnalisme que nous venons d’examiner sont en parfaite compatibilité et adaptabilité au système de fonctionnement de C.P.S. / N.S.O.A. D’autant plus que c’est une entreprise moderne formelle dotée d’un degré de formalisme et de formalisation élevé, mais aussi munie d’un véritable rigueur administrative. Tout cela est matérialisé par son organigramme général ainsi que par celui des ressources humaines dans lesquels on note le dispartching des tâches et leurs interrelations (voir infra, organigramme général et organigramme ressources humaines, p…)
Aussi le choix de ce modèle théorique d’analyse nous permettra, plus tard (dans la troisième partie), dans l’analyse de nos observations et enquêtes d’avoir des idées concrètes sur l’existence, l’absence ou l’insuffisance d’une totalité fonctionnelle des structures de C.P.S/N.S.O.A, par-delà les organigrammes schématiques.
La théorie interactionniste :
C’est un modèle d’analyse qui s’oriente vers l’appréhension du comportement des acteurs au sein du système organisationnel.
Dans cette perspective, Jean Maisonneuve donne une définition de l’interaction : « Une interaction a lieu lorsqu’une unité d’action produite par un sujet A agit comme stimulus d’une unité – réponse chez un autre sujet B et vice versa »19. Ce qui fait que l’organisation en tant que système social regroupe des acteurs et des membres dont les actions s’interfèrent et s’influencent réciproquement. Autrement dit, dans le cadre organisationnel le comportement de chacun est pris dans un jeux complexe d’implications mutuelles, d’actions et de rétroactions ; d’où les notions de « système d’actions » et de « causalité circulaire ». C’est dire qu’un acte social est effectué par un individu en fonction de la situation totale dans laquelle il s’inscrit, c’est – à – dire en fonction des influences reçues des conduites des autres et de ce qu’il pense provoquer chez les autres. En somme, l’interactionnisme renvoie à un jeu communicationnel et relationnel dans les structures sociales, donc dans l’entreprise. Sous ce rapport, il constitue, pour nous, un outil d’analyse pour disséquer la communication interne de l’administration de C.P.S/N.S.O.A, mais aussi soupeser le degré d’interdépendance et de corrélation de ses différentes structures ; ce qui nous permet de saisir la politique stratégique des acteurs.
L’analyse stratégique
Cette théorie s’avère incontournable dans l’analyse des systèmes organisationnels et de l’entreprise. Lesquels constituent un espace social et même politique du fait des jeux et enjeux politiques entretenus par les acteurs qui y évoluent. Ces acteurs sont dotés de rationalité, même si elle est limitée, ils sont autonomes et, dans le même temps, sont en interaction dans un système qui contribue à structurer leurs jeux et enjeux. C’est dans cet ordre d’idées que Crozier et Friedberg proposent un triptyque d’analyse pour appréhender la stratégie des acteurs. Laquelle est la tendance offensive de l’acteur cherchant des opportunités pour améliorer sa situation, ou sa tendance défensive à maintenir sa marge de liberté et sa capacité à agir. Nous disions que Crozier et Friedberd ont présenté trois niveaux d’analyse et de compréhension de la stratégie des acteurs : le pouvoir, l’incertitude et le système d’action20.
– Le pouvoir constitue un enjeu constant dans la vie quotidienne de toute organisation sociale. Il est selon Philippe Bernoux, « la capacité pour certains individus ou groupes d’agir sur d’autres individus ou groupe »21. En effet, le pouvoir renvoie aussi à la notion de ressource, de capacité, au sens de compétence. Il est donc un jeu relationnel mettant face à face des acteurs ayant des intérêts divergents liés à des ambitions personnelles. Le maintien, par chaque acteur de sa partielle de pouvoir, ou son élargissement débouche inéluctablement sur un conflit de pouvoir. Ce qui engendre, à son tour, des « zones d’incertitudes ».
– L’incertitude est un problème fondamental de la réalité organisationnelle. Toujours sous l’aspect d’interaction dans le cadre d’un jeu entre acteurs, l’incertitude est le jeu que chaque joueur utilise pour que les autres (partenaires et/ou adversaires) ne puissent deviner ni percer. L’accent est alors mis sur l’imprévisibilité que chacun laisse planer sur la manière dont il remplira son rôle, imprévisibilité qui a pour objectif d’élargir sa marge de liberté et d’arbitraire, tout en contrôlant celle de l’autre.
– Le système d’action concret désigne la manière dont les acteurs régulent leurs relations, les règles qu’ils se donnent (formellement ou non) pour faire fonctionner l’organisation, les alliances qu’ils nouent. Le système d’action renvoie donc à l’idée de stabilité des jeux, de coordination des actions et à l’équilibre entre le changement des structures et leur maintien.
Ainsi donc, l’analyse stratégique subdivisée en pouvoir, incertitude et système d’action constituent des outils permettant d’analyser le fonctionnement des organisations. Sur ce, nous l’avons adopté à notre objet pour pouvoir s’enquérir de l’état de fonctionnement ou de dysfonctionnement de l’administration de C.P.S par le moyen de diagnostic de la communication interne qui sera illustrée dans la troisième partie du document relative à l’exploitation et à l’analyse de nos données brutes.
Revue critique de la littérature
La sociologie industrielle ou, par ailleurs, la sociologie du travail, si l’on omet les travaux de Marx et de ses acolytes, naquit véritablement au XXè siècle en devenant un objet scientifique de recherche. En effet, à la suite des marxistes qui se focalisaient sur l’antagonisme des classes sociales, Taylor (1856-1915) avec l’organisation scientifique du travail inventa le management scientifique. Le scientisme de la fin du XIXè siècle l’avait influencé et de ce fait, il avait fini par proposer une approche scientifique du processus de production. Il exposa ses thèses dans ses principaux ouvrages que sont : Shop Management (1903), Principales of scientific Management (1911). Ce management scientifique de Taylor repose sur trois principes de fonctionnement.
– La séparation de la conception et de l’exécution dans le travail : Tout travail intellectuel doit être enlevé ou retiré de l’atelier pour être concentré dans les bureaux de planification et d’organisation. Toute initiative du travailleur, tout ce qu’il faisait dans l’ancien régime doit être nécessairement fait par les membres de la direction en appliquant des lois scientifiques.
– La dissociation du processus de travail de l’as de l’ouvrier : le processus de travail doit être indépendant du métier, des connaissances de l’ouvrier. Désormais, il ne reposera plus sur le savoir-faire des ouvriers, mais uniquement sur les pratiques de l’organisation du travail. Taylor a prévu le développement, par la direction, d’une science de la production pour remplacer les méthodes empiriques des ouvriers.
– L’utilisation du monopole du savoir pour contrôler chaque pas du processus de travail et de son mode d’exécution : La direction se charge de prévoir, dans son entier, le travail de chaque ouvrier. Ces derniers reçoivent des instructions écrites, complètes qui leur indiquent les moyens qu’ils doivent employer pour exécuter le travail. Pour Taylor, à tout problème rencontré il n’existe qu’une et une seule solution. Il parle de « one best way ». Il considère que la solution est trouvée par une étude scientifique, étude qui permet d’ailleurs de définir une méthode optimale parmi toutes les méthodes possibles, un outil optimal parmi tous les outils de l’homme qu’il faut, l’homme apte.
Ainsi pour Taylor, le procédé scientifique, les études scientifiques correspondent à la meilleure façon, la meilleure manière de faire pour trouver une solution optimale à tous les problèmes au sein de l’entreprise.
En effet, ces modalités du Management scientifique de Taylor visaient un contrôle robuste et rigide des ouvriers par la direction. Lesquels ne sont cantonnés qu’à exécuter uniquement des tâches planifiées par la direction. Aucune fonction mentale de l’ouvrier n’est envisageable. Taylor disait aux ouvriers : « vous n’êtes pas là pour penser, d’autres sont payés pour le faire ». Ce qui enlève toute initiative, toute autonomie, toute participation de l’ouvrier à l’élaboration, à la planification des tâches. Afin de mieux gérer la production à partir d’une rationalité des tâches, le taylorisme inventa aussi une double division du travail à la fois horizontale (parcellisation des tâches) et verticale (séparation de la conception et de l’exécution). Ce qui permettrait aussi d’éradiquer la « flânerie systématique » qui constitue un stratagème des ouvriers pour ralentir la cadence du travail. Par ailleurs, en contrepartie de leur force de travail, les ouvriers recevaient une rémunération à la pièce. Car, pour la direction seules les considérations économiques et matérielles peuvent valoir. Pour elle, le seul motif stimulateur demeure un salaire conséquent.
Ainsi donc, cette conception de l’homo oeconomicus, par les défenseurs de la théorie classique des organisations, relativement au contexte socioculturel de l’époque fait de l’entreprise une organisation uniquement productive. Cette organisation scientifique du travail (O.S.T) est doublée d’une organisation administrative du travail (O.A.T). Laquelle représentée par les travaux de Fayol en France énonce les principes administratifs sur lesquels doit reposer toute gestion efficace des organisations. Parmi les principes de Fayol22 on peut en retenir :
– La division du travail : Spécialisation des fonctions et décentralisation du pouvoir ;
– Discipline : respect de convention touchant l’obéissance, l’assiduité et le travail ;
– Subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général : l’intérêt du travailleur passe après celui de l’organisation.
– Rémunération : les travailleurs sont rémunérés en fonction des services rendus etc. Par ailleurs, Fayol a réussi à établir une distinction entre les opérations administratives et à être arrivé à isoler l’administration des autres fonctions. Ainsi, il réussit à décomposer cette activité administrative pour proposer cinq (5) principales fonctions à savoir :
1. Prévoir : c’est à dire anticiper sur l’avenir et structurer les plans d’action ;
2. Organiser : c’est concevoir l’organisation physique et sociale dans l’entreprise ;
3. Commander : c’est faire exécuter les ordres par les subalternes ;
4. Coordonner : c’est à dire harmoniser, unir et orienter tous les efforts vers le même but ; bref, établir des communications internes et humaines ;
5. Contrôler : c’est – à – dire vérifier à ce que tout se passe conformément aux règles établies et aux ordres donnés.
D’après cette théorie de Fayol, nous remarquons une distinction nette entre deux composantes de l’organisation : les dirigeants et les dirigés. Les premiers détiennent ce que Fayol appelle le droit divin. Car la position de dirigeant octroie à celui qui l’occupe dans une organisation, le droit d’exercer une autorité sur les subalternes. Quant aux seconds, ils ne sont chargés que de l’exécution des tâches.
Ce qu’il faut retenir de cette approche de l’école classique c’est qu’elle s’est focalisée largement sur les aspects organisationnel et administratif qui ont pour point de chute la meilleure production et le meilleur rendement. Or, ce que ces auteurs ont oublié c’est que le meilleur rendement ne peut s’obtenir qu’en accordant plus d’importance aux travailleurs, qui constituent les principaux pourvoyeurs de profit. D’où l’apparition de l’Ecole des relations humaines.
Cette école est née à l’issue de recherches expérimentales de 1924 à 1932 plus connues sous l’appellation de l’effet Hawthorne. En effet, un groupe d’ingénieurs chargés de la recherche avait comme objectif principal d’étudier les relations entre la qualité et la quantité d’éclairage et l’efficacité de l’industrie, en d’autres termes la productivité du travail c’est-à-dire les employeurs et les travailleurs. L’hypothèse de départ est la suivante : dans les secteurs de l’entreprise ou l’éclairage est amélioré, la productivité du travailleur doit augmenter ; les premiers résultats sont surprenants. En effet, les chercheurs remarquent que lorsqu’on augmente l’éclairage dans les ateliers, la productivité augmente aussi bien dans ces ateliers que dans ceux où la luminosité n’a pas était modifiée. Mieux encore même lorsqu’on réduit la luminosité dans le groupe expérimental, la productivité continue d’augmenter. conclusion : à ce stade de la recherche, c’est que la productivité ne dépend pas donc seulement des conditions physiques du travail.
Table des matières
INTRODUCTION :
Première Partie : CADRE GENERAL D’ANALYSE ET METHODOLOGIQUE
Chapitre I : Cadre Analytique
Chapitre II : Cadre Conceptuel et théorique
Chapitre III : Approche méthodologique
Deuxième Partie : CADRE GEO-SPATIAL ET INSTITUTIONNEL DE L’ETUDE
Chapitre IV : Aperçu sur le SENEGAL
Chapitre V : Historique et présentation de l’entreprise
Chapitre VI : organisation Structurelle de l’entreprise
Troisième Partie : PRESENTATION, INTERPRETATION ET ANALYSE DES DONNES
Chapitre VII : Identification des acteurs
Chapitre VIII : Les conditions sociales de travail
Chapitre IX : Les conditions d’existence des travailleurs
Chapitre X : La motivation des salariés
Chapitre XI : L’analyse des démissions
CONCLUSION