L’enseignement de l’anglais, langue seconde, a pris de l’ampleur au Québec depuis quelques années. Reconnaissant l’importance pour l’élève de posséder une connaissance fonctionnelle de l’anglais, le milieu scolaire québécois s’est doté, notamment, d’un programme d’enseignement intensif de l’anglais, langue seconde (E.I.A.).
Un tel programme a été implanté en 1986 en sixième année primaire par la Commission scolaire de Val-d’Or, en Abitibi-Témiscamingue. Les cent-seize élèves francophones qui y sont inscrits proviennent de neuf écoles de milieu rural et urbain de cette commission scolaire. Ils sont sélectionnés selon certains critères: leur motivation à apprendre l’anglais, leur capacité d’adaptation et d’apprentissage. Ces critères trouvent leur justification dans le fait suivant: pendant cinq mois, les élèves ont à apprendre l’anglais oral de façon à pouvoir être fonctionnels dans cette langue; pendant cinq autres mois, ils doivent satisfaire aux exigences scolaires dans les autres matières du programme régulier de sixième année primaire.
À leur entrée dans I’E.I.A., les élèves, qui ont bénéficié d’un enseignement de l’anglais, langue seconde, en 4e et 5e années du primaire, possèdent déjà quelques notions de vocabulaire en compréhension et en production orales. Ils commencent alors leur session intensive avec très peu d’acquis en anglais, soit ceux développés en deux heures semaine environ. Ils n’ont eu pratiquement aucun contact avec des anglophones à l’extérieur de la classe. Ils ont effectué leurs apprentissages dans le cadre d’un enseignement par thèmes liés à leur vécu familier, soit ceux de la famille, de la température, etc., et ce, dans le contexte de quelques situations de communication orale et interactions enseignant-élèves. Ils ont rarement échangé avec leurs pairs, jouant surtout à des jeux de société ainsi qu’à d’autres tirés du cahier d’exercices Let’s Find Out. En somme, les élèves éprouvent de la difficulté en expression orale et écrite. Ils n’ont pas la facilité et, ou la capacité de répondre à des questions posées par l’enseignante.
L’E.I.A. à St. Joseph’s School
Le programme d’enseignement intensif de l’anglais, langue seconde, que nous utilisons à St. Joseph’s School, notre milieu professionnel, est adapté de celui conçu par Iolanda Bolduc, conseillère pédagogique, et utilisé à la Commission scolaire de Greenfield Park, sur la rive sud de Montréal. Au nombre des ajouts, nous pouvons mentionner des activités d’apprentissage telles que des pièces de théâtre, des commerciaux, des projets de communication, etc. Ce programme adopte une approche communicative. L’orientation retenue est donc celle de développer l’habileté à commumquer oralement (à comprendre et à produire des messages oraux). Les connaissances linguistiques y sont développées en vue d’être utilisées en contexte de communication. Les activités d’apprentissage font appel à des documents authentiques, articles de journaux, petites annonces, feuillets publicitaires, recettes de cuisine, etc. Le choix des thèmes de communication témoigne de la prise en compte du vécu significatif de l’élève. L’emphase est mise sur la communication, c’est-à-dire sur la signification du message oral à comprendre et à produire.
L’impact de l’E.I.A. à St. Joseph’s School
À la fin de leur programme d’études intensif, les élèves de notre classe améliorent sensiblement leur capacité à comprendre et à produire des messages oraux. Ainsi, ils sont capables de bien répondre aux questions posées par l’enseignant-e. Ils comprennent un message à l ‘interphone ou encore un discours produit par des élèves anglophones de notre école. Ils peuvent, avec une certaine facilité, faire part spontanément de leur expérience vécue ou de leur opinion sur un sujet donné. En conclusion, les élèves finissants de notre classe atteignent l ‘objectif terminal retenu et approuvé en classe régulière par le ministère de l ‘Éducation du Québec. Cependant, sur le plan linguistique, ils attestent de sérieuses lacunes en expression orale.
Les limites de l’E.I.A. à St. Joseph’s School
Les lacunes observées chez la grande majorité des élèves finissants de nos classes sont, notamment, les suivantes:
1. l’absence de prononciation du §. à la troisième personne du singulier du présent de l’indicatif;
2. l’usage erroné du verbe avoir (« I have twelve years old.» au lieu de « I am twelve years old.»);
3. l’emploi du temps présent plutôt que du temps passé (« I go to Montreal last week. » ou «He works on the weekend. » au lieu de « I went to Montreal last week. » et « He worked last weekend. « ) .
4. l’absence de prononciation du§., marque du pluriel;
5. l’absence d’usage de la forme progressive- ing;
6. l’usage de la forme possessive (« The brother of my friend is nice. » au lieu de « My friend’s brother is nice. »);
7. la non-maîtrise de l’usage des auxiliaires modaux do (does), did, can, could, should, would, will et might;
8. l’usage du présent de l’indicatif plutôt que du présent à la forme progressive.
Depuis l’implantation du programme E.I.A. , en ce qui a trait plus particulièrement à do et à does, les élèves rencontrent ces difficultés. Ils peuvent parfois utiliser en même temps les deux autres auxiliaires avec le verbe conjugué ou bien, le plus souvent, l’auxiliaire non conjugué à la bonne personne avec le verbe à l’infinitif (Do sbe read.) ou encore avec le verbe conjugué au présent de l’indicatif (Does sbe reads.).
Ces lacunes d’ordre morphosyntaxique constituent donc un problème réel. Peuton résoudre ce problème en classe d’anglais intensif? Comment le résoudre? Peuton raisonnablement penser pouvoir résoudre toutes les difficultés mentionnées? Chacune offre une résistance qui lui est propre. Il est admis que chaque élément d’apprentissage possède son « enseignabilité » propre, par conséquent son « apprenabilité » propre. Par exemple, nous savons pertinemment par l’expérience que l’usage du S‘ marque de la troisième personne du singulier du présent de l’ indicatif et celui du S possessif tendent à être acquis tardivement chez les élèves francophones malgré leur enseignement (voir, à ce sujet, Lightbown 1983). Il peut donc être non rentable pédagogiquement de leur consacrer beaucoup de temps. Par ailleurs, l ‘utilisation des auxiliaires do et does de même que celle de la forme progressive du présent de 1’ indicatif seraient, parce qu’elles tendent à être maîtrisées moins tardivement, des objectifs pédagogiques plus pertinents. En outre, ces formes linguistiques ont à être utilisées fréquemment par les élèves. C’est pourquoi elles retiennent particulièrement notre attention.
Certaines études attestent de la possibilité de résoudre, dans une certaine mesure, le problème des lacunes d’ordre morphosyntaxique observées chez les élèves en classe d’anglais intensif, spécialement en ce qui a trait à l’usage oral de do (does) et de la forme -ing du P.F.P .. Comment résoudre ces difficultés? Au moyen d’un enseignement explicite des règles de grammaire concernées (voir, à ce sujet, sous Cadre de référence). Cependant, ces études n’ont pas été réalisées auprès d’élèves de classes-types. De plus, elles ne renseignent que sur l’utilisation ou la non utilisation par les élèves de connaissances grammaticales. Elles n’informent pas sur le développement ou le nondéveloppement de connaissances grammaticales, lorsqu’il n’y a pas intégration de ces connaissances par les élèves.
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