L’impact du chemin de l’école sur l’enfant 

Face à l’augmentation des transports motorisés (Groupe Palomar, 2010), de nombreuses associations telles que l’Association suisse d’éducation physique à l’école (ASEP) et l’Association transports et environnement (ATE) encouragent les trajets scolaires à pied et en autonomie. De plus, cette promotion est renforcée par des études qui prouvent que la motricité, définie comme “ fonction qui permet l’action dissociée, associée ou coordonnée de plusieurs parties du corps ou de tout le corps avec ou sans contrôle visuel ” (WautersKrings, 2009, p. 69), a de grands impacts sur la construction physique et psychique de l’enfant tels que le développement de la musculature, de la représentation spatiale, mais aussi de l’autonomie.

La santé
L’Organisation mondiale de la santé définit l’activité physique régulière comme “ tout mouvement produit par des muscles squelettiques, responsable d’une augmentation de la dépense énergétique ” (Organisation mondiale de la santé [OMS], s.d., p. 1). Celle-ci est bénéfique pour la santé, aussi bien psychique que physique. En effet, les mouvements quotidiens sont importants, car ils permettent de renforcer les os grâce à la stimulation du système cardio-vasculaire, de développer les muscles, d’améliorer l’équilibre et de maintenir l’élasticité et la tonicité (Corso Talento & Terrani, 2010). En cas de sédentarité, qui touche de plus en plus les pays industrialisés, cela peut entraîner des maladies : problèmes cardio-vasculaires, obésité, le diabète, l’hypertension, etc.

Selon une recherche menée par le Programme paneuropéen Transport “ en Suisse, qui compte 7 millions d’habitants, l’inactivité serait la cause de 1.4 à 1.9 million de cas de maladies et de 2000 à 2700 décès par année ” (Programme paneuropéen Transport, Santé & Environnement, 2005, p. 5). L’OMS voit également un taux d’obésité et de surpoids chez les enfants en hausse depuis quelques années (aujourd’hui, elle compte 20% d’enfants en surcharge pondérale, dont 4% d’obèses). Elle en explique les causes notamment par une alimentation moins équilibrée ainsi qu’un manque d’activité physique.

En 2011, une étude valaisanne montre qu’un écolier sur sept est atteint de surpoids (13.4%) ou d’obésité (2.3%). Bien que, selon Promotion Santé Suisse, ces données demeurent relativement basses en comparaison avec d’autres cantons (Genève, Zurich) et d’autres pays européens, elles sont problématiques, car elles accroissent avec les années (Chiolero, Clerc Berod & Favre, 2011). En effet, selon Observatoire valaisan de la santé (OVS) et Addiction Valais (2008-2012), entre 2008-2009 et 2011-2012, il y a eu une augmentation de 2% chez les 3e HarmoS atteints d’excès de poids.

Ainsi, face à cette situation alarmante, le Valais a mis en place un programme, intitulé “ Pour un poids corporel sain ”, qui s’adresse aux enfants et aux adolescents et qui vise l’accroissement du pourcentage d’enfants avec un poids normé et un rapport sain avec la nourriture ainsi que des activités physiques régulières. D’autre part, beaucoup d’associations encouragent les activités physiques quotidiennes (Promotion Santé Valais, Centre Alimentation et Mouvement), notamment en poussant les élèves à se rendre à l’école à pied. En effet, les déplacements non motorisés contribuent à un maintien, un équilibre au niveau de la dépense énergétique et poussent les élèves à être plus actifs. Néanmoins, les trajets scolaires représentent en moyenne 1.6 kilomètre et ne permettent aux élèves de fournir qu’un minimum d’activité physique requis quotidiennement (Gladow, Regli & Zürcher, 2010). Pour Landsberg, Much, Müller, Lange et PlachtaDanielzik (2008, cité par Lewis & Torres, 2010), les parcours entre l’école et la maison sont trop brefs pour avoir un effet réel sur l’activité physique totale des élèves. Ainsi, il est important de constater que la motricité joue un grand rôle sur la santé de tout individu. Or, les déplacements à pied entre la maison et l’école sont un moyen pour que l’élève dépense de l’énergie, soit actif, mais ne suffisent pas en matière d’effort physique quotidien requis et doivent être suppléés par d’autres activités.

La représentation spatiale
Selon certaines recherches (Guidetti & Tourrette, 2008 ; Lacombe, 2012), la motricité a une influence sur la construction de la représentation spatiale, notamment de quatre mois à deux ans. L’évolution de la posture-motricité qui amène l’enfant de la position couchée à la marche autonome, du grasping-réflexe à la coordination vision-préhension, participe à la construction de l’espace qui, de diffus, sensoriel, morcelé et lié à l’instant présent, va devenir peu à peu différencié, permanent. (Lacombe, 2012, p. 90) De plus, par le biais de ses déplacements et de la manipulation, l’enfant prend conscience de son corps et de l’environnement qui l’entoure, pour s’en faire une idée de plus en plus précise. En ayant recours à ses habiletés motrices, il met en œuvre tout son corps pour acquérir des notions spatiales de base. En effet, il apprend à s’orienter, se déplacer et se positionner dans l’espace ce qui va, progressivement, le structurer (Gaudiau, 2002-2003). Les recherches menées par le Groupe Palomar en 2010 montrent que les enfants, âgés de huit ans, ont une représentation différente selon qu’ils se déplacent à pied ou non. L’enfant piéton dessine une ville continue ; chaque élément, bâtiment comme place ou parc, est relié aux autres par un parcours qui va de la maison à l’école […]. L’enfant motorisé, au contraire, dessine une ville fragmentée : le parcours maison-école y est une bande vide qui rencontre peu de lieux dignes d’intérêts. (Groupe Palomar, p. 215) Ainsi, les déplacements à pied permettent à l’enfant de structurer son espace et d’acquérir la capacité de s’orienter dans l’espace.

Le sens de la découverte
En développant sa motricité, l’enfant est libre d’explorer le monde qui l’entoure et par conséquent d’y faire des expériences, des découvertes. Le chemin de l’école est, entre autres, l’un des lieux adéquats pour favoriser les apprentissages, car les enfants, à pied, peuvent manipuler, observer les éléments qui le parsèment, les animaux qu’ils rencontrent. Une comparaison de dessins d’enfants a été réalisée par Hüttenmoser (2004). Les résultats montrent que les enfants motorisés ne donnent qu’une description précise de la maison et de l’école, mais le trajet était souvent vide de tout détail. Les dessins des enfants à pied, quant à eux, rassemblent les éléments rencontrés lors du parcours (animaux, bâtiments, etc.) et sont plus complets. De plus, la présence détaillée en ce qui concerne la nature prouve que le chemin de l’école est un lieu d’observation et donc d’apprentissage.

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Les enfants aiment également emprunter différents itinéraires, en découvrir de nouveaux. Ils font appel à leur imagination afin de contourner et de résoudre les défis qui parsèment ces chemins (Gladow et al., 2010). En se déplaçant à pied, il semblerait que les élèves se familiarisent avec les normes pour bien se comporter face au trafic et aux signaux. “ Les expériences faites sur le chemin de l’école permettent à l’enfant de se rapprocher du monde des adultes. Il commence à participer au monde et développe peu à peu sa propre identité ” (Gladow et al., 2010, p. 6). D’après la recherche menée par le professeur de psychologie Kaufmann Hayoz, ce moment entre l’école et la maison est apprécié par la plupart des enfants. En effet, au-delà d’être une distance à parcourir, il est pour eux un lieu d’enrichissement où les découvertes sont nombreuses (Kaufmann-Hayoz, 2010 ; Bureau de prévention des accidents, 2014).

Le chemin de l’école et la socialisation
Dès que l’enfant commence à faire ses premiers pas, il devient en quelque sorte indépendant dans ses déplacements, ce qui peut être considéré comme un passage symbolique à l’autonomie (Garnier, 1995). Il peut donc choisir les personnes vers lesquelles il veut s’orienter et côtoyer plus facilement celles qu’il souhaite. Avant tout un être social, l’individu cherche constamment à entrer en contact, à communiquer avec les personnes de son entourage. Le contact avec les autres constitue, selon Maslow (1954, cité par Vienneau, 2011), un besoin indispensable à l’homme, qui se manifeste une fois que les besoins physiologiques et de sécurité sont comblés. Les besoins d’appartenance et d’amour sont des besoins sociaux qui regroupent les besoins de relations interpersonnelles, de relations d’amitié et d’amour, le besoin d’appartenance à une famille ou à un groupe. (Vienneau, 2011, p. 218) Dans le cadre scolaire, le chemin de l’école constitue, pour les élèves, un lieu important pour se faire des amis, partager avec eux sur des thèmes tels que l’école, le quotidien, etc. Ainsi, c’est par l’intermédiaire de ces moments que l’enfant va pouvoir se socialiser (Guidetti & Tourrette, 2008) et ainsi répondre à son besoin d’appartenance. D’après certaines études, ce chemin est très agréable pour les enfants qui, désireux de le faire à plusieurs, optent pour un autre chemin dans le but de rencontrer des camarades d’école (Gladow et al., 2010 ; Ville de Sion, 2011).

L’autonomie
Les trajets école-maison recèlent de nombreux atouts, notamment au niveau du développement de l’autonomie, définie comme une capacité à faire ses propres choix, de manière indépendante (Falk & Rasse, 2005). En effet, grâce à la sécurisation du chemin scolaire, qui est un souci majeur pour de nombreuses villes en Suisse (Ville de Genève, 2012 ; Ville de Bienne, 2012), les enfants se rendent parfois seuls à l’école. Ce gain d’autonomie est essentiel pour le bien-être et le capital émotionnel des enfants qui, sans être sous le contrôle permanent des adultes, peuvent communiquer entre eux, partager des discussions qui leur tiennent à cœur. “ Un adulte qui fait le bien de l’enfant n’est pas celui qui ne le perd jamais de vue, mais bien celui qui l’aide à construire sa propre autonomie ” (Groupe Palomar, 2010, p. 220).

Table des matières

1. Introduction
2. Problématique
2.1. L’impact du chemin de l’école sur l’enfant
2.1.1. La santé
2.1.2. La représentation spatiale
2.1.3. Le sens de la découverte
2.1.4. Le chemin de l’école et la socialisation
2.1.5. L’autonomie
2.2. Déclin des déplacements à pied entre l’école et la maison
2.3. Contexte de recherche et objet d’étude
3. Cadre conceptuel 
3.1. La sécurité
3.1.1. Dimensions de la sécurité
3.1.2. Le sentiment de sécurité chez l’enfant
3.1.2.1. Les composantes du sentiment de sécurité
3.2. La peur
3.2.1. Les peurs rationnelles et irrationnelles
3.2.2. Les peurs enfantines
3.2.2.1. L’évolution des peurs enfantines
3.2.2.2. Les facteurs externes des peurs enfantines
3.2.2.3. Les facteurs internes des peurs enfantines
3.2.2.4. Les moyens pour surmonter les peurs enfantine
3.3. Synthèse du cadre conceptuel
4. Question de recherche 
5. Dispositif méthodologique
5.1. Méthodes retenues pour récolter les données
5.1.1. Le Diamond Ranking
5.1.2. L’entretien
5.2. Élaboration de l’instrument
5.3. Échantillonnage choisi et durée de l’expérimentation
5.4. Récapitulatif de la méthodologique utilisée
6. Analyse et interprétation
6.1. Peurs relevées par les élèves
6.1.1. Analyse des différents Diamond Ranking
6.1.1.1. La peur de se faire enlever
6.1.1.2. La peur de se faire écraser
6.1.1.3. Peurs liées aux événements de la route
6.2. Moyens pour surmonter les peurs
6.3. Évolution des peurs
6.4. Facteurs externes qui provoquent les peurs
6.5. Facteurs internes : la personnalité des enfants
7. Conclusion

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