L’IMPACT DES CANTINES SCOLAIRES SUR LES PERFORMANCES DES ELEVES A L’ECOLE ELEMENTAIRE

L’IMPACT DES CANTINES SCOLAIRES SUR LES PERFORMANCES DES ELEVES A L’ECOLE ELEMENTAIRE

 Le courant sociologique

Toute société est traversée par des inégalités en tous genres. Pour simplifier, on peut y distinguer deux catégories sociales : – les nantis, dotés de capital économique et /ou culturel ; -les défavorisés, faiblement pourvus de ces capitaux. Selon Bourdieu et Passeron : « Toute action pédagogique (AP) est objectivement une violence symbolique en tant qu’imposition, par un pouvoir arbitraire, d’un arbitraire culturel » 88 . Pour Bourdieu et Passeron, plus le niveau culturel de la famille est élevé, plus l’enfant aura des chances de réussir à l’école. L’école en véhiculant la culture dominante, favorise les enfants des nantis au détriment de ceux des classes défavorisées. La culture scolaire est la culture de la classe dominante considérée comme étant légitime. Le groupe dominant a tendance à utiliser l’école pour imposer des contenus conformes à ses intérêts. La situation des parents peut être déterminante dans l’évolution des enfants. Il existe une forte corrélation entre le statut des parents et la réussite des enfants. Bourdieu et Passeron ont théorisé cette tendance à travers le concept de « la reproduction ». Cependant Reymond BOUDON n’épouse pas totalement ce point de vue. Selon lui, « Les différences dans la qualité de l’héritage culturel en fonction de la classe sociale n’expliquent que dans une mesure très limitée l’inégalité des chances devant l’enseignement. Elles expliquent les différences dans la réussite scolaire en fonction de l’origine sociale au jeune âge. Par contre, elles n’expliquent guère les disparités du niveau scolaire en fonction de l’origine sociale 89 ». Tout en reconnaissant l’importance de l’héritage culturel, il ne pense pas que l’échec noté au niveau des classes sociales défavorisées lui soit totalement imputable. En effet, l’individu est caractérisé par sa liberté et sa capacité de discernement. L’origine sociale n’est pas le seul facteur explicatif de l’inégalité des chances face à la réussite scolaire, l’ambition et la stratégie développées par les apprenants matures, peuvent être aussi déterminantes que la position sociale de ses parents. Selon Marie DURUT-BELLA, la véritable mission de l’école serait cette capacité à corriger les inégalités (quelle que soit leur origine, génétique ou familiale). A un premier niveau, l’école fonctionne de manière juste si ses classements finaux bouleversent les classements initiaux; si elle donne leurs chances à tous ceux qui ne sont pas des « héritiers» : elle fabrique alors une nouvelle inégalité, sur une base méritocratique, créant du même coup une certaine mobilité. En assurant une  certaine égalité de chances, elle participe alors d’une remise en cause des inégalités dans la vie. Quoique que l’on puisse se demander si une sélection qui serait alors fondée avant tout sur les inégalités d’ « intelligence », d’aptitudes, ou encore de motivations peut être défendue comme radicalement juste, les aléas de la génétique étant aussi antinomiques avec la justice que l’héritage socioculturel90 . On glisse ainsi du concept d’égalité des chances ou d’égalité d’accès à l’égalité de résultats, faisant le pari que l’école peut et doit avoir ce rôle actif, radical, pour créer l’égalité de réussite entre enfants (Coleman et al, 1966).

Le courant psychologique

Les modèles de l’enseignement et de l’apprentissage s’appuient actuellement sur quatre approches : le béhaviorisme, le cognitivisme, le constructivisme et le socioconstructivisme. Le béhaviorisme Le béhaviorisme est l’une des premières grandes théories de l’apprentissage. Le terme béhaviorisme a été crée par Watson à partir du mot behavior dont la signification correspond à comportement. Le béhaviorisme s’intéresse à l’étude des comportements observables et mesurables en réponse à des stimuli de l’environnement. Les behavioristes considèrent que les structures mentales sont comme une boîte noire à laquelle on n’a pas accès et qu’il est donc plus réaliste et efficace de s’intéresser aux « entrées » et aux « sorties » qu’aux processus eux-mêmes. Selon Watson la psychologie est une science expérimentale. « La psychologie telle que le béhavioriste la voit est une branche purement objective et expérimentale des sciences naturelles. Son but théorique est la prédiction et le contrôle du comportement » 92 . Au niveau de l’enseignement, le béhaviorisme considère l’apprentissage comme une transformation durable du comportement résultant d’une activité régulière. Skinner a développé par la suite la notion de conditionnement opérant. Ces travaux ont été adaptés aux situations d’enseignement apprentissage. Il revient à l’enseignant d’agir sur le comportement de l’élève en recourant à un programme, sa principale préoccupation consiste à inciter l’élève à maîtriser progressivement les différentes parties du programme. 90 Durut-Bella M., 2009 « Les inégalités sociales à l’école genèse et mythes» Education et formation, PUF, Paris. 239 p 91Coleman. 1966. “ Equality of educational opportunity”. US Departement of Health, Education and Welfare.Office of Education. 80 p 92John Watson (1913). Psychology as a behaviorist views it. Psychological Review, 20, 158-177. Traduction de L. Ferrand. 79 Le cognitivisme Le terme vient du latin cognito, qui signifie connaissance. Le courant cognitiviste se prolonge dans deux versions de la psychologie cognitive. La première emprunte beaucoup à la représentation des opérations qui se déroulent dans un ordinateur et assimile l’esprit humain à un système de traitement de l’information. La deuxième est fondée sur l’importance de l’appropriation graduelle et effective de stratégies mentales (stratégies cognitives et métacognitives) jugées nécessaires à une démarche structurée d’apprentissage93 . Le cognitivisme s’oppose donc au béhaviorisme. Le cognitivisme essaye de comprendre les processus à l’œuvre dans une situation d’enseignement/apprentissage. Selon Jacques TARDIF, « l’enseignement et l’apprentissage sont fondamentalement des activités de traitement de l’information94 . Jacques TARDIF95 a essayé d’appliquer les principes théoriques du cognitivisme aux sciences de l’éducation. Il aborde la question de l’apprentissage sous l’angle du traitement de l’information. L’acte d’apprendre se confond à une opération de recueil et de traitement de l’information à l’image de l’ordinateur. La pensée est un processus de traitement de l’information. L’apprentissage est un processus de construction des savoirs. Dans l’approche cognitiviste l’apprenant traite une multitude d’informations. Il est un sujet actif et constructif qui acquiert, intègre et réutilise des connaissances. La psychologie cognitive admet l’existence de catégories de connaissances : les connaissances déclaratives, procédurales et conditionnelles. Les connaissances déclaratives sont constituées de faits, de règles, de lois et de principes. Les connaissances procédurales correspondent en général aux savoir-faire. Les connaissances conditionnelles réfèrent aux quand et pourquoi, elles correspondent aux classifications et aux catégorisations.  Le constructivisme Le constructivisme est une théorie de l’apprentissage selon laquelle, la connaissance est élaborée par l’apprenant sur le socle d’une activité mentale. Le constructivisme a été développé par PIAGET, en réaction au béhaviorisme qui limitait l’apprentissage, uniquement, à l’association stimulus-réponse. Selon cette théorie, l’apprentissage est surtout assimilation et accommodation de connaissances nouvelles sur la base de connaissances préexistantes. L’apprenant évolue dans un environnement. Au cours de l’apprentissage, on note une interaction entre l’individu et son environnement. L’individu s’adapte dans son environnement. L’adaptation est un mécanisme d’équilibre mettant en jeu deux mécanismes : l’assimilation et l’accommodation. L’assimilation correspond à l’incorporation de données, d’objets, de situations etc., au niveau de la structure d’accueil (mentale) de l’apprenant. L’individu va transformer les éléments de son environnement. L’accommodation correspond à la transformation notée au niveau de la structure d’accueil de l’apprenant, afin de permettre l’incorporation d’éléments. Le sujet est transformé par son environnement. La connaissance est construite par l’apprenant. La pédagogie est centrée sur l’apprenant. L’enseignant est un facilitateur, un médiateur. Le socioconstructivisme Le socioconstructivisme a été développé par L. Vygotsky. Le socioconstructivisme considère aussi que l’apprentissage est une construction de connaissances nouvelles sur la base de connaissances déjà acquises. Cependant cette construction s’effectue dans un cadre social et non individuel. Les informations sont en lien avec le milieu social, le contexte. Elles proviennent à la fois de ce que l’on pense et de ce que les autres (pairs) apportent comme interactions. La caractéristique de cette théorie réside dans la naissance d’une interaction sociale entre pairs, la base de liens affectifs entre individus. Un de ces aspects affectifs correspond à la motivation. La motivation occupe une place importante au niveau de l’apprentissage. La zone proximale de développement est un concept issu des travaux de L. Vygotsky. Il la définit comme « La ZPD est donc la distance (différence) entre le niveau de développement actuel, tel qu’on pourrait le déterminer par les capacités de l’enfant à résoudre seul des problèmes, et 81 le niveau de développement potentiel, tel qu’on pourrait le déterminer à travers la résolution de problème par cet enfant, lorsqu’il est aidé par des adultes ou collabore avec des pairs initiés » 96. Elle correspond donc à la distance entre ce que l’enfant est capable de faire seul et ce qu’il est capable de réaliser grâce à l’appui d’adultes et de pairs initiés. 

Le courant économique

L’économiste Theodore Schultz97 a été le premier à développer en 1961 le concept de capital humain « Alors qu’il apparaît évident que les individus acquièrent des savoir-faire et des savoirs utiles, il n’est pas si évident que ces savoir-faire et savoirs constituent une forme de capital [et] que ce capital soit pour une part substantielle le produit d’un investissement délibéré. ». Cependant c’est Gary Becker à partir de 1965 qui a approfondi le concept. Le capital humain est formé de trois éléments qui, ensemble, déterminent une certaine aptitude de l’individu à travailler: les compétences, les expériences et les savoirs98 . Selon A. DIAGNE, le financement des secteurs de l’éducation et la santé assure le développement. « L’éducation et la santé sont certainement les deux investissements les plus importants que les individus et les sociétés puissent réaliser, tant leurs effets économiques et sociaux sont considérables et multiformes. En règle générale, un individu plus éduqué et en bonne santé a accès à de meilleurs emplois, et gagne des revenus plus élevés que celui qui est moins bien formé, ou qui se porte moins bien. Les sociétés les plus éduquées affichent les meilleurs indicateurs de santé et jouissent des niveaux de développement les plus élevés. En résumé, l’éducation et la santé rendent les individus plus productifs, allongent leur espérance de vie, et facilitent la vie en groupe. Elles ont ainsi un impact considérable sur la croissance économique et le bien-être individuel et collectif. Les effets directs de l’éducation et de la santé ne doivent pas faire perdre de vue leurs interactions vertueuses » 99 . Ces sociétés ont les IDH les plus élevés. L’IDH est un indice composite, il est calculé à partir de la moyenne de trois indicateurs : la santé (espérance de vie), le niveau d’éducation et le niveau de vie. L’éducation repose en général sur une bonne santé. Les enfants d’âge scolaire ont besoin d’être en bonne santé. Les individus éduqués sont mieux informés, ils peuvent accéder plus facilement à toutes les sources d’informations. Ils peuvent disposer de toutes sortes d’information, particulièrement celles concernant le domaine médical.  Grossman définit la santé comme un bien durable dont un stock est attribué à l’individu au début de la vie et qui se déprécie au cours du temps. Sa dépréciation inéluctable aboutit à la mort100. La personne bien éduquée sera plus motivée à investir dans son stock de santé. Les femmes éduquées auront accès plus facilement aux soins de qualité, elles vont se marier plus tardivement, elles utiliseront les méthodes contraceptives. Elles vont avoir moins d’enfants que les femmes non éduquées. Elles prendront mieux soin de la santé et de l’éducation de leurs enfants. Plus de 400 millions d’enfants en âge d’être scolarisés sont infectés par des parasites intestinaux. Pourtant, ces parasites diminuent l’absorption des nutriments par l’organisme et causent des hémorragies internes, pouvant mener à l’anémie et à la malnutrition. Les enfants sont alors trop malades ou trop fatigués pour aller à l’école ou se concentrer en classe. Les premières expériences de déparasitage dans les écoles avaient échoué car au sein d’une même école, les élèves du groupe test étaient toujours contaminés par ceux du groupe témoin. Miguel et Kremer ont effectué la randomisation. C’est une méthode d’évaluation aléatoire. Cette méthode expérimentale consiste à évaluer une politique en comparant un groupe test à un groupe témoin, constitués par tirage au sort. Sur la base d’expérience aléatoire d’écoles rurales du district de Busia, au Kenya, MIGUEL et KREMER ont noté, une réduction du taux d’absentéisme de 25% chez les enfants ayant été déparasités . Ils ont aussi remarqué que le déparasitage avait des effets d’externalités sur la santé des élèves non soumis au protocole de recherche. L’éducation n’agit pas que sur question de la santé, elle agit sur d’autres éléments tels que le respect de l’environnement, la réduction de la pauvreté, la promotion de certaines valeurs : la paix, la démocratie, l’éthique, etc. L’éducation agit sur tous les secteurs de la vie. L’éducation est donc à la fois cause et conséquence du processus de développement102 . Les déterminants de la réussite scolaire sont difficiles à cerner quelque soit le point de vue que l’on considère. Des considérations de natures diverses, sociologiques psychologiques, économiques et autres s’imbriquent à différents niveaux. Cependant, il demeure constant que la qualité de l’apprentissage ne s’accommode pas d’une santé déficiente laquelle est tributaire d’une alimentation riche et équilibrée. C’est de l’influence de celle-ci sur la réussite scolaire que nous proposons de mesurer. 

Table des matières

PREMIERE PARTIE : DETERMINATIONS INITIALES
Chapitre 1 : CONTEXTE DE LA RECHERCHE
I. Problématique
II. Contexte et justification
III. Revue de la Littérature
IV. Questions de recherche
V. Objectifs de l’étude
VI. Hypothèses de recheche.
Chapitre 2 : ESPACE D’INVESTIGATION ET SES CARACTERISTIQUES SPECIFIQUES
I. Cadre géographique
II. Cadre institutionnel scolaire
III. Cadre théorique
IV. Limites de l’étude
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES RESULTATS DE LA RECHERCHE
Chapitre I. ANALYSE DESCRIPTIVE
I. Evolution des effectifs
II. Evolution des taux de flux
III. Evolution des scores
Chapitre 2 : ANALYSE COMPARATIVE
I. Comparaison des effectifs des élèves
II. Comparaison des taux de flux des groupes contrôle et cantine
III. Comparaison des scores en francais et mathématiques des groupes contrôle et cantine
IV. Comparaison des scores en francais et mathématiques des groupes contrôle et expérimental de l’IDEN de Diourbel
V. Comparaison des scores de Français et demathématiques des élèves du groupe de controle et du groupe expérimental de l’IDEN Fatick
VI. Comparaison des scores de Français et de mathématiques des élèves du groupe de controle et du
groupe expérimental de l’IDEN de Foundiougne
VII. Comparaison des scores de Français et demathématiques desélèves du groupe decontrole et du
groupe expérimental de l’IDEN de Kolda
VIII. Comparaison des scores de Français et de mathématiques desélèves du groupe decontrole et du
groupe expérimental de l’IDEN de Vélingara
IX. Comparaison des scores de Français et demathématiques desélèves du groupe decontrole et du
groupe expérimental de l’IDEN de Sédhiou
X. Comparaison des scores de Français et mathématiques selon le genre dans les différentes IDEN
Chapitre 3 : INTERPRETATION
Conclusion générale et Perspectives
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