L’immunité et les réponses lymphocytaires T CD

Rôle de la protéine Pleckstrin dans la génération de lymphocytes T CD8 mémoires et la mise en place d’une immunité tissulaire

L’immunité et les réponses lymphocytaires T CD8 A-

Historique des découvertes sur l’immunité 1- De la découverte de l’immunité à la vaccination Le terme « immunité » provient du latin « immunis » signifiant « être exempté de charges », par exemple de services ou d’impôts. Cette appellation d’immunité fit suite à des observations de bactériologistes, qui mirent en évidence des phénomènes de protection contre des infections bactériennes (Grabar and Alouf). Etymologiquement, l’immunité consiste donc en un état de protection vis à vis de maladies infectieuses. Les références les plus anciennes à l’immunité remontent à l’Antiquité : en 430 av. JC, dans le livre II de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse, Thucydide parle d’une épidémie de peste à Athènes (en réalité de la fièvre typhoïde). L’écrivain décrit les symptômes de la maladie et note que les survivants à l’épidémie ne pouvaient plus développer la maladie une seconde fois : ces personnes semblaient protégées contre l’infection et pouvaient ainsi s’occuper des malades. Cette observation est la première mise en évidence du concept de « mémoire immunitaire », qui confère une protection de l’organisme sur le long terme vis à vis de maladies infectieuses déjà contractées par l’organisme. Par ailleurs, dès le XIème siècle, le processus de variolisation est réalisé en Chine. Ce procédé consiste à prélever du pus sur un malade présentant des symptômes légers et à l’inoculer chez un sujet sain, afin de le protéger contre une éventuelle infection. Cette technique fut ensuite répandue en Angleterre puis dans toute l’Europe à partir du XVIIIème siècle. C’est à cette période qu’Edward Jenner réalisa ses propres travaux sur la variole. Jenner remarqua que les fermiers en contact avec la vaccine (i. e. l’équivalent de la variole chez les animaux et transmissible à l’Homme) n’étaient pas atteints par la variole. Jenner décida alors de prélever du pus chez une jeune fille atteinte par la vaccine et de l’inoculer à un jeune garçon. Une fois que le jeune garçon fut remis de la vaccine, Jenner l’inocula avec la variole et constata que l’enfant ne tomba pas malade : celui-ci était efficacement protégé contre cette maladie. Les travaux de Jenner sur la vaccine et la variole sont à l’origine du terme de « vaccin », et Jenner est aujourd’hui considéré comme le père fondateur de l’immunologie. La variole a d’ailleurs été complètement éradiquée en 1979, montrant le succès de cette technique de vaccination (Murphy, 2011). Un siècle plus tard, en 1880, Louis Pasteur travailla sur des poules qu’il inocula avec une vieille souche du choléra. Il observa que celles-ci survivaient à l’immunisation, et résistaient également à des infections par une souche plus virulente. Pasteur démontra ainsi le principe d’atténuation et l’utilisation possible d’une souche atténuée en tant que vaccin préventif. Cette découverte fut complétée cinq ans plus tard par la conception d’un vaccin contre la rage, succès qui valut à Pasteur une renommée mondiale et sa reconnaissance en tant que l’un des « pères de la vaccination » (Murphy, 2011). La mise au point de ces vaccins fut également le point de départ de nombreux travaux de recherche sur les mécanismes à l’origine de cette protection, qui ont contribué au développement de l’immunologie. 

Découverte de l’immunité adaptative médiée par les lymphocytes

Au début du XXème siècle, suite à la découverte de médiateurs solubles par Von Behring (1890) et de cellules phagocytaires par Metchnikoff (1882), les rôles respectifs de l’immunité humorale et de l’immunité cellulaire sont largement controversés dans la communauté scientifique. De plus, l’étude des cellules immunitaires étant limitée par le manque de techniques expérimentales adaptées (e. g. peu d’animaux modèles, difficulté de réaliser des cultures cellulaires…), les connaissances sur l’immunité cellulaire sont alors moins avancées que celles sur le bras humoral de l’immunité. Cependant, en 1940, Merrill Chase mit en évidence que le transfert de globules blancs depuis des cobayes immunisés par le bacille de Calmette-Guérin vers des cobayes non-immunisés permettait de protéger efficacement ces derniers contre la tuberculose. Chase conclut ainsi que l’immunité contre cette maladie était conférée par des leucocytes, et non par le sérum (Owen et al., 2014). C’est seulement une vingtaine d’années plus tard, suite au développement de nouvelles techniques de culture cellulaire, que les lymphocytes furent mieux caractérisés. En particulier, Bruce Glick démontra par des expériences chez le poulet l’existence de deux sortes de lymphocytes : les lymphocytes T (LT), provenant du thymus, et les lymphocytes B (LB), originaires de la bourse de Fabricius (Owen et al., 2014). Bien que cette division des lymphocytes en deux populations mit du temps à être acceptée (comme l’indique cette citation de B. Lodge à un congrès en 1968 : « B and T are the first and last letters of bullshit »), de nombreux travaux furent alors menés pour mieux caractériser ces populations et comprendre leur fonctionnement (Mak, 2007; Masopust et al., 2007). Les recherches sur les LB furent dans un premier temps les plus fructueuses. La structure des anticorps (initialement qualifiés « d’antitoxines ») fut d’abord caractérisée dans les années 1960 (Porter, 1963; Cunningham et al., 1969). L’origine de leur diversité fut ensuite mise en évidence en 1976 par N. Hozumi et S. Tonegawa, qui identifièrent le mécanisme de réarrangement des gènes codant pour les immunoglobulines (Hozumi and Tonegawa, 1976). Cette découverte majeure valut d’ailleurs à S. Tonegawa le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1987. A l’opposé, les LT et leur fonctionnement furent plus difficiles à caractériser. Bien que ces cellules furent rapidement démontrées comme cytotoxiques (Cerottini et al., 1970; Golstein et al., 1972), leur mécanisme de reconnaissance de l’antigène n’était pas encore bien compris à ce moment là, et beaucoup pensaient que ces cellules, comme les LB, reconnaissaient des antigènes solubles. Cette question fut toutefois résolue en 1976 par R. Zinkernagel et P. Doherty, qui mirent en évidence que l’activation du LT nécessitait la reconnaissance non seulement de l’antigène, mais également du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH, Zinkernagel and Doherty, 1974). Le clonage des chaînes du TCR fut ensuite une vraie « chasse à la molécule », rendue d’autant plus difficile par les propriétés de ce récepteur non sécrété et ne liant pas d’antigène soluble. Ce Graal de l’immunologie fut néanmoins conquis en 1984 par les équipes de M. Davis et T. Mak, qui réussirent à cloner respectivement les chaînes β du TCR humaines et murines (Hedrick et al., 1984; Yanagi et al., 1984). La découverte des gènes codant le TCR ouvrit alors la voie à une meilleure compréhension des mécanismes par lesquels les LT protègent l’organisme contre les agents infectieux, mais également à la caractérisation du principe de tolérance au soi et des mécanismes sous-jacents aux maladies auto-immunes. Introduction 35 Ainsi, ces découvertes ont démontré que l’immunité cellulaire, médiée notamment par les LT, joue un rôle majeur et complémentaire à l’immunité humorale dans la protection contre les agents infectieux. Nous allons maintenant nous intéresser spécifiquement aux LT CD8, qui jouent un rôle crucial dans la protection contre les pathogènes intracellulaires et les cellules tumorales. B- Déroulement des réponses T CD8 en cas d’infection par un pathogène intracellulaire Lors d’une infection d’un tissu par un pathogène intracellulaire, par exemple un virus, les cellules dendritiques (DC) du tissu infecté internalisent les antigènes et migrent jusqu’au ganglion drainant (figure 1A). A cet endroit, les DC présentent les antigènes aux LT CD8 naïfs qui sont alors activés, et prolifèrent et se différencient en LT CD8 effecteurs (figures 1A & 1B). Suite à leur migration jusqu’au tissu infecté, les LT effecteurs participent à la réponse immunitaire antivirale en lysant les cellules cibles et en sécrétant des cytokines capables d’activer et de recruter d’autres acteurs du système immunitaire. L’ensemble de ces évènements conduit ainsi à l’élimination du virus. Une fois le pathogène éliminé, la majorité des LT CD8 effecteurs meurt selon un processus de contraction clonale. Cependant, un petit nombre de LT CD8 peuvent persister dans l’organisme sous forme de LT CD8 mémoires, capables de protéger l’organisme sur le long-terme face aux réinfections. Dans les parties qui vont suivre, nous allons reprendre les étapes de la réponse T CD8 décrites de façon globale ci-dessus et en détailler les processus cellulaires et moléculaires sousjacents, de façon à mieux comprendre comment ces phénomènes complexes permettent une protection efficace de l’organisme face aux agents infectieux. Figure 1: Les réponses T CD8. (page suivante) A- Dynamique des réponses T CD8. Lors de l’infection virale d’un tissu périphérique, ici le poumon, les DC phagocytent les pathogènes et migrent jusqu’au ganglion drainant (1). Une fois dans l’OLS, les DC présentent les antigènes aux LT CD8 naïfs (2) qui sont activés, et prolifèrent et se différencient en LT CD8 effecteurs (3), qui migrent jusqu’au tissu infecté (4). Ces LT effecteurs initient alors leurs fonctions effectrices (i. e. lyse des cellules cibles, sécrétion de cytokines), permettant l’élimination du virus (5). La majorité des cellules effectrices est ensuite éliminée par un phénomène de contraction clonale, tandis que des LT CD8 mémoires sont générés (6) et confèrent une protection efficace de l’organisme sur le long-terme face aux réinfections. B- Cinétique de la réponse T CD8 suite à une infection virale. Lors d’une infection virale, les LT CD8 naïfs spécifiques des antigènes viraux (environ 10 à 100 cellules) sont activés, prolifèrent et se différencient en LT CD8 effecteurs. Cette phase d’activation et d’expansion aboutit à la génération de millions de cellules effectrices au septième jour post-infection, qui vont éliminer les cellules infectées grâce à leurs fonctions effectrices (e. g. sécrétion de molécules cytotoxiques et de cytokines). Une fois le pathogène éliminé, 90% des LT CD8 effecteurs meurent, tandis qu’une partie (environ 104 LT CD8 mémoires spécifiques d’un antigène donné) persiste dans l’organisme sous forme de cellules mémoires. (Schéma repris de Williams and Bevan, 2007) 

Les réponses T CD8 primaires face à une infection virale A-

Les LT CD8 naïfs : patrouille à l’origine des réponses anti-infectieuses 1- Les progéniteurs T sont générés au cours de l’hématopoïèse L’hématopoïèse (du grec « hémato » : sang et « poïesis » : création) est le processus à l’origine de la génération des cellules sanguines. L’hématopoïèse se déroule dans la moelle osseuse chez l’adulte et produit chaque jour 1011 à 1012 cellules sanguines à partir des cellules souches hématopoïétiques (CSH) (Till and McCulloch, 1961). Les CSH sont des cellules pluripotentes localisées dans la moelle osseuse au sein de niches hématopoïétiques, constituées de cellules stromales tels que des fibroblastes, des ostéoclastes ou des cellules endothéliales. L’ensemble de ces types cellulaires forme, avec la matrice extracellulaire et des facteurs solubles comme des cytokines, un stroma qui fournit un microenvironnement favorable à l’auto-renouvellement des CSH et à leur différenciation (Bonomo et al., 2016). Bien que les mécanismes de l’hématopoïèse et de sa régulation ne soient pas encore décrits de façon exacte, du fait de la difficulté de caractériser et d’isoler précisément les CSH et les différents progéniteurs qui en résultent, il est aujourd’hui admis que la différenciation des CSH aboutit notamment à la génération de deux types de progéniteurs multipotents : le progéniteur myéloïde commun et le progéniteur lymphoïde commun, à l’origine respectivement des lignées myéloïde et lymphoïde (Forsberg et al., 2006; Rieger and Schroeder, 2012). Le progéniteur lymphoïde commun donne ainsi naissance aux cellules natural killer (NK) et aux LB, au sein même de la moelle osseuse. Concernant la spécification du progéniteur en LT, celle-ci nécessite une étape supplémentaire de migration jusqu’au thymus et une exposition à l’environnement de cet organe. Une fois sa destinée acquise dans le thymus, le progéniteur T y subit alors les étapes spécifiques permettant sa maturation. 2- Le développement T fait intervenir des étapes de maturation et de sélection thymique Suite à leur entrée dans le thymus au niveau de la jonction cortico-médullaire, les progéniteurs nouvellement déterminés dans le lignage T entament les étapes de leur différenciation (Dzhagalov and Phee, 2012) (figure 2). Ces cellules, initialement CD4- CD8- (double négatives 1 ou DN1, CD25- CD44+), migrent vers la périphérie du cortex tout en se différenciant progressivement en précurseurs DN2 (CD25+ CD44+) puis DN3 (CD25+ CD44low). A cette étape, les thymocytes subissent la sélection β du TCR : phénomène consistant au réarrangement de la chaîne β du TCR et à son association avec la chaîne invariante pré-TCR α (pTα). Les cellules pour lesquelles ce réarrangement est productif reçoivent alors un signal de survie, prolifèrent puis se différencient en cellules double positives (DP) CD4+ CD8+. Ce processus s’accompagne d’une migration des cellules vers les régions corticales les plus centrales et du réarrangement de la chaîne α du TCR, aboutissant à l’expression d’un récepteur T αβ mature. 

Table des matières

Listes des abréviations & acronymes utilisés
Tables des illustrations & des tableaux
Introduction
Introduction générale – L’immunité et les réponses lymphocytaires T CD
I- Les réponses T CD8 primaires face à une infection virale
II- Les LT CD8 mémoires : gardiens de l’intégrité de l’organisme face aux réinfections
IV- Aspects moléculaires des réponses T CD8
Objectifs du projet de recherche
Matériel & Méthodes
Résultats
Résultats principaux
Résultats complémentaires
Discussion
Conclusion générale
Annexes
Article Eduscol Planetvie : « Les lymphocytes TRM, sentinelles du système immunitaire »
Poster : « Characterization of pleckstrin expression and function in CD8 T cells »
Poster : « Cellular and molecular properties of protective memory CD8 responses »
Références bibliographiques

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