Limites des politiques publiques locales pour un développement rural

ANALYSE ECONOMIQUE DES CHOIX PUBLICS LOCAUX EN MATIERE DE DEVELOPPEMENT RURAL

 Atouts et limites des politiques publiques locales pour un développement rural

Nous avons défini l’attractivité d’un territoire comme sa capacité à attirer et à retenir des entreprises mais également des populations. S’il est difficile de hiérarchiser les facteurs sur lesquels repose cette attractivité, on évoque généralement l’importance de six critères : la fiscalité, le niveau d’infrastructures publiques, le coût et la qualité de la main d’œuvre, le rendement du capital, l’état du marché local et l’image donnée par le territoire (B. Coeuré et I. Rabaud, 2003). Parmi ces facteurs, nous pouvons cependant préciser ceux qui semblent particulièrement déterminants pour des sites aussi particuliers que les campagnes de faible densité. En comprenant mieux les besoins de ces zones rurales, nous pourrons alors davantage mesurer les atouts et les limites que montrent les collectivités locales pour promouvoir la revitalisation de ces territoires.

Des exigences particulières pour l’attractivité des zones rurales isolées.

Si les campagnes isolées ne peuvent pas toujours attirer des industries, comme le ferait un site proche de zones urbaines ou montrant de possibles effets d’agglomération, leur développement semble plutôt devoir miser, au moins initialement, sur l’attraction et le maintien d’une solide base résidentielle ou récréative. C’est elle qui pourra ensuite attirer les entreprises, à la recherche de main d’œuvre et de marchés locaux. La fonction résidentielle, parce qu’elle suscite des emplois induits, en particulier dans le secteur des services, est d’ailleurs souvent analysée, comme un moteur pour l’économie locale (S. Dubuc, 2004). Elle alimente en effet une demande qui peut constituer un réel facteur d’attractivité pour de futures unités productives. Cependant, dans les campagnes en déclin démographique, où la fonction résidentielle n’a pas encore de dynamique de croissance, cette demande est souvent à construire. Deux facteurs semblent décisifs pour cela : le maintien d’activités agricoles et para-agricoles et l’accès de la population à plusieurs services jugés essentiels.

Une indispensable secteur tertiaire.

Si l’économie « présentielle » (L. Davezies, 2008) semble la clé de voute d’une revitalisation des espaces ruraux isolés, l’accès aux services s’impose comme un facteur incontournable de peuplement et d’emploi5. Commerces, services non marchands (école, service postal…) et accès aux soins sont en effet des arguments importants pour attirer une population pouvant investir le territoire de façon durable. Dans cette optique, l’offre de services doit sans doute viser un public de retraités qui, papy boom oblige, représente une population intéressante en terme d’effectif et de pouvoir d’achat (D. Boutet, 2006). Mais cette offre de services doit également être capable d’attirer de plus jeunes actifs, désireux de profiter d’amenités à un tarif (foncier et fiscal) plus faible qu’en zone urbaine. Ces jeunes actifs peuvent également incarner, à terme, l’espoir d’une fonction de production locale.
Dans les campagnes isolées, l’accès aux services est cependant largement tributaire de l’action publique. Il nécessite en effet une indispensable volonté politique, afin de fournir les infrastructures nécessaires, en particulier en termes de voirie. En effet, l’offre de services ne doit pas nécessairement être localisée sur le site, pour que ce dernier soit attractif. La plupart des équipements publics peuvent profiter de fréquents effets de débordement (D. Perrin, 2003). C’est donc plutôt la facilité d’accès qui semble réellement décisive. Plusieurs études montrent en effet que la distance qui sépare les sites ruraux à des centres de services, qu’elle soit mesurée en temps ou en kilomètres à parcourir, est un facteur important de différenciation des communes rurales (F. Auriac, 2000). La coopération intercommunale ou interrégionale peut donc grandement faciliter l’investissement en ce sens. L’idée n’est certes pas nouvelle. Nous rejoignons ici la théorie de la croissance endogène, selon laquelle l’investissement public en infrastructures influence positivement le développement à long terme des territoires (R. Barro 1990). Le niveau et la qualité des infrastructures sur un site isolé encourage en effet les implantations, en réduisant le coût des investissements pour les différents agents pouvant s’y installer, qu’il s’agisse d’entreprises ou de ménages7. Bien plus, ces infrastructures peuvent également favoriser l’apparition d’un second revenu sur les exploitations agricoles, par exemple lorsque l’un des conjoints peut ainsi obtenir ou conserver un emploi à l’extérieur. Or plusieurs études montrent que ce travail, souvent féminin, contribue au maintien de l’activité agricole (J.L. Brangeon et al., 1994).

Le maintien et le développement d’activités agricoles et para-agricoles.

Préserver l’activité agricole dans les zones rurales isolées représente plusieurs intérêts. Le premier est qu’il permet naturellement le maintien d’une certaine tranche de la population. Si l’on regroupe en effet les productions agricoles, forestières et les principales activités de transformation qui s’y associent, c’est en effet plus de 20% des emplois ruraux qui peuvent être ainsi conservés, faisant vivre une population souvent liée au territoire (D. Perrin, 2003). Ces emplois représentent d’ailleurs un atout économique indéniable, puisqu’ils participent sans conteste à la valorisation et à l’entretien d’un paysage qui aurait, sans cela, un coût financier indéniable. Dans un objectif de revitalisation rurale, cette première sphère agroalimentaire ne peut cependant pas s’auto-suffire. Des activités para-agricoles doivent se développer pour la complèter et lui profiter en retour. La combinaison d’un accueil touristique et d’un nouvel artisanat agro-alimentaire, biologique ou non, peut ainsi donner un nouvel élan à des ménages vivant jusque-là d’une agriculture peu productiviste (C. Mignon, 1998). Ces activités para-agricoles peuvent également attirer une frange de la population urbaine, séduite par les atouts paysagers d’un site qui, tout en offrant un style de vie différent, permet également l’acquisition de biens immobiliers relativement peu coûteux et l’assurance d’une certaine qualité de vie, si un minimum de services est assuré à la population.

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