L’imagerie ultrasonore : principe et caractéristiques générales

L’imagerie ultrasonore : principe et caractéristiques générales

Les sections suivantes exposent les bases physiques de l’imagerie ultrasonore ainsi que les principes généraux de fonctionnement d’un échographe ; elles s’appuient sur plusieurs ouvrages et articles de référence comme (Bonnin et al., 2004) et (Stone, 2005).

Bases physiques de l’analyse d’un milieu par ultrasons

Une onde ultrasonore est une onde dont la fréquence est supérieure à 20 kHz ; ce type d’onde est inaudible pour l’oreille humaine. En échographie, des ondes ultrasonores sont émises en direction du milieu à imager. Ces ondes sont des ondes de pression, et leur propagation est à l’origine d’un phénomène de compression puis de dilatation du milieu traversé, transmis de proche en proche. La vitesse de propagation de l’onde c est une caractéristique du milieu traversé : elle dépend exclusivement de la densité et de l’élasticité de ce dernier22 . Dans les tissus mous, la vitesse de propagation d’une onde ultrasonore, soit 1540 m/s, est proche de celle de l’eau, qui est de 1480 m/s. Dans l’air ou dans un tissu osseux, les vitesses de propagation moyennes sont très différentes (respectivement 340 m/s et 3000 m/s).

Phénomènes de réflexion et de réfraction

Lorsqu’une onde traverse différents milieux, elle est susceptible de subir, aux interfaces de ces milieux, un ensemble de réflexions et de réfractions. Dans le cadre du phénomène de réflexion, le faisceau réfléchi « repart » de l’interface avec un angle identique à l’angle d’incidence. Dans le cadre de la réfraction, le faisceau incident est dévié d’un angle qui dépend du rapport des vitesses de propagation de l’onde dans les deux milieux traversés. Ces phénomènes sont illustrés à la Figure 2.1.

Phénomène de diffusion

Une onde sonore émise à une fréquence f, contrainte dans un milieu donné à se propager à une vitesse c, possède une longueur d’onde λ qui est définie par λ = c / f . Lorsque cette longueur d’onde est d’un ordre de grandeur bien inférieur à l’ordre de grandeur de la structure cible, comme dans le cas d’un organe, les phénomènes de réflexion et de réfraction sont prédominants. En revanche, lors de la traversée par une onde d’un milieu très hétérogène, constitué de microstructures d’impédances acoustiques différentes (tissu spongieux ou organes parenchymateux par exemple) et de taille proche de la longueur d’onde, un nouveau phénomène intervient : la diffusion. Ce dernier consiste en une réémission isotrope d’une partie de l’onde incidente.

Atténuation de l’onde ultrasonore

Lors de son parcours, l’onde ultrasonore subit donc une série de réflexions, de réfractions et de diffusions. Cet ensemble d’interactions avec les différents milieux de propagation est à l’origine d’une atténuation de l’énergie transportée par l’onde. Les mécanismes sous-jacents à ce phénomène d’atténuation sont trop nombreux et complexes pour être décrits ici de manière exhaustive. Néanmoins, on retiendra d’une part, que l’intensité de l’onde ultrasonore décroit exponentiellement avec la profondeur de pénétration dans les tissus23 et d’autre part, que la profondeur d’exploration maximale augmente lorsque la fréquence de l’onde diminue.

Fonctionnement de l’échographe

Le transducteur ultrasonore

Un transducteur est un dispositif qui convertit une grandeur physique en une autre. Un transducteur ultrasonore transforme un signal électrique en une onde ultrasonore et inversement, en utilisant l’effet piézoélectrique. La piézoélectricité est la propriété que possèdent certains corps de se polariser électriquement sous l’action d’une contrainte mécanique et réciproquement, de se déformer lorsqu’on leur applique un champ électrique. En soumettant ce type de matériau à un champ électrique alternatif, il se comprime puis se dilate périodiquement (vibration mécanique), émettant ainsi une onde sonore. Dans un transducteur échographique, un élément piézoélectrique est utilisé à la fois en émission, pour transformer une impulsion électrique de commande en une onde ultrasonore, et en réception, pour convertir en courant électrique les échos ultrasonores des ondes réfléchies. Pour permettre ce mode de fonctionnement dual, l’onde ultrasonore n’est pas émise en continu, mais elle est modulée par des impulsions brèves (émission pulsée). Le temps entre la fin d’une émission et le début d’une nouvelle émission d’impulsion est appelé le « temps d’attente ».

Formation de l’image ultrasonore

Le transducteur émet une onde ultrasonore en excitant un élément piézoélectrique. Cette onde est transmise au milieu à étudier et se propage dans les tissus et structures biologiques à imager. En raison des phénomènes de réflexions (et de diffusions) à l’interface des milieux d’impédance acoustique différente, des échos de cette onde font chemin arrière, en direction du transducteur qui, en mode récepteur pendant le temps d’attente, est prêt à les convertir en signal électrique. En supposant que la vitesse de propagation c de l’onde dans le milieu biologique (tissu mou) est fixe (conventionnellement fixée à 1540 m/s), la distance dcible entre l’émetteur et l’interface à l’origine de l’écho est déduite du « temps de vol » tvol, temps qui sépare l’émission de l’onde et la réception de cet écho, à l’aide de la relation dcible = c tvol 2 . Le temps qui sépare deux émissions dépend de la profondeur d’exploration (tous les échos doivent être revenus avant une nouvelle émission). Il y a donc un compromis entre la fréquence d’émission des impulsions et la profondeur d’exploration.
Un seul élément émetteur-récepteur fournit une réponse monodimensionnelle dans la direction de tir du faisceau ultrasonore. Pour obtenir une image de la cible, le transducteur ultrasonore comporte un ensemble d’une centaine d’éléments piézoélectriques, disposés linéairement (transducteur à barrette linéaire) ou de façon convexe (transducteur à barrette radiale). La Figure 2.2 illustre de façon simplifiée un cycle d’émission/réception qui aboutit à la formation d’une image ultrasonore.
Un échographe fournit plusieurs modes d’affichage de la réponse bidimensionnelle ainsi déduite. Le plus commun est le mode B. Dans ce mode, la position d’un point dans l’image dépend du temps de vol de l’écho et de la position sur le transducteur de l’élément piézoélectrique. L’amplitude du signal électrique fourni par cet élément est représentée en niveaux de gris, après compensation du phénomène d’atténuation en fonction de la profondeur traversée (en anglais, Time Gain Correction, qui peut éventuellement être réglée manuellement) et adaptation de la dynamique de l’image (réduite par compression logarithmique). La Figure 2.3 explicite l’image formée dans le cas « d’école » exposé à la Figure 2.2.

Résolutions spatiale et temporelle

La résolution spatiale d’un système d’imagerie est définie par la distance minimale qui doit séparer deux objets ponctuels pour que ces derniers soient visibles de façon distincte dans l’image. Dans le cadre d’un système d’échographie, il est nécessaire de différencier résolution axiale et résolution latérale. La résolution axiale de l’image ∆y est la résolution dans l’axe du faisceau ultrasonore ; elle est déterminée par la relation:
Δy = cΔt où ∆t est la durée de l’impulsion ultrasonore (voir Figure 2.2 et Figure 2.3). Cette durée dépend principalement des caractéristiques fréquentielles de l’impulsion ultrasonore générée et donc des propriétés des éléments piézoélectriques (bande passante de la sonde). L’image apparaît d’autant plus fine que la gamme des fréquences portées par l’impulsion ultrasonore est large (plus l’impulsion est brève, plus son occupation spectrale est large). Cependant, les composantes « haute-fréquence » de l’onde sont plus atténuées, ce qui limite la profondeur d’exploration. Il s’agit ici du compromis « résolution axiale / profondeur d’exploration » qui sera discuté à la section 2.3.1, dans le cadre de l’imagerie du conduit vocal. En pratique, les sondes proposent un choix de plusieurs bandes de fréquence, ce qui autorise l’analyse par ultrasons d’un milieu à des profondeurs variées (sans avoir besoin de changer de sonde).
La résolution latérale (ou angulaire) qui mesure la capacité de l’échographe à imager distinctement deux objets ponctuels situés dans un plan perpendiculaire au faisceau d’onde ultrasonore, dépend de la largeur de ce faisceau (i.e. de l’occupation spatiale de l’onde ultrasonore). Pour la réduire, une procédure de focalisation électronique est utilisée ; elle consiste à donner au front d’onde une forme concave en jouant sur des retards à l’excitation de sous-groupes d’éléments piézoélectriques adjacents. Il est possible de créer plusieurs niveaux de focalisation du faisceau ultrasonore (jusqu’à 3 pour les systèmes actuels). En pratique, les sousgroupes d’éléments ne sont pas excités simultanément mais les uns après les autres, en faisant « glisser » une fenêtre d’excitation le long de la barrette d’éléments ; il s’agit donc d’un balayage électronique. Si d est la distance de focalisation, l la largeur de l’élément piézoélectrique, et λ la longueur d’onde, un ordre de grandeur de la résolution latérale ∆x est donné par.
La résolution temporelle d’un système échographique, ou fréquence de répétition des images (exprimée en Hz), dépend essentiellement de la profondeur d’exploration maximale. Comme l’illustre la Figure 2.2, la formation d’une image ne peut se faire qu’une fois le temps d’attente atteint ; il s’agit du compromis « résolution temporelle / profondeur d’exploration ». Si n est le nombre d’éléments du transducteur balayé électroniquement, d, la profondeur maximale d’exploration, et c la vitesse de propagation dans les tissus mous, alors la cadence d’images ffps est de l’ordre de f fps = (2nd /c) −1 . Par ailleurs, on notera également que la cadence des images diminue (fortement) lorsque le nombre de zones de focalisation augmente. Enfin, certains systèmes permettent aujourd’hui d’acquérir des images 3D, en intégrant dans le transducteur non plus une barrette, mais une matrice d’éléments piézoélectriques. Les techniques d’échographie 3D sont actuellement en plein développement mais les systèmes existants ne peuvent fournir un flux d’images qu’à une cadence faible. L’utilisation de tels systèmes n’est donc pas envisagée dans le cadre de cette étud

L’analyse du conduit vocal par imagerie ultrasonore

Configuration et positionnement du matériel

Les sections suivantes décrivent les problèmes relatifs à la configuration de l’échographe et au positionnement de la sonde ultrasonore pour l’imagerie ultrasonore du conduit vocal. Choix du couple échographe/sonde Il n’existe à ce jour aucun système matériel d’échographie dédié « exclusivement » à l’analyse du conduit vocal ; des systèmes standards de diagnostic médical sont traditionnellement utilisés. Néanmoins, un modèle en particulier pourra être choisi pour sa capacité d’interfaçage avec d’autres capteurs, comme un microphone par exemple. L’autre choix important est celui de la sonde ; il implique le choix de sa forme géométrique et celui de sa bande passante. Pour pouvoir imager une grande partie de la langue, idéalement de la racine à l’apex, l’utilisation d’une sonde convexe (radiale) est appropriée. Certaines sondes, dites microconvexes, permettent d’atteindre un angle d’ouverture de l’ordre de 140 degrés et sont suffisamment petites pour s’insérer de manière assez stable entre les os de la mandibule. La plupart de ces sondes offrent une large bande passante (de 3 à 8 MHz), le choix de la fréquence de travail étant ajustable.

Disposition de la sonde par rapport à la tête

Dans le système envisagé, la sonde est placée sous le menton du locuteur. Afin de maintenir la transmission de l’onde acoustique, la sonde doit rester en contact avec la mâchoire au cours de la production. Un gel, dont l’impédance acoustique est proche de celle des tissus mous, est utilisé pour éviter la formation d’une mince couche d’air entre la sonde et les tissus25 . Pour le positionnement de la sonde par rapport à la tête, deux approches peuvent alors être envisagées.
Une première approche consiste à fixer, de manière rigide, à la fois la sonde et la tête, comme c’est le cas dans le système HATS (Stone et Davis, 1995), illustré à la Figure 2.4 (et également dans le système utilisé dans (Davidson, 2006)). Pour ne pas trop perturber la production, et permettre un léger mouvement de la mâchoire inférieure, il est possible d’utiliser un petit coussinet rempli de gel ultrasonore placé sur la sonde. Ce dernier se déforme (légèrement) en fonction de la pression imposée par la descente de la mâchoire inférieure, tout en maintenant le contact acoustique.

Configuration de l’échographe

Un des premiers paramètres à choisir sur un échographe est la profondeur maximale d’exploration. Comme nous le verrons dans la section 2.3.2, la structure visible la plus éloignée de la sonde est, sous certaines conditions, une partie de la voute palatine. Ainsi, pour un sujet adulte, une distance de 7cm semble appropriée (cette valeur peut être inférieure pour une étude chez l’enfant). A cette profondeur, pour une sonde à 128 éléments, et avec une unique zone de focalisation du faisceau, la cadence des images est d’environ 85 Hz. Pour éviter une trop forte atténuation du signal, la fréquence de l’onde ultrasonore émise est choisie dans la partie basse de la bande passante disponible (3 MHz par exemple). A cette fréquence, avec une largeur des éléments piézoélectriques de l’ordre de 0.5 mm, et une distance de focalisation de 5 cm (surface de la langue), les résolutions latérales et axiales sont respectivement de l’ordre de 2 mm et 0.7 mm.
Enfin, la plupart des systèmes existants effectuent, par défaut, un post-traitement des images dans le but d’en améliorer la qualité. Un de ces traitements consiste à moyenner l’image courante avec un certain nombre d’images adjacentes (en anglais, image persistence), ce qui permet de renforcer les contours dans l’image. Ce traitement est ici désactivé car il peut rendre plus difficile la localisation temporelle d’un événement dans la série d’images enregistrée.

Analyse qualitative de l’image ultrasonore

Lorsque la barrette d’éléments piézoélectriques est orientée dans le sens de la longueur de la langue, on obtient une coupe de la cavité buccale dans le plan sagittal médian, comme l’illustre la Figure 2.9.

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