L’IMAGERIE SPECTROSCOPIQUE PROCHE INFRAROUGE FONCTIONNELLE (fNIRS)

L’ÉLÉCTROENCÉPHALOGRAPHIE (EEG)

PRINCIPES THÉORIQUES GÉNÉRAUX

L’exploration EEG permet d’enregistrer l’activité électrique du cortex cérébral au niveau du cuir chevelu. Elle constitue l’une des rares méthodes de neuroimagerie disposant d’une excellente résolution temporelle permettant de mesurer des changements rapides des signaux électriques cérébraux. Les mesures EEG impliquent la fixation de plusieurs électrodes conductrices de surfaces positionnées au niveau d’emplacements normalisés sur le scalp (Jurcak, Tsuzuki, & Dan, 2007). L’activité électrique recueillie à la surface du cuir chevelu via l’EEG représenterait des courants extra cellulaires reflétant la somme de potentiels dendritiques et postsynaptiques excitateurs et inhibiteurs (Cohen, 2017). Différents rythmes cérébraux ont pu être associés à ces activités électriques en fonction de leur caractéristique fréquentielle. Les rythmes delta (0-4 Hz), thêta (4-8 Hz), alpha (8-12 Hz), béta (13-30) et gamma (30-90 Hz) ont ainsi été distingués (Herrmann, Strüber, Helfrich, & Engel, 2016). Ils seraient sous-tendus par les fluctuations d’excitabilité des populations de neurones sous-jacentes (Cohen, 2017). Ces oscillations ont pu être associés à divers processus cognitifs et moteurs en fonction de leur localisation corticale.

ANALYSE DES RYTHMES EEG DANS LES DOMAINES COGNITIFS ET MOTEURS

La réduction de la puissance béta est généralement interprétée comme un corrélat électrophysiologique des activations corticales impliquées dans le comportement moteur et la production du mouvement volontaire (Herrmann et al., 2016 ; Pfurtscheller & Lopes Da Silva, 1999). Une réduction de la puissance dans la bande de fréquence béta est classiquement observée pendant l’initiation et l’exécution du mouvement au niveau des régions sensorimotrices associées au membre sollicité (Perrey & Besson, 2018). L’activité corticale peut aussi être interprétée au regard de l’analyse du rythme alpha. Celui-ci a largement été étudié dans les activités sportives et dans de nombreux domaines différents en raison de sa relation établie avec les processus cognitifs (Klimesch, Sauseng, & Hanslmayr, 2007 ; Perrey & Besson, 2018). Les oscillations alpha ont notamment été associées à des processus attentionnels et inhibiteurs, notamment dans les régions frontales (Berger & Davelaar, 2018 ; Klimesch et al., 2007). Des études indiquent qu’une augmentation de l’activité alpha peut refléter un contrôle cognitif inhibiteur dans la réalisation de tâches cognitives (Klimesch, Doppelmayr, Schwaiger, Auinger, & Winkler, 1999 ; Van Diepen, Foxe, & Mazaheri, 2019) ou motrices (Hummel, Andres, Altenmüller, Dichgans, & Gerloff, 2002 ; Hummel et al., 2004 ; Klimesch et al., 2007). À l’inverse, une activité alpha de faible puissance reflèterait un niveau d’activation corticale associé à une demande attentionnelle et cognitive plus importante pour effectuer la tâche (un traitement plus actif de l’information) (Klimesch, 1999 ; Klimesch et al., 2007 ; Ray & Cole, 1985). Au-delà de l’analyse de la puissance alpha, l’activité corticale associée à des demandes cognitives élevées peut aussi être révélée à partir de l’analyse des rythmes thêta et gamma. En effet, une augmentation de la puissance dans la bande de fréquence thêta refléterait l’activation corticale impliquée dans des processus cognitifs supérieurs tels que l’inhibition cognitive ou la mémoire de travail (Cavanagh & Frank, 2014 ; Huster, Enriquez-Geppert, Lavallee, Falkenstein, & Herrmann, 2013 ; Jacobs, Hwang, Curran, & Kahana, 2006 ; Klimesch et al., 1999 ; Sauseng, Griesmayr, Freunberger, & Klimesch, 2010). Enfin, des études EEG ont aussi indiqué que l’activité du signal gamma était impliquée lors de tâches mobilisant les fonctions cognitives (Kaiser & Lutzenberger, 2005). Une augmentation de l’activité gamma (>30Hz) a notamment été observée au niveau du cortex frontal lors de tâches nécessitant l’engagement du contrôle cognitif (Kaiser & Lutzenberger, 2005).
L’utilisation de l’EEG est largement répandue pour explorer le fonctionnement cérébral et notamment l’activité des régions motrices et préfrontales lors de tâches d’endurance physique (Bailey, Hall, Folger, & Miller, 2008 ; Brümmer, Schneider, Abel, Vogt, & Strüder, 2011 ; Brümmer, Schneider, Strüder, & Askew, 2011 ; Enders et al., 2016 ; Hottenrott, Taubert, & Gronwald, 2013 ; Krause, Ullsperger, Beyer, & Gille, 1983 ; Moraes et al., 2011 ; Nielsen, Hyldig, Bidstrup, González-Alonso, & Christoffersen, 2001 ; Robertson & Marino, 2015). L’analyse des rythmes EEG a notamment permis d’étudier les relations entre le niveau d’intensité d’exercice et l’activité corticale (Bailey et al., 2008 ; Brümmer et al., 2011 ; Hottenrott, Taubert, & Gronwald, 2013 ; Robertson & Marino, 2015). Elle a ainsi conduit à suggérer l’implication du CPF et du contrôle cognitif dans le maintien de l’effort fatigant (Robertson & Marino, 2015). Les changements de puissance dans les bandes de fréquences semblent donc se poser comme un bon moyen d’investiguer la dynamique cérébrale et l’implication des processus cognitifs associées au maintien de l’exercice.
La puissance du signal EEG peut être analysée dans le domaine fréquentiel ou temps-fréquence (Cohen, 2014). Dans le cadre de cette thèse, l’analyse fréquentielle basée sur une transformée de Fourier a été réalisée. Le signal EEG peut aussi être analysé dans le domaine temporel, au travers de l’étude des potentiels évoqués que nous aborderons dans la prochaine section.

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LES POTENTIELS ÉVOQUÉS

L’EEG permet également d’investiguer l’activité corticale évoquée par des événements spécifiques sensoriels, moteurs et cognitifs (Luck, 2005). Dans ce cas, on parle de l’enregistrement de potentiels évoqués. Le potentiel évoqué par un événement extérieur tel qu’un stimulus sensoriel est désigné en anglais par « Event Related Potential » (ERP). Celui-ci s’obtient en moyennant le signal de plusieurs segments de même durée et dont le début est synchronisé sur l’apparition du stimulus. Cela permet d’augmenter fortement le rapport signal sur bruit (Sörnmo & Laguna, 2005). Pendant le protocole, le participant doit donc être soumis un nombre de fois important au même stimulus (i.e., il effectue plusieurs fois la même tâche) afin d’annuler le bruit de fond associé à un essai simple. Une fois le moyennage réalisé, le signal obtenu présente différents pics, ou composantes, dont l’amplitude et la latence sont caractéristiques du stimulus présenté au sujet et de son état cognitif au cours de la tâche réalisée (figure 14). Un potentiel évoqué est ainsi défini par sa polarité (positive ou négative), sa latence par rapport à l’apparition de l’événement, et sa localisation sur le scalp. On distingue les composantes dites « précoces » (e.g., P1, N1, N2, P2) apparaissant dans les 200 millisecondes suivant la stimulation des composantes dites tardives (e.g., P300, N400) ayant lieu après celle-ci. Plus un pic se produit tardivement dans l’onde de réponse électrophysiologique, plus il est probable qu’elle reflète des processus cognitifs supérieurs (endogènes) et non les propriétés physiques du stimulus. La P3 est par exemple un phénomène endogène typique car elle dépend de facteurs internes plutôt qu’externes (Luck, 2005).
Figure 14 : Extraction de la forme d’onde d’un potentiel évoqué à partir d’un enregistrement EEG a) Des stimuli visuels sont présentés pendant l’enregistrement EEG, mais la réponse spécifique à chaque stimulus est trop faible pour être analysée. b) Pour isoler le potentiel évoqué de l’EEG en cours, les segments EEG suivant chaque stimulus sont extraits et moyennés pour créer une forme d’onde caractéristique. Cette figure est traduite de Luck et al. (2000).
Les ERP ont notamment été utilisé afin de caractériser la réponse relative au traitement de récompenses visuelles associées à la réalisation de tâches motrices (Doñamayor, Schoenfeld, & Münte, 2012 ; Pornpattananangkul & Nusslock, 2015 ; Schevernels, Krebs, Santens, Woldorff, & Boehler, 2014) ou cognitives (Capa, Bouquet, Dreher, & Dufour, 2013). Les réponses électrophysiologiques diffèrent selon le niveau de récompense associé à un stimulus récompensant. Lorsque le stimulus visuel est présenté avant la réalisation de la tâche (anticipation de la récompense), les phases de traitement et d’évaluation de la récompense se distinguent de celle de préparation de la tâche (composantes tardives suivant la P3) (Pornpattananangkul & Nusslock, 2015 ; Schevernels et al., 2014). Lorsque le stimulus informe l’individu de la possibilité d’obtenir une récompense, une augmentation de l’amplitude de la P3 et de la composante négative tardive (CNV) ainsi qu’une réduction de l’amplitude de la N2 est observée, comparativement à l’apparition d’un stimulus non récompensant (ou moins récompensant) (Doñamayor et al., 2012 ; Pornpattananangkul & Nusslock, 2015 ; Schevernels et al., 2014) (figure 15).
L’augmentation de la P3 dans l’évaluation/l’interprétation de la récompense refléterait le traitement d’informations particulièrement motivantes (Pornpattananangkul & Nusslock, 2015). Des études suggèrent en effet que la P3 serait sensible aux stimuli significativement motivants (Polich & Kok, 1995 ; San Martín, 2012) et pertinents pour la réalisation de la tâche (Polich & Kok, 1995). Une augmentation de la CNV induite par un stimuli récompensant précédant la tâche cible, pourrait refléter une activité plus importante des processus nécessaires à la réalisation de la tâche (Capa et al., 2013 ; Grent-’t-Jong & Woldorff, 2007 ; Schevernels et al., 2014). Cette composante négative tardive (<400ms) augmente notamment dans les essais pour lesquels les participants doivent investir un effort préparatoire (Falkenstein, Hoormann, Hohnsbein, & Kleinsorge, 2003). Cette variation serait associée à une activité exécutive plus importante (Falkenstein et al., 2003). Des études cherchant à documenter la signification d’une variation de l’amplitude de la N2 dans la phase d’évaluation des stimuli précédant la performance ont suggéré qu’elle pouvait être révélatrice d’un décalage entre le stimuli récompensant attendu et le stimuli réellement proposé (stimuli non récompensant) (Folstein & Van Petten, 2008 ; Pornpattananangkul & Nusslock, 2015). Cette variation pourrait aussi refléter le contrôle cognitif nécessaire à l’évitement d’une punition potentiellement appliquée en cas de performance insuffisante (Pornpattananangkul & Nusslock, 2015 ; Potts, 2011).

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