L’Imagerie Interventionnelle par Résonance Magnétique

L’hyperthermie a, depuis longtemps, été proposée pour traiter les cancers. Un papyrus égyptien, vieux de près de quatre mille ans, rapporte une tentative de traitement d’un cancer du sein à l’aide d’une tige chauffée. Hippocrate fait état de cette technique dans ses aphorismes et, à sa suite, plusieurs médecins proposeront de cautériser certaines tumeurs superficielles. Il faut cependant attendre le XIXème siècle pour que l’hyperthermie trouve réellement une place dans le traitement des cancers. Bichat, pour qui la fièvre était un instrument de guérison, soutenait également la pyrétothérapie. Des médecins observent alors des cas de régression, voire quelques guérisons d’authentiques cancers à la suite de grands états fébriles occasionnés par des infections. On cherche alors à créer des fièvres artificielles, principalement à l’aide de toxines, dont la plus utilisée fut celle de l’américain Coley. Des résultats inconstants et décevants, quelques accidents, et surtout l’arrivée en 1895 des rayons X, qui allaient se révéler une arme majeure, plongent dans l’oubli ces techniques d’hyperthermie généralisée. Dans les années 1960-1970, à la lumière de solides études scientifiques, l’hyperthermie anticancéreuse connait un renouveau. Les chercheurs démontrent qu’une élévation thermique de 6 à 8°c au dessus de 37°C, maintenue plusieurs heures, est toxique pour les cellules de mammifères et donc pour les cellules tumorales. Ces techniques bénéficient des énormes progrès faits au cours des 30 dernières années en imagerie médicale interventionnelle. Appelée il y a quelques années « radiologie interventionnelle », les termes « imagerie interventionnelle » apparaissent plus appropriés puisque les outils utilisés comportent non seulement les rayons X mais aussi l’échographie et l’IRM. En pratique, il s’agit de tout acte guidé par l’image permettant un geste diagnostique (comme une biopsie) ou thérapeutique (véritable imagerie interventionnelle). Ces techniques de prise en charge thérapeutique se sont extrêmement développées au cours des dix dernières années et, actuellement, des médecins ne pratiquent plus que cette surspécialité de l’imagerie. En cancérologie, en dehors de cas très particuliers, l’imagerie interventionnelle n’est pas curative mais a un caractère uniquement palliatif, souvent à titre antalgique. Plus généralement, les procédures interventionnelles utilisent essentiellement la voie percutanée et, plus rarement, la voie intra-vasculaire ou intra-canalaire (voies biliaires). Ces méthodes sont pratiquées dans des conditions de stérilité maximum et la tendance actuelle est d’installer des appareils couplant la radiologie conventionnelle, la scanographie, l’échographie, voire l’IRM, au sein de blocs opératoires. Les sources lasers se développent aujourd’hui rapidement et rendent crédibles les traitements correspondants. Cependant, apporter le rayonnement laser au niveau des organes profonds reste délicat et nécessite un contrôle précis de leur positionnement. Délivrer au volume à traiter une puissance lumineuse suffisamment élevée, tout en évitant une coagulation et une opacification proximale néfaste, reste un challenge ouvert. La conformation de la zone traitée à la tumeur est aussi un problème difficile surtout lorsque, pour des cibles de grandes tailles, il est nécessaire d’utiliser plusieurs fibres ou un agencement précis du rayonnement laser. Alors une assistance par l’imagerie est indispensable pour la planification, pour le placement des fibres, pour le contrôle peropératoire temps réel de l’évolution des tissus traités et pour le suivi post-opératoire. Peu de modalités d’imagerie permettent toutes ces fonctionnalités : L’IRM en est une, ses capacités de différenciation tissulaire ne sont plus à démontrer, elle offre également des possibilités uniques de cartographie des effets thermiques ou nécrotiques en cours de traitement ou après traitement. Enfin, par sa nature d’émission de lumière, la thérapie par laser est parfaitement compatible avec l’IRM. Cependant, les problèmes de positionnement interactif de la fibre ou de cartographie thermique ne sont pas complètement résolus.

Bien que la thérapie laser soit d’actualité et que l’intérêt clinique du guidage par l’image des gestes opératoires fasse l’unanimité des radiologues interventionnels, peu d’équipes dans le monde travaillent sur le thème de la thérapie laser en IRM interventionnelle car freinés par des verrous technologiques importants.

L’intérêt pour les thermothérapies est grandissant, cependant la conformation de la lésion produite au volume tumoral et à sa marge de sécurité reste un véritable défi. Dans ce domaine, des contraintes fortes de vitesse et de sécurité sont exigées. Pour répondre à cet objectif, le laser et l’IRM forment un couple idéal : planification, guidage et contrôle du traitement sont effectués en temps réel sans jamais déplacer le patient. L’IRM revêt un intérêt majeur dans cette indication car, outre son innocuité, elle permet d’obtenir une imagerie en fonction de la température, et ainsi de visualiser précisément la zone nécrosée. Pourtant riche en retombées médicales et économiques, l’IRM interventionnelle est également freinée par la difficulté à constituer une équipe véritablement pluridisciplinaire. Á Lille, nous avons organisé un consortium d’équipes de recherche, de cliniciens et d’industriels financé par le RNTS (2005-08) de l’ANR. L’U703 apporte son expérience en IRM interventionnelle et met à disposition l’appareil d’IRM à champ ouvert dédié à la recherche. Ce pôle « IRM » est complété par la présence d’AQUILAB SAS, jeune pousse en contrôle de qualité image et en planification thérapeutique et par le LAGIS qui possède quant à lui toutes les compétences nécessaires en automatique pour la mise en place d’un système de guidage et d’asservissement du laser. Le pôle « laser » est également constitué d’experts locaux à la renommée internationale : l’IFR 114 qui maitrise les interactions « énergie lumineuse/tissus biologiques » épaulé par le CERLA (interactions physicochimiques avec la lumière) et OSYRIS SA, industriel spécialiste en lasers médicaux et en modélisation de la diffusion thermique. Le savoir-faire du laboratoire LMP (Université de Valenciennes) en biocéramiques permettra la conception du guide pour la mise en place de la fibre optique. Le Service de Radiologie Digestive du CHRU de Lille et celui du CHU de Montpellier nous ont fait profiter de leur longue expérience et de leurs commentaires avisés en imagerie interventionnelle digestive. La présence du constructeur HITACHI-Médical, nous a permis de tirer le meilleur parti de leur appareil OPEN à 0.2T. Leurs précieux conseils concernant la norme DICOM et la conception d’une antenne dédiée à l’imagerie interventionnelle sont pour le projet « Thérapie Laser Assistée par IRM » (TLAI) une aide fantastique.

Le modèle pathologique utilisé pour la validation du projet est celui des métastases hépatiques isolées inopérables, dont la fréquence, la mortalité et l’impact économique sont majeurs en santé publique. Le but de ce projet est de traiter des tumeurs de 4 cm de diamètre par ablation laser avec un suivi temps-réel par IRM.

Le traitement des cancers comporte l’ensemble des soins médicaux destinés à combattre la maladie pour en limiter les conséquences et entraîner la guérison. On distingue les traitements anticancéreux spécifiques, dirigés contre la tumeur et les cellules néoplasiques, et les traitements non spécifiques. Par exemple, la chirurgie et la radiothérapie ont une action spécifique et guérissent la plupart des cancers localisés. Par contre la chimiothérapie a une action non spécifique et s’adresse aux cancers généralisés qui ne peuvent être guéris que dans une minorité de cas. On différencie également les procédés de destruction physique (radiofréquence, cryothérapie, laser, micro-ondes, ultrasons focalisés, radiothérapie) et les procédés de destruction chimique (chimioembolisation, chimiothérapie, alcoolisation…). Ces traitements anticancéreux sont souvent combinés en associations thérapeutiques pour renforcer leur efficacité ou réduire leur toxicité.

Analysons plus en détail l’hyperthermie. C’est une méthode de destruction physique spécifique, qui peut être utilisée comme traitement local des tumeurs malignes ou bénignes. Il convient de différencier les systèmes dits d’hyperthermie avec des températures entre 44- 45°C pendant une durée de l’ordre de l’heure, des systèmes dit de thermothérapie avec des températures >50°C et des durées de traitement de quelques dizaines de minutes. L’effet thérapeutique se résume en une destruction tissulaire soit par apoptose (hyperthermie) soit par nécrose coagulatrice accompagné d’une réaction inflammatoire (thermothérapie). Avec l’évolution des matériels, la tendance actuelle est au développement de nouveaux systèmes de haute énergie et de courte durée. En effet, au-delà de 60°C les protéines cellulaires coagulent quasi instantanément .

Les méthodes percutanées guidées par l’image, susceptibles d’augmenter la température au sein d’un tissu au point d’obtenir une destruction cellulaire, sont multiples : ondes radiofréquence, ultrasons, laser et micro-ondes. Cependant, peu de modalités d’imagerie permettent, à la manière de l’IRM, à la fois la planification, le placement des fibres, le contrôle per-opératoire temps réel de l’évolution des tissus traités et le suivi post-opératoire. La place de la thermothérapie laser et de l’IRM interventionnelle dans l’arsenal thérapeutique progresse rapidement mais reste incertaine face à des difficultés d’ordre pratique. Le rapport entre le bénéfice clinique des thermothérapies guidées par l’image avec leur coût en termes d’économie de la santé et de mise en œuvre pratique est encore difficile à évaluer.

Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Rationnel, État de l’art et Objectifs
1.1. Introduction
1.2. Les thérapies minimalement invasives pour le traitement des métastases hépatiques
1.2.1. Les thermothérapies percutanées
1.2.1.1. Thermothérapie radio-fréquence (radio frequency ablation, RFA)
1.2.1.2. Thermothérapie laser (laser-induced thermotherapy, LITT)
1.2.1.3. Thermothérapie par ultrasons focalisés (hight intensity focused ultrasound, HIFU)
1.2.1.4. Thermothérapie micro-ondes (microwave ablation)
1.2.2. Les modalités d’imagerie pour les contrôles pré, per et post opératoire
1.2.2.1. Échographie
1.2.2.2. Tomodensitométrie RX
1.2.2.3. IRM
1.2.3. Comparaison de la LITT avec les standards utilisés en routine clinique
1.3. Passé, Présent et Futur de l’IRMi
1.3.1. Progrès matériels des appareils d’IRM
1.3.2. Progrès logiciels
1.3.3. Localisation des instruments en IRM interventionnelle
1.3.4. Systèmes informatiques et robotiques existants
1.3.4.1. Les logiciels destinés au guidage de gestes par IRM
1.3.4.2. Les systèmes de réalité augmentée
1.3.4.3. La robotique médicale
1.3.5. Qui, quand et où ?
1.4. Conclusion et Objectifs
Chapitre II : Aide préopératoire aux gestes chirurgicaux en imagerie interventionnelle
2.1. Introduction
2.2. La localisation d’instrument
2.2.1. Calcul de coordonnées 3D par stéréovision
2.2.1.1. Le capteur stéréoscopique : modélisation de la caméra
2.2.1.2. Changement de référentiel et calibration
2.2.1.3. Calcul des coordonnées 3D
2.2.2. Corrections des coordonnées 3D dans des images IRM
2.2.2.1. Analyse
2.2.2.2. Caractérisations
2.2.2.3. Corrections
2.3. Description du système mis en place pour le positionnement d’un guide rigide
2.3.1. Synopsis de la mise en place du guide pour la fibre optique
2.3.2. Mire de calibration
2.3.3. Planification de la trajectoire rectiligne et description d’un outil interventionnel
2.3.4. Indication du point d’entrée
2.3.5. Localisation d’une LED par stéréovision
2.3.5.1. Validation de la calibration
2.3.5.2. Validation du calcul 3D
2.3.6. L’écran de contrôle
2.3.7. Suivi de l’aiguille par IRM
2.4. Conclusion
Conclusion générale

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