HTA
La pression artérielle (PA), mesurée en millimètre de mercure (mm Hg), peut se traduire comme étant la pression mécanique du sang exercée sur la paroi des artères à la suite de l’effet des contractions cardiaques. On la nomme hypertension artérielle lorsque la valeur de la PA dépasse d’une façon chronique certaines valeurs seuils au-delà desquelles des dommages aux tissus et aux organes peuvent survenir (Cloutier et al., 2015; Mancia et al., 2014; National Institute for Health and Clinical Excellence, 20 Il a). Pour la grande majorité des individus, il s’agit d’une HTA dite essentielle dont les processus physiopathologiques sont multifactoriels (Frame & Wainford, 2017; Grassi, Mark, & Esler, 2015; Oparil, Zaman, & Calhoun, 2003). Pour environ 10 % des cas (Rimoldi, Scherrer, & Messerli, 2014) et jusqu’à 30 % des cas chez les moins de 40 ans (Camelli et al., 2015), l ‘HTA est dite secondaire, c’est-à-dire que la cause est attribuable directement à une autre maladie. Cette thèse traite de l ‘HTA essentielle chez l’adulte. Certains facteurs dits non modifiables sont attribuables au développement de l ‘HTA.
En effet, la prévalence de l’HTA augmente significativement avec l’âge (Padwal et al., 2016; Staessen, Wang, Bianchi, & Birkenhager, 2003) et la génétique aurait une influence expliquant jusqu’à 30 % de la variation de la PA (Coffman, 20 Il). Le sexe (Blacher et al., 2019; Igho Pemu & Ofili, 2008) et l’origine ethnique des individus (Sorrentino, 2018) sont également des facteurs de risque de développement de l’HTA. L’HTA et les MCv associées sont également le résultat d’ un ensemble de facteurs modifiables tels le surpoids, la diète et l’apport en sel, la sédentarité, le stress, ainsi que d’autres comorbidités telles le diabète, l’insuffisance rénale et la dyslipidémie (Yusuf et al., 2004). Pour des seuils diagnostics comparables (140/90 mm Hg), la prévalence de l’HTA est de 44,7 % en Chine (Lu et al., 2017), 30 % en Angleterre, 29 % aux États-Unis (Joffres et al., 2013) et de 22,6 % au Canada (Padwal et al., 2016). Or, à travers le monde, de 40 à 50 % des individus hypertendus n’ont pas encore été dépistés (Beaney et al., 2019; Chow et al., 2013). Un travail important demeure à faire pour l’amélioration du dépistage de l’HTA afin de diminuer les risques de MCv (Campbell, McAlister, & Quan, 2013). De nouvelles solutions doivent être proposées.
HTA et atteintes d’organes cibles
L’HTA mène à une altération des parois vasculaires. Cela favorise le développement d’atteintes d’organes cibles (AOC). En effet, le processus pathologique de l’HTA mène à une exposition inadéquate et soutenue, au niveau vasculaire, à des éléments vasoconstricteurs, telles l’angiotensine II et les catécholamines. Cela contribue au remodelage vasculaire par la promotion d’un stress oxydatif via le relâchement dans la circulation de radicaux libres. L’exposition aux radicaux libres favorise l’expression de facteurs prointlammatoire, prothrombique et de croissance tels l’endotheline, la thromboxane, et le TGF-~ (Kaplan & Victor, 2010; Nadruz, 2015; Sorrentino, 2018). Cela contribue au développement d’un remodelage et d’une hypertrophie de la paroi vasculaire menant à une diminution de la lumière des artérioles (Schiffrin, 2012). De plus, l ‘HTA favorise des changements structuraux menant à la rigidité des grosses artères, telle l’aorte. Il en résulte une PA systolique augmentée parce que les vaisseaux sont rigides, mais également en une pression pulsée (différence entre la PA systolique et la PA diastolique) à la hausse (Sorrentino,.2018).
Cela est un élément pronostique important dans l’apparition de la MCV (Franklin et al., 2001). En effet, les artérioles et capillaires du cerveau, des reins et du coeur ont des résistances plus basses que celles des autres organes. Étant donné que les grosses artères ont perdu leur élasticité qui leur permettait d’absorber une partie de la forte pression générée par les contractions cardiaques, les artérioles et capillaires reçoivent alors un tlux encore fortement pulsatile. Ainsi, lorsque la pulsatilité centrale augmente, la vasoconstriction artériolaire systémique de ces organes ne suffit plus à les protéger, d’où la fragilité de ces organes face à l’hypertension (O’Rourke & Safar, 2005). Ainsi , les reins et les yeux pourront présenter des atteintes associées à l ‘HT A, menant à différentes pathologies se manifestant par la présence d’insuffisance rénale (Muntner et al., 2018) ou de rétinopathie. Le coeur, le cerveau sont des AOC de l’HTA et sont probablement parmi les plus étudiées, car ces atteintes mènent à la MCV ainsi qu’aux A VC et à de la démence (Knopman et al., 2018; Sharp, Aarsland, Day, S0nnesyn, & Ballard, 20 Il).
Défis de la mesure de la PA
Au moment d’une consultation médicale courante comme en clinique sans rendez-vous, la méthode de mesure de la PA couramment utilisée se nomme la mesure de la pression artérielle en clinique (MPAC) (Kaczorowski et al., 2017). Lorsqu’exécutée en respectant tous les critères des lignes directrices, la MPAC a démontré une corrélation comparable à la mesure étalon en HT A : le monitorage ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) (Fagard, Staessen, Thijs, & Amery, 1995; Lamarre-Cliche, Cheong, & Larochelle, 20 Il). Cependant, la MPAC fait de façon auscultatoire est particulièrement exposée aux erreurs techniques. De nombreuses études ont démontré que cette méthode de mesure de la PA est souvent mal exécutée, dû notamment à la méthode de gonflage/dégonflage, à la mauvaise audition des bruits, à l’arrondissement des chiffres, à la mauvaise calibration des appareils ou encore au mauvais positionnement du patient (Campbell & McKay, 1999). De 30 à 40 % des appareils anéroïdes sont mal calibrés (McKay, Campbell, Parab, Chockalingam, & Fodor, 1990). De plus, il est bien documenté que les infim1ières et les médecins échouent majoritairement à appliquer une technique exemplaire de mesure auscultatoire de la PA (Armstrong, 2002; Orevenhom, Hakansson, & Petersson, 2001; McKay et al., 1990; Rabbia et al., 2013; Veiga et al., 2003). Ces erreurs de mesures mène à des écarts moyens de 10,8/4,9 mm Hg (Campbell, Culleton, & McKay, 2005) et pouvant aller à plus de 15 mm Hg pour la PA systolique (Campbell, McKay, Chockalingam, & Fodor, 1994).
L’utilisation d’appareils électroniques de type oscillométrique pennet d’ exécuter une MPAC de meilleure qualité en évitant les erreurs techniques associées à la méthode auscultatoire (Stergiou, Parati, Asmar, O’Brien, & European Society of Hypertension Working Group on Blood Pressure, 2012). Or, au toumant des années 90, le concept de l’effet de sarrau blanc, soit le fait d’avoir une PA plus élevée lorsque mesurée en clinique que dans le milieu de vie usuel, se précise (Pickering et al., 1988). Cela préoccupe les cliniciens relativement à la valeur de la mesure en clinique et les implications diagnostiques associées. L’effet de sarrau blanc serait prévalent chez 30 à 40 % de la population (Williams et al., 2018) et peut être présent dans tout le continuum de l ‘HTA. La mesure de la pression artérielle en c1inique-oscillométrique en série (MPAC-OS) s’est présentée comme une solution. La MPAC-OS se fait à l’aide d’un appareil oscillométrique. La particularité de cet appareil réside dans le fait qu ‘ il effectue de façon automatique une série de trois à six mesures, avec un intervalle de une à trois minutes entre chaque mesure (Myers, Valdivieso, & Kiss, 2008). La moyenne des mesures est générée tout en éliminant la première mesure, souvent plus élevée, contribuant ainsi à réduire l’effet de sarrau blanc. Le patient est laissé seul pour la période des mesures ce qui vient également atténuer l’effet de sarrau blanc (Myers, Valdivieso, & Kiss, 2009a). Cependant, il est peu réaliste, au moment d’une consultation sans rendez-vous, d’effectuer une MPAC-OS en première intention à tous les patients étant donné le temps requis pour son exécution. Le défi de validité de la mesure de la PA au dépistage est bien présent. Or, encore fautil que cet effort de dépistage de l ‘HTA mène à une réduction de la morbidité et de la mortalité et c’est à cet élément que la prochaine section s’ attardera.
Dépistage de l’HTA en contexte de consultation sans rendez-vous
Au Québec, les gens nécessitant un soin de santé vont se diriger le plus souvent vers des services de santé de première ligne. En effet, 60 à 80 % de la population de 20 ans et plus consultent au moins une fois dans l’année en soins de première ligne (Lavallée et al., 2008), ce qui inclut les consultations sans rendez-vous. De façon plus précise et à titre d’exemple, au Québec, les salles d’urgence en milieux hospitaliers reçoivent 3,4 millions de visites annuellement (Gouvernement du Québec, 2016). Cela représente donc un nombre important d’individus pouvant être dépistés. En effet, de 26 à 46 % des adultes ont une mesure de la PA initiale dont le résultat est élevé au moment d’une consultation sans rendez-vous, comme par exemple au moment d’ une consultation dans un département d’urgence (Baumann et al., 2007; Haider, Bano, Zubair, & Shahid, 1977; Player, Mainous, & Camemolla, 2008; Svenson & Repplinger, 2008; Umscheid et al., 2008). Certains auteurs ont exploré l’idée d’utiliser les mesures de la PA faites en contexte de consultation sans rendez-vous afin d’effectuer un dépistage de l’HTA (Dolatabadi, Motamedi, Hatamabadi, & Alimohammadi, 2014; Backer, Decker, & Ackerson, 2003; Dieterle, Schuurmans, Strobel, Battegay, & Martina, 2005; Fleming, Meredith, & Henry, 2005; Tan & Taylor, 2013 ; Tanabe et al., 2008; Tsoi, Tung, & Wong, 2012). Aucune de ces études avec interventions (deux aux États-Unis, une en Angleterre, une à Hong Kong, une en Iran et une en Australie), pour la majorité de cohortes prospectives, ne présente à la fois un processus de dépistage reproductible et démontrant une valeur prédictive d’un diagnostic d’HTA cliniquement valide et utile (Mi chaud, Lamarre-Cliche, & Cloutier, 2016). En effet, aucune des études n’incluait à la fois la combinaison d’une MPAC qui respecte les critères des lignes directrices ainsi qu’une méthode de confinnation de diagnostic effectuée par une mesure ambulatoire tel que recommandé au Canada et ailleurs (Cloutier et al., 2015; National Institute for Health and Clinical Excellence, 2011a; Whelton et al., 2017; Williams et al., 2018). Cela représente un obstacle majeur, car une approche de dépistage complète doit inclure une méthode de diagnostic fiable (Wilson & Jungner, 1970). La valeur réelle de la mesure de la PA effectuée en contexte de consultation sans rendez-vous, ainsi que la façon d’effectuer cette mesure sont peu décrits.
Abstract. |