Liens entre résilience et prévention des risques d’inondations
Depuis le XVIIème siècle c’est par la connaissance des processus physiques des événements naturels que la réduction des catastrophes est envisagée. La production de connaissance sur l’aléa nourrit l’ensemble des recherches sur les risques depuis le milieu du XVIIIème siècle et la parution de l’Atlas physique par Philippe Buache en 1754 qui introduit la segmentation du monde par bassins de rivières et de mers interdépendants. Avec ces avancées techniques, les villes construisent puis, ultérieurement, surélèvent des digues de protection le long des cours d’eau et des littoraux, afin de résister aux aléas. Les actions entreprises ont alors pour but d’apporter une protection en fonction de l’intensité et de la fréquence de l’aléa. La gestion de crise est cantonnée à la réparation des dommages occasionnés. Ce bref retour historique, permet de comprendre la focalisation historique sur l’aléa et sur les logiques de protection qui en découlent (Veyret, Reghezza, 2006). C’est avec les catastrophes naturelles qui ont sévi au cours des années 1980 et 1990 que le mythe du risque zéro s’effrite et l’ouvrage se révèle lui-même comme source de risque potentielle. D’autant que l’augmentation et l’amélioration des dispositifs de protection n’ont pas permis de limiter les dommages causés par les inondations. L’augmentation de ces derniers dans le temps engendre une progressive remise en cause des politiques sécuritaires, La résistance technique aux aléas ne fait pas baisser la vulnérabilité des territoires. (Scarwell, 2007).
Pendant de nombreuses années, la recherche sur les risques était segmentée et se cantonnait à leur classification exhaustive. Puis l’évolution des recherches a permis de territorialiser le risque et ainsi de proposer une approche globale et transversale dans sa représentation (Donze, 2007). La territorialisation du risque a permis d’intégrer les spécificités de chaque territoire dans les politiques publiques. Les politiques sectorielles sont alors adaptées au contexte local et ainsi l’action ne se fait plus sur des secteurs d’activités cloisonnés. De plus, l’accélération de la croissance démographique et urbaine, qui s’est traduite sur le territoire par une urbanisation rapide et précipitée au dépend des espaces régulateurs de flux (l’urbanisation des déversoirs et des zones de rétention d’eau, la déstabilisation de versants par le déboisement…) et considérée comme un facteur augmentant la vulnérabilité (D’Ercole et al, 1994). La gestion du risque passe par la gestion de l’urbanisation dans sa globalité. Parallèlement, les scientifiques et chercheurs ont cherché à évaluer les dommages de la réalisation d’un aléa sur une composante sociale. Il a été mis en évidence un lien entre l’importance des facteurs sociaux et le degré d’exposition des enjeux dans leur capacité de résistance physique à l’aléa (VEYRET, REGHEZZA, 2006). La notion d’enjeu est alors jugée comme pertinente pour la poursuite des recherches de traitement des risques.
Jusqu’au 20ème siècle, les approches du risque se focalisent sur l’aléa via l’expertise scientifique et les solutions techniques. L’analyse du risque se faisait de manière analytique et segmentée et ne considérait pas ou peu les éléments présents sur le territoire. Aujourd’hui le risque est donc considéré comme le croisement d’un aléa (naturel, technologique ou hybride) avec des enjeux (économiques, sociaux, humains, patrimoniaux…) qui seront plus ou moins affectés en fonction de leur vulnérabilité ou celle du territoire qui les accueille. La prévention des risques peut donc théoriquement se faire suivant les trois entrées suivantes : en agissant sur l’aléa, sur les enjeux ou sur la vulnérabilité du territoire exposé. La vulnérabilité d’un territoire est liée à la vulnérabilité sociale des enjeux présents. La considération des enjeux dans la gestion des risques, ancre l’objet d’étude « risque » dans les travaux de sociologie et l’étude des composantes de cette vulnérabilité sociale vient, par la suite, nourrir les travaux sur la vulnérabilité des territoires.
Les facteurs qui favorisent la vulnérabilité font donc l’objet d’études en sociologie où l’on s’attache à analyser la perception du risque. Dans La société vulnérable, recueil de textes de Jacques Theys et Jean-Louis Fabiani publié en 1987, Denis Duclos s’interroge sur la perception des risques (industriels) par les personnes directement exposées, les travailleurs, dans un article au nom équivoque : La construction sociale des risques majeurs. Il démontre que la proximité et la connaissance d’une source potentielle de risque n’influencent pas sur l’appréhension de ce dernier. Il met alors en évidence les contradictions entre les nuisances personnellement pressenties et la composante collective qui tempère ou invalide le sentiment d’exposition au risque. Les travailleurs se sentent couverts, comme A partir d’un ensemble de facteurs qui agissent sur la capacité de réponse de l’individu, du groupe et de la société, la vulnérabilité s’y traduit par l’inaptitude ou l’incapacité à faire face à un aléa et ouvre les champs de réflexion sur le partage des responsabilités et de la connaissance du risque (Provitolo, 2007).